Une amende de stationnement, les factures de crèche, de cantine, ou d’hôpital, la taxe foncière, ou d’habitation… le paiement de ces frais, en espèces ou en carte bleue, est maintenant possible au bureau de tabac. Il suffit de scanner sa facture comportant un QR code et de payer le montant affiché. En phase d’expérimentation depuis le 24 février et ce jusqu’à la fin de l’année, quatre bureaux de tabac ont adopté ce nouveau service de paiement à Saint-Quentin-en-Yvelines, et plus particulièrement à Trappes, à Montigny-le-Bretonneux et à Guyancourt. Ce chiffre devrait passer à 108 buralistes dans 60 communes des Yvelines le 4 mars, annonce Jean-François Vigouroux, président de la Fédération des buralistes des Yvelines. Ils sont dix départements au total à tester le nouveau service. Ils seront 19 en avril. Le dispositif sera généralisé à tous les autres au 1er juillet.
À cette date, la Direction générale des finances publiques (Dgfip) attend environ 4 000 points de vente. « On en aura plus », assure le président de la Fédération des buralistes des Yvelines, rencontré dans son bar-tabac, Le Maurepas, qui lancera ce dispositif le 4 mars. « 6 200 buralistes ont fait une demande de dossier », ajoute-t-il, sur un total de 22 000 professionnels équipés de terminaux de la Française des jeux. Cet engouement pour ce nouveau service s’explique par leur volonté de diversifier leurs offres, afin de ne pas laisser mourir leur profession. « Suite aux augmentations du prix du tabac (10 euros le paquet de Marlboro Rouge depuis le 1er mars 2020, Ndlr), on perd des consommateurs », constate Jean-François Vigouroux. Cette nouvelle offre pourrait donc compenser, sur le long terme, un manque à gagner, selon lui.
Son adoption est l’œuvre d’un appel d’offres, remporté par la Fédération des buralistes et la Française des jeux, cette dernière étant présente dans 99,5 % des bureaux de tabac, précise Jean-François Vigouroux. La Dgfip a lancé cet appel commercial pour élargir le nombre de points de vente, chargés de l’encaissement des amendes, des impôts locaux et des factures des collectivités locales, comme le justifie Denis Dahan, directeur départemental des finances publiques des Yvelines. Sachant que ces paiements représentent 70 % des transactions réglées aux guichets de la Dgfip, selon cette dernière. Ce chiffre est révélateur du nombre de personnes qui pourraient se rendre prochainement dans les bureaux de tabac.
Cette nouvelle prestation va venir en parallèle dégager du temps aux agents dans leur rôle d’accompagnateur des particuliers en cas de problème. Elle va également renforcer les dispositifs de paiement déjà existants. « Il y a le logiciel sur le site des collectivités pour régler les factures de cantine, de crèche. On peut aller sur nos sites ou aller à nos guichets », énumère Denis Dahan.
Pour l’adopter, les buralistes ont eu besoin de faire une formation en ligne. Celle-ci rappelle les rudiments sur « le blanchiment d’argent », « l’encaissement », ou encore sur « les faux billets », illustre Jean-François Vigouroux. Pour la valider, il faut remplir un questionnaire et obtenir 90 % de bonnes réponses soit 19 réponses. « Sinon il faut recommencer le test », détaille le président de la Fédération des buralistes des Yvelines. Une fois le dispositif installé, le commerçant perçoit 1,80 euro TTC, soit 1,50 euro HT pour chaque transaction faite, et peu importe le montant. Sachant que le plafond est fixé à 300 euros en liquide et en carte bleue pour les impôts. Il peut aller au-delà de cette limite, pour les autres paiements en carte, mais pour le règlement en espèces, le plafond demeure à 300 euros.
Ce n’est pas la première fois que les buralistes adoptent un service délivré par les finances publiques. C’est déjà le cas pour les timbres fiscaux, les timbres permettant de payer une amende en cas de verbalisation ou encore les frais d’un passeport. Les professionnels ont aussi diversifié leurs offres en permettant aux particuliers d’ouvrir un compte bancaire chez une banque en ligne, de payer le passe Navigo, de venir chercher un colis, d’acheter ses tickets de bus… « On fait beaucoup de services peu rémunérés mais qui attirent du monde », explique Jean-François Vigouroux, ce qui devrait les amener à consommer d’autres services.
