Depuis lundi 22 avril, jour de la rentrée des vacances de Pâques, tous les collèges du département des Yvelines ont du bœuf yvelinois au menu des cantines. Une première dans la région Île-de-France qui vient compléter la démarche lancée par le Département en 2019 d’introduire un maximum de produits locaux, issus de circuits-courts, dans les assiettes des collégiens. Lentilles de la plaine de Versailles, carottes et pommes de terre de Boinville-en-Mantois, pommes et poires d’Ecquevilly, salades de Montesson, légumes de Magny-les-Hameaux et de Bouafle, pâtes fraîches d’Allainville et de Prunay-en-Yvelines ou encore produits laitiers de Jouy-en-Josas, et désormais, donc, bœuf yvelinois, ce ne sont pas moins de 125 producteurs locaux qui approvisionnent ainsi les cantines des collèges yvelinois.

Pour remplacer la viande de boeuf charolais origine France qui était utilisée jusque-là dans la restauration scolaire, le Département et son opérateur chargé de la gestion des cantines des collèges, C’Midy, ont conclu un accord avec plusieurs producteurs yvelinois, via l’organisation de producteurs “Nos Bovins d’Île-de-France”. Et ce « afin de pouvoir préparer des recettes élaborées avec des bovins nés, élevés et engraissés dans les Yvelines », explique le département des Yvelines dans un communiqué.

« S’agissant du bœuf, notre volonté est de structurer une filière bœuf locale, précise Pauline Winocour-Lefèvre (DVD), vice-présidente du Département, déléguée à la ruralité, à l’agriculture, à l’alimentation et aux circuits-courts. Nous ne sommes pas une région d’éleveurs, il existe des éleveurs mais ce n’est pas toujours rentable. Là, l’idée c’est qu’en travaillant avec l’organisation de producteurs de bovins d’Île-de-France de garantir aux producteurs un prix de revient acceptable producteurs qui permette de se dégager un salaire et garantir un certain nombre de tonnes par an. »

Et de poursuivre : « L’idée est de soutenir nos filières agricoles, de les renforcer quand c’est possible, de les consolider. Je pense aux lentilles qui viennent entièrement des Yvelines et assurent la pérennité de la filière. C’est compliqué à mettre en place. Avec bon sens on se dit toujours qu’il suffit de se fournir en produits locaux pour nos cantines et puis voilà mais il y a toute une logistique derrière et ce n’est pas simple finalement. Ce que j’espère c’est que cela finira par se diffuser à d’autres systèmes de restaurations scolaires dans les écoles et les lycées. »

D’autant que les Yvelines comptent quelques 807 exploitations agricoles, avec des céréaliers, maraîchers, éleveurs, primeurs, producteurs de produits frais, etc. Pour les soutenir, le conseil départemental a adopté une nouvelle politique agricole et alimentaire 2023-2027 à la fin de l’année dernière afin de maintenir la filière et d’accompagner la transition des pratiques face aux enjeux environnementaux. Une décision qui s’inscrit dans la volonté de renforcer les circuits-courts et l’utilisation des produits locaux dans les cantines scolaires des collèges. « Avec une politique agricole responsable et engagée, le Conseil départemental réaffirme l’attachement des Yvelinois à leur terre et à ceux qui la font vivre », insiste Pierre Bédier (LR), président du Département, sur le site internet de la collectivité.

 

Alors, pour atteindre ses objectifs, le département des Yvelines a créé avec la Sodexo, C’Midy. « C’Midy a été créé début 2019 pour harmoniser nos cantines scolaires : il y avait des cuisines centrales, d’autres qui s’approvisionnaient sur des plateformes dédiées, d’autres avec des cuisines sur place, etc., il y avait plein de systèmes différents et plein de tarifications différentes, explique la vice-présidente. Certains collèges n’avaient pas de tarifications sociales. Au sein d’une même ville, parfois les tarifs dans les collèges n’étaient pas les mêmes, etc. Donc il fallait harmoniser tout cela et soutenir l’agriculture locale. Les résultats sont là même si tout est toujours perfectible évidemment. C’Midy s’occupe également de l’entretien des collèges puisqu’ils ont récupéré le personnel. »

Cinq modes de gestion des cantines cohabitaient avec plus de 70 tarifs différents pour les familles. Depuis janvier 2019, les pratiques ont donc été harmonisées et centralisées, avec une prise en charge financière du Département pour favoriser l’accès de tous à la cantine : de 4 à 7 euros par repas et par élève selon les revenus du foyer, soit 50 % à environ 90 % du coût d’un repas. Des outils numériques pour l’inscription et le paiement ont également été mis en place afin de simplifier les démarches (paiement et prélèvement en ligne…). C’est le cas de l’application SoHappy qui permet aux parents de consulter les menus, de connaître la composition des plats, de s’informer et de poser des questions inhérentes à la restauration de leurs enfants.

