Perturbations à répétition, suppressions de train, retards récurrents et quotidiens, travaux, incidents, etc., depuis quelques années maintenant, la ligne N est un véritable calvaire pour les usagers. Cette ligne, qui dessert notamment les gares de Plaisir et de Villepreux-Les Clayes, a connu un pic de perturbations en fin d’année. Des problèmes auxquels s’ajoutent les questions d’un retour à un trafic normal d’avant Covid et de l’organisation avant, pendant et après les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024.
Plaintes d’usagers, courriers de maires, grogne sur les réseaux sociaux, face à la dégradation qui s’intensifie du service public, les élus des différentes villes concernées, au-delà de Saint-Quentin-en-Yvelines, sont une nouvelle fois montés au créneau. Après avoir constaté les incidents à répétition et recueillis les témoignages de dépit de leurs administrés, les maires des Clayes-sous-Bois, Plaisir, Saint-Cyr-L’École, Fontenay-le-Fleury, Bois-d’Arcy, Versailles et Villepreux ont demandé un rendez-vous en urgence aux responsables de la SNCF. Un rendez-vous qui a finalement eu lieu très rapidement, le 29 décembre dernier, durant la trêve des confiseurs, entre Noël et le jour de l’An, avec Robin Chevalier, le directeur des lignes N et U.
Une fin d’année chaotique
« Tout est resté très cordial, mais on a fait preuve de franc-parler côté élus, et on a dit les choses, explique Jean-Baptiste Hamonic (MoDem), le maire de Villepreux et vice-président chargé des transports à l’agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines. Nous, notre sujet, ce n’était pas qu’on s’apitoie sur le sort de la SNCF avec les difficultés qu’ils ont pu rencontrer ces derniers mois, mais qu’on puisse avoir des solutions concrètes. Néanmoins, Robin Chevalier a quand même dit que […] sur la fin d’année, globalement d’octobre à la mi-décembre, ils avaient foiré. Ce sont ses mots. »
Globalement, la SNCF a reconnu qu’il y avait eu des retards dans les livraisons de certains travaux, engendrant pendant 2 mois et demi la suppression ou le retard de jusqu’à trois trains en heures de pointe, et des suppressions 17 week-ends sur 20, ce qui est quand même énorme. « C’est toujours un peu paradoxal, car lui dit : ‘‘J’encaisse et je prends sur moi, mais ce n’est pas de la responsabilité de SNCF réseau mais de SNCF gare et connexions sur la partie travaux’’, poursuit le maire de Villepreux. Donc ils sont toujours un peu aussi à se dire que ce n’est pas de la même entité, mais nous, ça ne nous regarde pas. » Sans compter l’offre de substitution de bus insuffisante et les travaux liés à l’aiguillage entre Clamart et Vanves, qui aurait aussi un impact sur la ligne. Des travaux de différentes natures sur la ligne N qui doivent encore durer jusqu’à avril-mai, avec encore donc quelques perturbations et une offre qui pourrait être dégradée.
Mais les maires s’inquiètent aussi concernant l’offre nominale, c’est-à-dire celle d’avant-Covid. À l’heure actuelle, ce sont 50 trains en moins sur la ligne N et 50 trains en moins sur la ligne U depuis le Covid. Et la situation n’est pas forcément près de s’améliorer rapidement. La SNCF fait face à une pénurie de conducteurs et à de grandes difficultés de recrutement depuis le Covid.