« Quand on vient ici, on peut acheter le journal, le tabac et payer sa prune », observe Alex, fidèle client du bureau de tabac L’Alphabet à Montigny-le-Bretonneux, faisant partie des quatre commerces de SQY à expérimenter le dispositif, depuis le 24 février. Jean-François Vigouroux souhaite faire du bureau de tabac « le drugstore des temps modernes », un lieu où l’on pourrait trouver de tout, comme des piles. C’est le cas d’un client au Tabac Presse de Trappes, également partie prenante des quatre commerces en phase de test, qui a demandé au gérant s’il en vendait en pénétrant dans le commerce un midi.
La proximité du buraliste pourrait aussi faciliter la vie des clients qui veulent payer leurs amendes, leurs taxes et leurs factures. Les points de vente de proximité des commerces sont plus nombreux que le nombre de guichets des finances publiques, selon les affirmations de Denis Dahan. « C’est pratique […], ça évite de faire des queues pas possibles […]. C’est un gagne temps pour le déplacement », se réjouit Alex.
Les horaires d’ouverture des commerces sont aussi plus larges. « Si vous avez besoin d’aller à la trésorerie, il faut regarder les horaires en amont. Généralement, c’est ouvert entre 9 h et 16 h 30. Il faut limite poser une journée », illustre le président de la Fédération des buralistes des Yvelines. Alors que leurs commerces sont le plus souvent ouverts sept jours sur sept, ou six jours sur sept, parfois de 6 h 30 à 20 h, les dimanches et jours fériés. D’ailleurs, 56 % des buralistes proposent des horaires élargis et sont ouverts plus de 70 heures par semaine et les week-ends, selon la Dgfp.
Le paiement en espèces devrait aussi attirer les particuliers, qui ont l’habitude de payer en liquide aux guichets de la Direction des finances publiques. Sachant qu’un paiement partiel – en plusieurs fois – est possible. « Le paiement en espèces sera une motivation significative surtout à Trappes », affirme Denis Dahan. C’est notamment une des raisons qui expliqueraient pourquoi la première phase de test a été lancée à Trappes. « Sur cette zone, beaucoup de gens vont au guichet de la commune pour payer en numéraire », observe-t-il. « Certains n’ont en effet pas de carte bleue », témoigne le buraliste Filipe, du Tabac Presse de Trappes. Selon la Dgfp, 500 000 personnes ne disposent pas de compte bancaire.
Enfin, la confiance accordée par l’État aux buralistes pourrait les aider à « renforcer leur image de marque auprès des entreprises », espère Jean-François Vigouroux, toujours dans l’objectif de proposer de nouveaux services.
Mais ce nouveau dispositif ne fait pas l’unanimité auprès des particuliers. Certains s’interrogent sur la confidentialité de leurs informations. Sébastien, le gérant du bureau de tabac L’Alphabet leur répond : « On scanne le papier, le montant apparaît. Est proposé le paiement partiel, en carte bleue ou en espèces et on ne sait rien d’autre », détaille-t-il. D’autres encore craignent qu’il y ait « une augmentation du nombre de braquages », observe notamment un client au Tabac Presse de Trappes. « C’est vrai que ça va nous faire manipuler plus d’espèces. On sera plus soumis au vol en général », confirme le buraliste de la ville.
En revanche, d’autres clients du bureau de tabac dénoncent le désengagement de l’État. « C’est le rôle de l’État, pas celui du buraliste », lance Anice, un client régulier du Tabac Presse. Cet argument est repris par le syndicat de la Dgfip, Solidaires finances publiques. Ce dernier dénonce dans un communiqué de presse, qu’il y aurait « 100 % de risque pour la bonne exécution d’une mission au cœur du fonctionnement de l’État et des collectivités locales ; 100 % de perte d’un service technicien pour les citoyennes et citoyens ».
Sur ce dernier argument, les buralistes réfutent toute volonté de leur faire de la concurrence. « Nous, on fait juste la transaction », se défend Sébastien. « On ne va pas prendre le métier des fonctionnaires », insiste Jean-François Vigouroux. Justement, la Dgfip affirme vouloir renforcer le cœur de métier des agents du service public, qu’est l’accompagnement des particuliers, en les libérant de la tâche de transaction. « Ce qui est prioritaire, c’est de répondre aux questions fiscales, comme cela a été le cas sur les prélèvements à la source », explique Denis Dahan, qui n’exclut pas la fermeture de certaines trésoreries à terme, si ces dernières sont moins utilisées.