Le département des Yvelines souhaite offrir une restauration scolaire favorisant les produits de qualité et le « fait maison ». C’est pourquoi, depuis le 1er janvier 2019, il s’est associé à un opérateur privé, C’Midy, « une structure juridique innovante permettant de délivrer un service de restauration scolaire de qualité au bénéfice des collégiens, parents d’élèves et chefs d’établissement », précisait le Département dans un dossier de presse en septembre dernier.
Dans ce dernier, il était aussi indiqué que « l’offre de restauration scolaire proposée au sein des collèges yvelinois repose sur trois objectifs : assurer une prestation de qualité en matière de restauration (produits yvelinois, locaux, bio) et de nettoyage ; promouvoir l’utilisation des produits agricoles et artisanaux de proximité ; faire de la restauration et du nettoyage un levier d’insertion au service des Yvelinois ».
Développement des cuisines en production sur place pour les repas scolaires
Sur les 115 collèges publics du département et deux lycées (franco-allemand à Buc et international à Saint-Germain-en-Laye), « une vingtaine de cuisines en livraison de repas seront transformées en cuisine de production sur place entre 2019 et 2025 », poursuit le Département. « On a passé 12 collèges en production sur place, avec un objectif de 19 à la fin du contrat, fin 2024 », informait, le 7 octobre, Yann Marfaing, référent restauration chez C’Midy, joint par La Gazette.
Parmi les établissements concernés, plusieurs sont situés à Saint-Quentin-en-Yvelines (SQY). Le collège Les Saules, à Guyancourt, devait basculer en production sur place après les dernières vacances de la Toussaint, tandis que le basculement du collège La Couldre, à Montigny-le-Bretonneux, est prévu pour le retour des prochaines vacances d’avril, et celui des collèges Champollion et Hélène Boucher, à Voisins-le-Bretonneux, pour 2025.
Petit focus sur deux établissements scolaires, le lycée franco-allemand et le collège Martin Luther King, tous deux situés à Buc. La Gazette a pu s’entretenir le 13 janvier dernier avec Mehdi Boulfaf, chef de cuisine au sein de ces deux établissements dont la cuisine commune est une cuisine en production sur place. « Nous avons une équipe de six cuisiniers à temps plein pour servir en moyenne 1 500 repas par jour, ce qui représente 1 000 couverts sur le lycée et 500 couverts sur le collège. Les deux établissements partagent la même cuisine et le même réfectoire », explique le chef de cuisine.
Et de poursuivre : « Tous les jours, les élèves ont le choix entre trois entrées, trois plats (un poisson, une viande ou un plat végétarien), deux garnitures, trois laitages, un fruit et deux desserts. »
Concernant les circuits courts, Mehdi Boulfaf indique que les carottes et les pommes de terre sont toujours yvelinoises. Les pommes et les poires sont à 80 % yvelinoises sinon d’Île-de-France. « Nous avons les produits laitiers aussi, car nous travaillons avec la coop bio de Rambouillet qui nous fournit des laitages », ajoute-t-il.
Les menus sont confectionnés avec soin par les cuisiniers. « Cette semaine par exemple, le vendredi c’est une journée écocitoyenne où nous proposons uniquement une entrée et des fruits bio. En règle générale, nous avons un légume et un féculent bio une à deux fois par semaine », poursuit Mehdi Boulfaf.
C’Midy souhaite proposer 50 % de produits bio aux élèves d’ici 2025
À la question de l’objectif de C’Midy de proposer 50 % de produits bio aux élèves d’ici 2025, le chef de cuisine répond que c’est un chiffre atteignable. « Depuis que je suis ici, le pourcentage de produits bio dans les menus augmente petit à petit. Nous avons toujours réussi à atteindre nos objectifs. Pour les légumes, acheter bio ne revient pas plus cher que des produits qui viendraient de plus loin. Concernant les laitages, c’est un peu plus cher mais bien plus qualitatif », conclut-il.
