Avec la crise sanitaire, l’offre de transports en Île-de-France a été allégée sur certaines lignes, la fréquentation lors des différents confinements ayant été fortement en baisse. Si beaucoup ont retrouvé leurs cadences habituelles au fil des mois, certaines lignes continuent de souffrir d’un allègement de l’offre. Sur les lignes N et U, la fréquence des trains a été divisée par deux, créant de longues minutes d’attente pour les usagers, notamment en heures creuses.

La ligne U permet de rejoindre le quartier d’affaires de La Défense depuis la gare de La Verrière (voir notre article en page 4). De son côté, la ligne N, au départ de Paris-Montparnasse, permet de desservir Rambouillet, Mantes-la-Jolie et Dreux en passant par plusieurs gares de Saint-Quentin-en-Yvelines, dont Trappes, Montigny-le-Bretonneux, Villepreux-Les Clayes ou encore Plaisir.

Si Île-de-France Mobilités (organisme satellite de la Région chargé des transports, Ndlr) évoque des difficultés financières et une baisse de la fréquentation sur ces lignes, l’association Plus de trains ne semble pas convaincue par ces arguments. Elle regrette également un manque de concertation dans les prises de décision, tout comme certains élus de Saint-Quentin-en-Yvelines, qui réclament un retour à la normale.

Une fréquence divisée par deux

En décembre 2021, le député de la 11e circonscription des Yvelines, Philippe Benassaya (LR), avait déjà publié une tribune en ce sens. Il indiquait avoir « alerté Île-de-France Mobilités dès juillet dernier sur les conséquences dommageables d’une division par deux des fréquences de la ligne U reliant La Verrière à La Défense, circulant dorénavant toutes les heures contre toutes les 30 minutes auparavant, et sur la ligne N circulant maintenant aussi toutes les heures le week-end entre Rambouillet, La Verrière, Trappes, Saint-Cyr et Paris ».

Selon l’ancien maire de Bois-d’Arcy, « la circulation est aujourd’hui intenable ». Il demandait alors « la reprise d’une fréquence de 30 minutes maximum sur les lignes N et U dès la rentrée et tous les jours », mais également un renforcement « des fréquences de la ligne 401 […] en semaine et le week-end ».

Quelques semaines plus tard, la situation n’a pas changé. Les horaires de la ligne N et de la ligne U n’ont pas changé, et l’allègement de l’offre est toujours valable. Arnaud Bertrand, président de l’association d’usagers Plus de trains, est revenu pour La Gazette sur l’intervention dans l’émission Parigo, intitulée « Offre réduite dans les transports : scandale ou nécessité » du 29 janvier 2022, de Jacques Baudrier, membre du conseil d’administration d’Île-de-France Mobilités.

« Un coût fixe »

« C’était comme d’hab, c’est “mais non, il y a 20 % de gens en moins dans les transports et on abaisse l’offre que de 2 %”. Moi, c’est ce que je me tue à leur dire depuis des mois, c’est qu’[…] il y a certains endroits qui se prennent une réduction à certaines heures très forte et donc qui fait des expériences pour les voyageurs qui sont très mauvaises ».
Les trois lignes qui desservent la communauté d’agglomération et qui se croisent à Montigny-le-Bretonneux ou encore à Versailles-Chantiers, sont toujours touchées par cette réduction de l’offre. « Sur le RER C aussi, en heures creuses, il n’y a plus qu’un train par demi-heure, pour aller au château de Versailles quand même », regrette le président de Plus de trains. « Ce n’est pas un problème de surcharge d’offre, c’est un problème de service public, de fréquentation, clame Arnaud Bertrand. Il faut que, quand on arrive sur un quai de gare, on n’attende pas trop longtemps son train, parce qu’on le prend comme ça. La vie urbaine dans une ville comme Paris, c’est pas : “J’organise ma journée en fonction des horaires de train”. Ce n’est pas un mode de vie et on ne comprend pas pourquoi ils sont butés comme ça. »

Un regret partagé par Jean-Baptiste Hamonic (Modem), maire de Villepreux et vice-président chargé des transports à la communauté d’agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines (SQY) qui pointe également l’allongement du temps de parcours avec des trains omnibus qui s’arrêtent dans toutes les gares depuis Sèvres. « Ça vient dégrader considérablement la fréquence de la ligne N le week-end et sur les heures creuses. Aujourd’hui, ce n’est pas une situation qui est acceptable pour nous, le résultat c’est des allongements de temps de parcours pour l’ensemble des voyageurs. Ça nous fait une fréquence de trains sur la ligne qui a été divisée par deux le week-end  ».

Les trois lignes qui desservent la communauté d’agglomération et qui se croisent à Montigny-le-Bretonneux ou encore à Versailles Chantiers, sont toujours touchées par cette réduction de l’offre.

