Tout nouveau, tout beau. Après 2 ans de fermeture pour travaux de rénovation et d’extension, le musée national de Port-Royal des Champs, à Magny-les-Hameaux, a rouvert le 20 septembre dernier, à l’occasion du week-end des Journées du patrimoine. Un moment attendu par de nombreux visiteurs, et qui a attiré les foules.

« Depuis la réouverture aux Journées du patrimoine, on est vraiment très contents des retours, d’abord qualitativement, car tous les retours sont très positifs sur la démarche globale de rénovation du musée, et deuxièmement car les chiffres de fréquentation sont là, se réjouit Nathalie Genet-Rouffiac, directrice et conservatrice du musée (en fonction depuis juillet 2024), rencontrée sur place le 8 octobre. On a eu un peu moins de 3 000 personnes pour les Journées du patrimoine, mais le week-end [du 4 et 5 octobre] par exemple, le dimanche, on a eu plus de 600 personnes. » Elle estimait que l’« on doit être sur la base de 4 000 à 5 000 visiteurs » une vingtaine de jours après la réouverture, soit « la version haute de nos espérances ».

Pour rappel, Port-Royal des Champs s’étend sur 32 ha et est composé de 2 sites : le site des ruines de l’abbaye (datant du XIIIe siècle, haut lieu de la contestation janséniste au XVIIe siècle, et détruite sur ordre du roi Louis XIV en 1710), et celui des Granges, où figurent le musée et les jardins. Ces derniers sont restés accessibles durant les travaux, seul le musée était fermé. Et les visiteurs qui le fréquentaient dans son ancienne version peuvent découvrir un lieu transformé, qui a toutefois su conserver sa vocation et son identité.

« Ceux qui connaissaient l’ancien musée retrouvent ce qui faisait la richesse du musée, c’est-à-dire ses collections, mais avec un effort de mise en valeur esthétique et intellectuelle important, et ceux qui ne connaissaient pas découvrent un musée accessible à des gens qui ne sont pas des hyper spécialistes du jansénisme et qui leur donne à comprendre ce qu’a été la vie de cette abbaye, la question du jansénisme dans l’histoire de France … », affirme la directrice.

Et pourtant, ces travaux étaient loin d’être une évidence. « C’est un projet qui remonte à une bonne dizaine d’années, qui a pris beaucoup de temps à mûrir, qui a connu des aléas, y compris le fait que à un moment donné, la question du maintien des travaux s’est posée », rappelle Nathalie Genet-Rouffiac.

Nouvel accueil, rénovation des bâtiments, restauration des œuvres, parcours de visite repensé

Le chantier, finalement, s’est bel et bien déroulé, en 2 phases. La 1re a consisté en la création d’un nouvel accueil, avec un déplacement de l’ex-espace d’accueil au plus près du musée. La 2e phase concernait la rénovation de tous les espaces d’exposition et de tout le parcours permanent. « C’est d’abord une rénovation d’infrastructures, puisque les bâtiments ont été rénovés, tous les systèmes de chauffage ont été revus, […] et on a créé les conditions d’un accès pour les PMR, avec un élévateur, qui va jusqu’au 2e étage », détaille la directrice.

Car le musée est désormais sur 3 niveaux (le 3e restant toutefois accessible sur rendez-vous), ce qui n’était pas le cas auparavant. Et bien sûr, le parcours de visite a été « à la fois rénové et élargi », puisqu’il y a  « aujourd’hui 1/3 de parcours supplémentaire par rapport à auparavant », souligne Nathalie Genet-Rouffiac, évoquant « des espaces qui jusqu’à présent ne faisaient pas partie du parcours de visite, et qui en font maintenant partie ».

1/3 de parcours supplémentaires et 1/3 d’œuvres supplémentaires présentées par rapport à avant la rénovation, « mais ce n’est pas forcément tout à fait les mêmes ; il y a certaines œuvres de qualité esthétique un peu moindre qu’on n’a pas présentées, précise la conservatrice. En revanche, on a tous ces objets du quotidien qui n’étaient pas présentés. » Parmi eux, des couverts utilisés par les religieuses et datant du XVIIe siècle. « Dans l’histoire du musée, il y a eu une époque où il n’y avait que des livres, puis il n’y a eu que des peintures, et maintenant il y a des livres, des peintures, et des objets du quotidien », glisse la directrice.

Toutes les œuvres, en tout cas, « ont fait l’objet au minimum d’une consolidation et d’un nettoyage, et 90 % d’entre elles ont fait l’objet d’une restauration avant d’être remises en exposition », ajoute-t-elle. Une restauration à près de 300 000 euros, pour un total, tout de même, d’environ 6 millions d’euros, entièrement investis par l’État, pour l’ensemble de la rénovation du musée.