Pauline Winocour-Lefèvre (DVD), vice-présidente du Département déléguée à la ruralité, l’agriculture, l’alimentation et les circuits courts, contactée par La Gazette, explique que « bien entendu, tous les collèges du Département utilisent des produits locaux ». « Chaque jour, un repas poisson et un repas carné sont proposés aux élèves et, deux fois par semaine, il y a un choix de repas végétarien. Nous sommes aux alentours de 20 % de produits bio. Les produits yvelinois représentent 12 % environ du volume des achats. 362 composantes yvelinoises sont proposées dans les menus des 140 repas annuels », poursuit l’élue.
Les élèves semblent apprécier les menus
Concernant l’avis des élèves sur les repas proposés, il est plutôt positif. « Ils semblent apprécier les menus car cela fait longtemps que je n’ai pas entendu dans les CA (conseils d’administration, c’est-à-dire les assemblées qui prennent les décisions importantes de l’organisation des établissements, Ndlr) de collèges que la cantine était mauvaise », se réjouit-elle.
À propos des retours sur la qualité et la variété des repas proposés au sein du lycée franco-allemand et du collège Martin Luther King, le chef de cuisine indique que « nous travaillons en partenariat avec la direction de l’établissement et l’association des parents d’élèves. Le résultat est sans appel, nous avons obtenu 90 % de satisfaction pour les repas », se félicite Mehdi Boulfaf.
Pauline Winocour-Lefèvre insiste par ailleurs sur le fait que « les déchets alimentaires de nos collèges sont recyclés, via l’unité de méthanisation Tryon de Carrières-sous-Poissy. Cette unité va servir à produire du biogaz et du digestat qui seront ensuite redistribués à des agriculteurs locaux pour la fertilisation de leurs sols. Encore du circuit court, en somme. »
Pour privilégier les circuits locaux, C’Midy a conclu des contrats d’exclusivité avec une dizaine de producteurs yvelinois. « Nous avons aujourd’hui cinq contrats tripartites (entre C’Midy, le producteur et le fournisseur qui est la plateforme de livraison, Ndlr) sur différents produits », fait savoir Yann Marfaing. Il en liste ainsi un avec un producteur de lentilles à Beynes, un pour des poires et pommes à Ecquevilly, un autre pour des carottes et pommes de terre à Boinville-en-Mantois, un pour des pommes de terre à Orsonville, et un pour des salades dans la plaine de Montesson.
« Après, on utilise déjà beaucoup de produits yvelinois dans notre catalogue de produits », rappelle aussi Yann Marfaing, citant le miel de Bonnelles, les yaourts de la Bergerie nationale de Rambouillet, la farine de Brasseuil, du lait de vaches yvelinoises, et un partenaire implanté à SQY, la Maison Alpérel, glacier « avec qui on a un accord moral (pas d’accord tripartite) sur 150 000 glaces par an ». Cette dernière, qui compte 17 salariés, avait subi en 2019 un incendie ayant détruit ses locaux, et est aujourd’hui hébergée dans un entrepôt de 1 500 m² du groupe de grande distribution Metro, à Trappes. « Au bout d’un moment, ils cherchaient un emplacement, évoque Yann Marfaing. Ils ont rencontré des gens du Département, qui les ont envoyés vers nous. De fil en aiguille, on en a parlé. C’est quelque chose qui est très apprécié. On s’est rencontrés, on s’est dit qu’il n’y a pas d’accord signé, mais on travaille avec eux trois fois par an. »
« En 2019, on aurait bien voulu livrer les collèges, mais on a eu un incendie criminel qui a brûlé toute l’usine. Du coup, on n’a été opérationnels qu’en janvier 2020 », confie, contactée par La Gazette, Karima Rafik, présidente de la Maison Alpérel, qu’elle a rachetée en 2016 avec un associé, Pierre Menini. Elle salue la démarche de C’Midy de se rapprocher de partenaires locaux : « Je trouve ça génial. Des produits sains, en circuits courts, c’est complètement l’ADN de ma marque. » L’ADN de sa marque, elle qui affirme avoir « au moins 75 % de [s]es fournisseurs dans les Yvelines », citant par exemple la ferme de Grignon, pour les produits laitiers. La Maison Alpérel fait aussi partie du Collège culinaire de France, « créé par 11 chefs, et qui initient leurs fournisseurs au naturel, aux circuits courts et à la gastronomie », souligne Karima Rafik. « Ce serait le rêve, que toutes les cantines des Yvelines soient fournies par des producteurs locaux », glisse-t-elle également.