« Le directeur des lignes s’est montré optimiste sur le long terme, car il doit recruter au moins 30 conducteurs par an, précise Philippe Guiguen (DVD), le maire des Clayes-sous-Bois. Cette année, il en a prévu une centaine pour rattraper tout l’effet Covid, mais on ne rentrera pas dans une période correcte avant le 2e semestre. […] Leur problème de recrutement ne nous concerne pas. C’est à eux de s’organiser pour que le service public soit assuré de façon optimum même si des incidents peuvent arriver, cela ne doit pas être la norme. De notre côté, les travaux de la gare doivent se terminer à la fin du mois de juin et, progressivement, les incidents doivent s’estomper. »
Des avancées mais prudence
Et d’ajouter : « Il ne faut pas oublier que durant des décennies les travaux ont été réalisé dans le Nord et l’Est de Paris. Heureusement, depuis l’arrivée de Valérie Pécresse à la présidence de la Région, nous avons de nouveaux trains à la place des “petits gris” et il en est de même pour tout ce qui est infrastructures, remise à niveau des voies, des gares, des aiguillages, etc. Ce n’était pas la priorité au préalable et nous payons tout cela aujourd’hui. »
Et les motifs d’inquiétudes ne sont pas terminés. Selon les maires, Île-de-France Mobilités (IDFM) pourrait proposer avant et après les Jeux olympiques et paralympiques (JOP) une offre réduite. Cela tiendrait au fait que pour que tous les conducteurs soient opérationnels et mobilisés pendant les JOP, et qu’un maximum de trains circulent, puisque les lignes N et U servent aussi à desservir les sites olympiques dans les Yvelines, il faudrait qu’un certain nombre d’entre eux puissent prendre des congés, soit avant soit après.
« Sauf qu’on a tous été très fermes là-dessus en disant qu’il est hors de question que les JO, sur quelques semaines, viennent impacter sur une période plus longue le quotidien de 200 000 voyageurs par jour, qui eux n’utilisent pas le train pour aller sur du divertissement mais pour se rendre sur leur lieu de travail. Sur ça, il nous a dit qu’il nous tiendrait au courant », assure Jean-Baptiste Hamonic. « Durant les JOP, nous voulons que le service soit le même. Les habitants qui travaillent attendent d’avoir un service normal », ajoute Philippe Guiguen.
En fin de compte, les élus ont obtenu un renforcement de l’offre de substitution, avec des passages de bus renforcés, en passant d’un par heure à quatre par heure, notamment sur la ligne 44, ce qui permet de pallier un certain nombre de suppressions de trains en raison des travaux. Le directeur des lignes s’est également engagé à tout mettre en œuvre de son côté pour que les travaux des prochains mois se passent quand même mieux.
Malgré la bonne volonté affichée, Jean-Baptiste Hamonic souligne que le rôle des élus « était d’exprimer notre ras-le-bol, celui de 200 000 voyageurs par jour sur cette ligne, et dire qu’on a quand même l’impression à chaque fois d’être le dindon de la farce. On est les deux seules lignes, notamment la N, à ne pas avoir retrouvé l’offre d’avant-Covid, sur tout le réseau francilien. Certes, on est tous pour les travaux, on sait que le réseau est désuet et qu’il y a un certain nombre de travaux à faire, mais ça impacte les voyageurs chaque jour, et surtout, à l’approche des JO, on a besoin d’y voir beaucoup plus clair, et qu’ils comprennent qu’on est à la fois sur un public qui prend le train au quotidien et pas uniquement sur le public JO. L’un ne peut pas être sacrifié au bénéfice de l’autre. »
« Il faut rester très vigilants sur les actions qu’il y aura derrière et ne pas se laisser endormir par des paroles sans action, remarque Philippe Guiguen. C’est la raison pour laquelle nous avons demandé des points très réguliers pour suivre les problèmes et les avancées. Nous remonterons au créneau si besoin. L’aspect positif est que nous n’avons pas été pris à la légère et nous sommes pris au sérieux. La grande incertitude reste la politique de recrutement des conducteurs. La mise en circulation d’Eole ne doit pas pénaliser non plus nos lignes. Ils ont une obligation de résultat », conclut-il.
Les maires comptent également continuer à mettre la pression sur IDFM pour que l’offre soit adaptée au mieux, d’autant « qu’à partir de 2025, la ligne N va être ouverte à la concurrence. Ça veut dire que d’autres opérateurs pourraient venir candidater pour exploiter la ligne. On a donc un enjeu immense à retrouver une offre normale avant, sinon, le risque, c’est que nous ayons des offres au niveau actuel », lance pour conclure le maire de Villepreux.
Sollicitée, la SNCF souligne que la ligne N « est ligne numéro 2 en termes de performances, on a 95 % de ponctualité sur l’année […], deux points de plus que le contrat qui nous engage avec IDFM ». Elle reconnaît toutefois « deux tempêtes au mois de novembre, qui ont lourdement impacté l’exploitation ».
CREDIT PHOTOS : ILLUSTRATION