Au total, quelques 300 œuvres sont exposées, dont environ 200 peintures. Parmi elles, celles de 2 artistes phares du musée : Philippe de Champaigne (1602-1674), contemporain de l’âge d’or de Port-Royal et du jansénisme, et Jean Restout (1692-1768), qui est lui « vraiment LE peintre du néo-jansénisme », indique Nathalie Genet-Rouffiac. « On a abordé cette rénovation avec l’idée qu’on voulait rester fidèles au public qui connaît et l’abbaye de Port-Royal et le jansénisme, ne pas perdre ce public presque ‘‘de niche’’ qu’on pouvait avoir […] Mais notre préoccupation, c’est vraiment d’ouvrir le musée à des gens qui ont de l’intérêt pour l’histoire, le territoire, et l’histoire du territoire, ou l’histoire nationale, […] avec vraiment une volonté de se montrer le plus pédagogue possible », avance la directrice.

Ainsi, « on a fait le choix d’un parcours à la fois autoportant – c’est-à-dire que vous n’avez pas besoin d’un conférencier pour comprendre le musée – et avec plusieurs niveaux de lecture, poursuit-elle. Dans chaque salle, vous avez un panneaux de salle qui est à la fois l’introduction globale et le résumé global de ce que vous allez trouver dans la pièce, et qui est tout ce que vous devez avoir compris sur ce qui se passe dans cette pièce. »

Mais 2 autres niveaux de lecture existent. D’abord, celui lié aux thématiques abordées. « Dans chaque salle, il y a plusieurs thématiques qui sont traitées. Et chacune fait l’objet d’un panneau spécifique […], donc là, on est déjà à un niveau d’explication historique qui est plus détaillé », développe Nathalie Genet-Rouffiac. 3e niveau de lecture : les cartels, petites étiquettes explicatives disposées à côté des œuvres. « Là, vous avez non seulement le titre, mais une explication de la manière dont l’œuvre est constituée, la symbolique, donc on est dans une analyse de nature histoire de l’art, affirme la directrice. Mais quelqu’un peut très bien se dire ‘‘Je visite le musée en ne lisant que le panneau de salle’’. Chacun peut s’approprier la visite à sa manière. »

12 salles sont accessibles, soit beaucoup plus qu’auparavant. Certains nouveaux espaces ont été aménagés, dont un où trône une maquette représentant ce qu’était l’abbaye. Au total, 300 œuvres sont exposées dans le musée.

Une visite s’effectuant suivant un parcours chronologique. « On part du XIIIe siècle pour rappeler que l’abbaye est une abbaye médiévale. La partie médiévale n’existait pas, elle est enfin présente, et on a des pièces archéologiques alors qu’il n’y en avait pas jusqu’à présent dans le musée. Après, on sait que, à terme, notre ambition est plutôt de développer cette dimension archéologie sur le site même des ruines de l’abbaye […]. Mais on a tenu à remettre dans le temps long et le contexte long l’histoire de l’abbaye et du jansénisme, explique la conservatrice. Après, très rapidement, on va surtout se concentrer sur le moment où Port-Royal est à son apogée, c’est-à-dire le XVIIe, siècle, et ensuite sur tout ce qui se passe après la disparition de l’abbaye, et comment Port-Royal, à travers le jansénisme, devient un symbole de résistance à l’absolutisme … »

La visite nous donne à voir des espaces nouvellement aménagés. On peut par exemple citer un espace à l’entrée de la 1re salle de visite, présentant une chronologie (retraçant l’histoire de Port-Royal de 1204 à 2025), et où trône une maquette du XIXe siècle qui représentant l’abbaye dans son intégralité. Une autre salle, une ex-chapelle qui servait de PC de sécurité avant la rénovation, abrite le masque funéraire de la mère Angélique Arnauld, abbesse de Port-Royal. Mais attention, « on est un musée laïc et républicain », tient à insister Nathalie Genet-Rouffiac. Elle illustre son propos par l’exemple de la niche de l’ex-chapelle privée, où on ne trouve pas d’objet religieux.

Ambition à terme de mieux relier le musée aux ruines de l’abbaye

12 salles sont ouvertes à la visite, réparties à la fois sur les 2 niveaux du bâtiment du XVIIe et sur le 1er niveau du bâtiment du XIXe siècle. Pour la somme de 6 euros en plein tarif (4,50 euros en tarif réduit, gratuit pour les moins de 18 ans et même pour les jeunes de 18 à 26 ans citoyens européens), les visiteurs peuvent accéder au musée et aux jardins, tandis que le site des ruines de l’abbaye est lui accessible gratuitement. Sur l’ensemble du domaine, il est prévu de rafraîchir et repenser la signalétique. Autre ambition, à plus long terme : mieux relier les 2 sites, aujourd’hui raccordés par les fameuses 100 marches.

« Pour des marcheurs, tout va bien, mais pour le public moins sportif, c’est plus compliqué, confie Nathalie Genet-Rouffiac. Et on est vraiment séparés par des murs (une porte sépare également les 2 sites, elle est seulement ouverte le week-end, Ndlr). On voudrait travailler sur l’idée de parcours sur le site des Granges, avec un parcours à travers les jardins, des chemins avec des lacets moins difficiles, avec des cheminements qui mèneraient en bas. » L’idée de faire venir des foodtrucks et de quoi s’asseoir sur le site des Granges, et aussi d’attirer des entreprises pour des séminaires, est également dans les tuyaux.