Avec la ferme-école Graines d’avenir, un partenariat « socialement intéressant »
Autre partenaire prépondérant pour la restauration scolaire yvelinoise, et plus particulièrement saint-quentinoise : la ferme-école Graines d’avenir, à Magny-les-Hameaux. Labellisée école de production et implantée sur l’ancien site de la ferme de Buloyer, elle prépare des jeunes de 15 à 18 ans aux métiers de maraîcher et primeur. Ces derniers sèment et récoltent différents fruits et légumes, qu’ils vendent à plusieurs enseignes partenaires, mais aussi directement à des particuliers sur place tous les mercredis, et fournissent huit collèges de SQY : Guillaume Apollinaire à Plaisir, Léon Blum à Villepreux, Alexandre Dumas et Louis Pergaud à Maurepas, Albert Einstein à Magny-les-Hameaux, Anatole France et La Fosse aux Dames aux Clayes-sous-Bois, et Les Prés à Montigny-le-Bretonneux.
« On est en lien avec le Département, donc, naturellement, on a cherché des partenaires pour que tout le monde ait des fruits et légumes produits sur la ferme-école, nous expliquait Bruno Aimard, cofondateur de la ferme-école, lors de son inauguration officielle le 27 septembre dernier. La rencontre avec C’Midy paraissait naturelle, et nous, on avait aussi à cœur de pouvoir fournir des légumes pas que dans des épiceries, etc., mais aussi à des jeunes dans des cantines, ça nous paraissait socialement intéressant. Après, ça veut dire aussi faire rencontrer du monde, c’est-à-dire la restauration collective, qui sont les grosses machines, et une petite ferme-école. Chacun a dû y mettre du sien pour arriver à créer cette rencontre et trouver les modes de fonctionnement pour que ça marche. L’idée aujourd’hui, c’est d’alimenter les cantines scolaires de l’agglomération en gestion sur place. »
Les repas « sont facturés aux familles entre un et quatre euros »
L’année dernière, Graines d’avenir alimentait 14 cantines, « et là, on est en train d’essayer de se recentrer pour fournir plus de quantité sur un peu moins de cantines », précisait Bruno Aimard. Du côté de C’Midy, Yann Marfaing insiste sur le fait qu’ils (Graines d’avenir, Ndlr) « sont en contact direct avec les huit collèges et fournissent en fonction de leur production des produits bio et en plus ultra-frais, pris le matin et livrés le jour même [dans] les collèges », dans un rayon de 15 à 20 km maximum.
Concernant les coûts des repas scolaires pour les familles, le Département fait savoir qu’ils « sont facturés aux familles entre un et quatre euros, sur un total de huit euros dans sa globalité. La participation financière du Département varie selon les ressources des familles », conclut Pauline Winocour-Lefèvre.
Mais bien sûr, le rayonnement du savoir-faire yvelinois en matière d’alimentation ne se limite pas aux cantines scolaires. Comme mentionné déjà, les producteurs locaux sont donc multiples et fournissent différents types de structures. La Maison Alpérel avait notamment noué un partenariat avec le château de Versailles, en 2019. Karima Rafik assure avoir étoffé son carnet de commandes depuis qu’elle a repris l’entreprise, puisque son prédécesseur ne livrait d’après elle « que des restaurants », tandis qu’elle propose « de la vente directe ou encore en grande distribution ». Dans ce dernier cas, elle a notamment créé « une gamme de 12 parfums en grande distribution, dont bio et naturel, c’est comme ça que je suis allée frapper à la porte des centrales de grande distribution ». Au total, 40 à 50 parfums sont développés par le glacier, qui a aussi depuis trois ans élargi sa gamme de produits aux desserts glacés. « Et là, on commence à aller à l’international », ajoute Karima Rafik.
Quant aux cuisines centrales, elles ne sont pas uniquement développées dans des collèges. Certaines communes se dotent de ce type d’équipement pour alimenter les écoles primaires. À SQY, on peut notamment citer Villepreux et Trappes (cette dernière avait même un temps coopéré avec Voisins-le-Bretonneux pour alimenter les établissements vicinois, avant que Voisins change de prestataire à la rentrée de septembre 2021). Un projet de cuisine centrale à l’échelle du territoire de l’agglomération était aussi à l’étude ces dernières années (lire notre édition du 19 janvier 2021).
