Le maire de Trappes, Ali Rabeh (Génération.s), est désormais lui aussi sous protection policière. Une enquête a été ouverte pour des menaces de mort à son encontre, selon le parquet de Versailles, repris dans un article du Parisien. Un signalement a été fait sur la plateforme Pharos, où l’on peut publier des contenus illicites en ligne. Le maire en a relayé quelques-uns sur Twitter dont : « Je veux le salafiste de merde Ali Rabeh ». L’édile a d’ailleurs apostrophé Emmanuel Macron, Gérald Darmanin et Valérie Pécresse : « Pas un mot de votre part pour défendre un élu de la République. »

Cette dernière actualité s’ajoute à toutes celles qui ont déferlé dans les médias ces deux dernières semaines, depuis la médiatisation de Didier Lemaire, l’enseignant en philosophie au lycée de la Plaine de Neauphle, à Trappes. Ce dernier est également sous protection policière, disant avoir reçu des menaces suite à la publication d’un courrier dans l’Obs le 1er novembre, dénonçant « l’absence de stratégie de l’État pour vaincre l’islamisme ». Depuis, tous les bords politiques ont pris parti ou se sont exprimés sur cette affaire.

L’enseignant avait publié ce courrier suite à l’assassinat de Samuel Paty dans lequel il déclarait : « J’ai été témoin de la progression d’une emprise communautaire toujours plus forte  », peut-on lire dans l’Obs. Ce n’est pas la première fois qu’il dénonce « la pression sociale et religieuse sur ses élèves », comme lors de la diffusion d’un documentaire sur Trappes réalisé par la télévision néerlandaise, expose le journal Le Point.

Dans la foulée, le maire de Trappes, Ali Rabeh, s’est rendu sur de nombreux plateaux télé pour défendre sa ville et a remis en cause certains des propos de Didier Lemaire, comme ceux sur l’absence de coiffeur mixte ou le nombre de personnes fichées S à Trappes. L’enseignant en annonce 400 dans sa lettre. « Je ne le sais pas moi-même, en tant que maire », déclarait l’édile à 78actu. Le maire avait d’ailleurs annoncé son intention de porter plainte contre l’enseignant pour diffamation, en référence à des propos qu’il n’aurait pas tenus lors d’une interview donnée en janvier dernier à la chaîne néerlandaise. Il a également révélé que le professeur était engagé politiquement au sein du Parti républicain solidariste, qui se dit profondément laïque.

« Une récupération politique insupportable »

Suite à cela, les réactions de tous bords se sont multipliées. Dans un communiqué de presse le 10 février, le préfet des Yvelines, Jean-Jacques Brot, tempère les propos de l’enseignant – le prof estimant que Trappes est une ville perdue – qu’il trouve stigmatisants : « Compte tenu de la gravité de la situation, il me paraissait contreproductif de tenir des propos définitifs laissant à penser que la bataille contre le séparatisme était perdue dans ce territoire. […] Il me paraissait également contreproductif de sembler stigmatiser les 32 000 habitants de cette ville. »

Il a rappelé également que l’État avait bien une stratégie pour vaincre l’islamisme : « La situation de la ville de Trappes, ses fragilités, les errements criminels de ceux qui ont commis l’irréparable en ralliant des groupes terroristes méritent un travail minutieux, patient et acharné. […] Sécurité publique, lutte contre la radicalisation violente, lutte contre le séparatisme, sont au cœur de l’action quotidienne des services de l’État à Trappes. »

Alors que l’emballement médiatique s’accroît, Ali Rabeh passe à l’action et va distribuer une lettre dans l’enceinte du lycée de la Plaine de Neauphle, le 11 février au matin. Dans celle-ci, il apporte son soutien aux élèves face aux « propos violents tenus contre vous et les Trappistes, qui condamnent par avance, qui relèguent, qui excluent », peut-on lire dans sa lettre publiée sur la page Facebook de la ville de Trappes. Il a également conseillé les élèves : « Débattez toujours dans le respect et la bienveillance, confrontez vos points de vue loin des caricatures et avec réflexion. »

Cette intervention n’a pas été bien vue par le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, qui a rappelé à l’ordre le maire de Trappes le soir même dans un communiqué. Il y a vu une distribution de tracts, alors que le proviseur avait stipulé qu’aucun ne devait être distribué. « Jean-Michel Blanquer condamne fermement cette intrusion dans un établissement scolaire et apporte son complet soutien à la communauté éducative choquée par cet acte, indique le ministère de l’éducation nationale dans un communiqué. Il rappelle que les personnels et les élèves d’un établissement ne sauraient être utilisés à des fins de politique locale. » Sachant que le tribunal administratif a récemment annulé les élections municipales de Trappes.

« Quitter l’enseignement, mais pas forcément l’Éducation nationale »

Mais les condamnations ne s’arrêtent pas là et cette affaire a pris une tournure politique. On en oublierait presque les dites menaces que rencontre Didier Lemaire, qui a entre-temps reçu une protection rapprochée, suite à l’annonce de Gérald Darmanin dans un tweet le 11 février. Pour preuve, la présidente de Région, Valérie Pécresse (Libre!), et Renaud Muselier (LR), son homologue de Provence-Alpes-Côtes d’Azur ont demandé le 12 février au ministre de l’Intérieur « la suspension immédiate » du maire de Trappes et sa « révocation », suite à la distribution de la lettre au sein de l’établissement scolaire, selon 78actu.

En réponse, Benoît Hamon a, lui, défendu sur Twitter Ali Rabeh qui était entre autres son ancien assistant parlementaire : « Un maire victime d’un racisme massif et abject, plusieurs fois menacé de mort. Valérie Pécresse ne demande pas sa protection mais sa révocation. Ali Rabeh doit être protégé. » Le hashtag, #SoutienAliRabeh, a même été lancé sur le réseau social et plusieurs élus de gauche de SQY l’ont soutenu [comme ses homologues Didier Fischer (DVG) à Coignières, François Morton (DVG) à Guyancourt et Bertrand Houillon (Génération.s) à Magny-les-Hameaux]. Par ailleurs, deux responsables du Rassemblement national, Jordan Bardella et Laurent Jacobelli, se sont rendus à Trappes le 12 février.

En parallèle, les professeurs veulent que ce déferlement médiatique et politique cesse. Dans un communiqué repris par 78actu, ils montrent leur mécontentement : « La récupération politique actuelle dont notre lycée fait l’objet est profondément insupportable et doit immédiatement cesser […] Nous demandons que cessent les intrusions d’élus et le harcèlement médiatique dont nous faisons l’objet afin de nous laisser accomplir notre travail en paix. »

En attendant, le professeur de philosophie aurait annoncé qu’il allait « quitter l’enseignement, mais pas forcément l’Éducation nationale », selon Le Parisien et 78actu. Au début de sa médiatisation, l’académie de Versailles lui avait proposé une mutation, mais Didier Lemaire avait souhaité poursuivre son enseignement au sein de son lycée, peu importe les menaces. Il a a priori changé d’avis.

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