Pauline Winocour-Lefèvre remarque cependant que « les cantines des collèges fonctionnent encore avec deux systèmes. Il existe une cuisine centrale qui alimente certains collèges mais la plupart des collèges ont des cuisines sur place. Notre volonté, c’est de remettre en place des cuisines sur place car c’est meilleur en général. » Et de préciser une nécessaire adaptation : « Quand on introduit de nouveaux produits, comme du porc ou du bœuf yvelinois, cela nécessite de travailler des recettes pour faire entrer ces produits dans les cantines et donc de faire travailler les chefs et leur faire accepter de travailler autrement. La nécessité d’imaginer à termes d’autres recettes pour utiliser plus de morceaux de bœufs différents. Pour l’instant, nous sommes sur le sauté et les rôtis. Lorsque l’on passe en cuisine sur place, il faut forcément se réorganiser un peu dans les collèges. Cela change du système de livraison évidemment. »

Le département des Yvelines souhaite aller plus loin que la loi Agriculture et alimentation (EGalim), votée au Parlement en octobre 2018, dans l’utilisation de produits locaux et bio. « La part des produits issus de l’agriculture responsable dans les menus servis dans les collèges yvelinois devrait atteindre 93 % à l’horizon 2025. Pour rappel, la loi Agriculture prévoit un objectif de 50 % de produits durables et 20 % de bio », souligne le Département sur son site.

Le Département n’oublie cependant pas qu’il a une « vocation sociale avec le RSA » rappelle l’élue, assurant que « C’Midy sera un vrai levier pour l’insertion des personnes éloignées de l’emploi, bénéficiaires du RSA. Sodexo s’est engagé auprès du Département des Yvelines et son agence d’insertion ActivitY à créer 245 contrats aidés », précise le site internet du conseil départemental. Sans oublier la formation des agents territoriaux et des salariés travaillant pour le compte de C’Midy, avec un grand plan de formation déployé afin qu’ils développent leurs compétences sur des thèmes comme la sécurité des aliments, la sécurité au travail, les besoins nutritionnels des adolescents… Soit, près de 100 000 heures de formation qui seront dispensées durant la durée du contrat.

Enfin, côté environnement, une station de traitement des biodéchets des collèges sera créée. Elle transformera les biodéchets en biocarburants pour les véhicules de livraison de repas dans les collèges ou en fertilisants gratuits pour les agriculteurs locaux dont les champs de blé permettront de produire du pain bio pour les cantines des collèges. « Nous voulons mettre en place une légumerie. Il en existait une aux Mureaux et nous voulons remettre en marche cette possibilité de transformation sur place, de même que nous travaillons avec l’atelier de transformation de viandes de Rambouillet pour que cet outil reste sur le territoire. Cela entre dans le cadre de la logique de circuits-courts, locaux quand on transforme sur place », conclut Pauline Winocour-Lefèvre.


Les chiffres-clés de la restauration dans les collèges des Yvelines

– 114 collèges
– 48 000 repas/jour en moyenne
– 30 % de produits issus de circuits courts depuis janvier 2019 et objectif de 40 % en 2025
– 30 % de produits bio depuis janvier 2019 et 50 % en 2025
– 68 % d’ingrédients responsables depuis janvier 2019 et 93 % en 2025
– 84 cuisines de production sur place
– 125 producteurs locaux situés sur le département des Yvelines et en Île-de-France
– 1 200 collaborateurs dédiés, formés, issus du public et du privé
– 100 000 heures de formation dispensées pendant la durée du contrat
– 600 000 m2 à entretenir
– 400 millions d’euros de chiffre d’affaires prévisionnel sur 7 ans.


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