Autre aspect : l’agriculture urbaine. Plusieurs Villes ont aménagé des espaces au bénéfice des habitants, notamment des jardins partagés, dont la pousse s’accélère sur le territoire saint-quentinois. En 2022, deux vergers partagés ont vu le jour à Maurepas (lire notre édition du 17 mai dernier), tandis qu’à Guyancourt, l’Assos’Regal exploite depuis juin le deuxième jardin partagé présent dans la commune. Installé dans le quartier du Pont du Routoir, il a été inauguré le 12 septembre dernier, trois ans après celui du mail des Saules. À Coignières, une quarantaine d’arbres (poiriers, pommiers, figuiers, framboisiers, entre autres) ont été plantés il y a un an au bord de l’étang du Val Favry, où ont aussi pris place des moutons pour de l’éco pâturage. Un projet porté par SQY qui, outre le site du Val Favry, a retenu ceux de la Sourderie à Montigny et Voisins, et du Buisson à Magny-les-Hameaux, pour y développer de l’agriculture urbaine. Dans de nombreuses villes de l’agglomération, des jardins partagés voient le jour.
L’alimentation est de plus en plus soignée à SQY comme en témoigne l’augmentation de la demande locale en alimentation de proximité et de qualité. C’est notamment possible grâce au développement des AMAP (Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne) et des initiatives privées. « Le potentiel de débouchés pour des produits locaux est estimé à 24,5 millions de repas par an », explique l’agglomération de SQY dans un article consacré aux circuits courts.
2 500 hectares de terres agricoles
« Ces dernières années, le mouvement de diversification, de conversions à l’agriculture biologique et d’installation de jeunes agriculteurs s’est accentué. Il convient d’accompagner ces mutations, pour rapprocher l’offre agricole et la demande alimentaire locale », poursuit SQY.
Car Saint-Quentin-en-Yvelines, c’est près de 2 500 hectares de terres agricoles. Cela représente « 21 % de son territoire et 30 exploitations agricoles qui interviennent sur le territoire (dont huit exploitations diversifiées) », annonce l’Agglomération. Pour rentrer plus dans le détail, 97 % des surfaces agricoles sont cultivées en grande culture (céréales et oléagineux, c’est-à-dire des plantes cultivées spécifiquement pour leurs graines ou leurs fruits riches en matières grasses, Ndlr) qui alimenteront les circuits courts dans les cantines scolaires.
« Mais huit exploitations sur 20 sont des exploitations diversifiées : maraîchage, arboriculture, élevage, polyculture. Le territoire compte 8 % de ses terres agricoles en agriculture biologique (208 hectares), contre 3,5 % au niveau régional et 6,6 % au niveau national », poursuit l’Agglomération. Des chiffres qui datent de février 2022.
16 AMAP à SQY
Les 16 AMAP du territoire sont des associations qui établissent un lien direct entre un exploitant agricole de proximité et des consommateurs. En exemple, nous pouvons citer l’AMAP de Villepreux ou encore celle basée à Trappes. Elles favorisent les circuits courts, tout comme les dispositifs mis en place comme la distribution de paniers fraîcheurs dans les gares ou le développement des coopératives bio, à l’instar de la Coop Villaroise basée à Guyancourt (lire notre édition du 31 mai 2022).
C’est pour aller dans ce sens qu’un plan d’action baptisé « agriculture locale et circuits courts 2019-2025 » a été mis en place. Voté en juin dernier, six axes composent ce plan. Le premier est l’accompagnement des porteurs de projets agricoles, des exploitants et des chefs d’entreprise en lien avec l’agriculture locale. Le second porte sur le développement de filières alimentaires et de marchés locaux. Le troisième axe concerne l’urbanisme, le foncier et le paysage. Pour le 4e axe, l’accent a été mis sur la communication, la sensibilisation et la mise en réseau. Le 5e axe relate de l’accompagnement des projets citoyens. Enfin, le dernier axe évoque l’environnement et la biodiversité.
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