En ce sens, le conseil municipal a adopté à l’unanimité, le 1er février, « un vœu pour une amélioration de la grille de desserte de la ligne N du transilien dans les Yvelines ». Un signal fort selon l’édile qui avait présenté la délibération, qui prouve que c’est un sujet « transpartisan », « qui dépasse toutes les sensibilités politiques puisque là il est quand même question de la présence des services publiques et notamment des transports dans nos territoires. »

La crise sanitaire ne serait pas la seule responsable de cette dégradation de la ligne qui subit des allongements de temps de trajet et des allègements de l’offre depuis plus de 10 ans, selon l’édile. Sur les difficultés financières qui sont souvent évoquées pour justifier une réduction de l’offre, Arnaud Bertrand explique : « En fait, il leur manque 600 ou 700 millions par an et donc là ils en économisent 60 par an avec ces allègements d’offre dont 20 sur les RER et les transiliens. […] C’est aberrant. Moi, ça nous semble inacceptable ».

Le président de l’association l’avait déjà évoqué dans un article du Parisien, mais propose toujours d’augmenter légèrement le tarif du passe Navigo, un tarif gelé depuis quatre ans, mais qui pourrait permettre de renflouer les caisses d’Île-de-France Mobilités. Selon lui, les élections régionales de 2021 et les élections présidentielles à venir expliquent ce gel des tarifs, mais une augmentation pourrait garantir selon lui une meilleure offre. « On veut de la qualité, donc la qualité, ça a un prix », affirme-t-il.

« On veut de la qualité »

Et d’ajouter : « Les transports, c’est un coût fixe. Que vous fassiez circuler un train par heure ou un train par quart d’heure vous avez de toutes les façons le même nombre de trains parce qu’il en faut pour l’heure de pointe, vous avez de toutes les façons des aiguilleurs qui sont là dans leur machine, etc. […] Pour économiser 0,5 % de ce que ça coûte, ils réduisent l’offre de 2 à 3 %. »

« Pour passer de 2 à 4 [trains] entre 6 et 9 heures. Et puis, entre 16 heures et 19 heures, il y a un travail de dingue pour aller sortir des trains du garage, etc. Alors qu’ effectivement, si votre circuit est fermé, vous continuez à en avoir 4. […] Je leur ai dit à la SNCF “montrez moi ou est le coût d’aller regarer vos trains”, mais il est étalé sur toutes les factures IDFM donc ils s’en foutent », explique Arnaud Bertrand. Son espoir : l’ouverture de l’exploitation des lignes à la concurrence, qui pourrait redistribuer les cartes, certains opérateurs pouvant être prêts à augmenter les cadences.

Un manque de concertation

Après la Mairie de Saint-Cyr, qui avait formulé un vœu en conseil municipal pour demander le renforcement de la desserte de la gare, le conseil municipal de Villepreux a fait de même. « J’ai pleinement conscience, pour le vivre au quotidien dans ma délégation, des difficultés qu’ont Île-de-France Mobilités, la SNCF et même les opérateurs et transporteurs à redémarrer […] avec des réalités financières qui sont ce qu’elles sont. C’est vrai qu’aujourd’hui, vous n’avez plus aucun déploiement ou de développement de lignes nouvelles, que ce soit sur le ferroviaire ou sur le bus et ça je le comprends. […] Néanmoins […] que des lignes historiques subissent des dégradations répétitives, ça, moi, je ne l’accepte pas ».

Une offre en baisse qui ne répond pas aux enjeux des années à venir. Le maire Jean-Baptiste Hamonic revient sur deux problématiques importantes. La première, la volonté de faire changer les habitudes des usagers, pour favoriser la transition écologique et les mobilités douces. « À l’heure où on vise à avoir un report modal de l’automobile sur les transports en commun, c’est assez compliqué, résume l’édile. On sait que dans nos territoires, la mobilité surtout le week-end est assez complexe ». Sur cet axe qui permet de rejoindre la gare de Paris Montparnasse depuis Plaisir, Dreux et Mantes-la-Jolie en passant par Villepreux, la fréquence des trains a été fortement diminuée le week-end notamment à cause, comme en soirée, de travaux sur les voies.

Pour Jean-Baptiste Hamonic (Modem), maire de Villepreux et vice-président chargé des transports à la communauté d’agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines (SQY) l’allongement des temps de parcours et la réduction des fréquences de passage rendent la situation difficile sur le tronçon qui dessert la gare de Villepreux-Les Clayes.

« Le message vraiment que l’on veut faire passer, c’est qu’on ne peut pas nous, dans nos territoires, collectivités, communes et agglomérations, déployer à la fois des investissements et à la fois de l’énergie pour faire en sorte qu’on accompagne le changement des comportements, pour que nos habitants se reportent sur les transports en commun, pour délaisser progressivement la voiture […], quand, de l’autre côté, on dégrade et on diminue la fréquence et les passages de trains. »

De plus, tout comme Arnaud Bertrand, de l’association Plus de trains, l’édile déplore la disparition des services publics. Pour le président de l’association d’usagers : « Ce n’est pas un problème de fréquentation moyenne, c’est un problème de service public. C’est-à-dire qu’ils ont choisi des territoires sans aucune concertation, en toute discrétion, sur lesquels ils cassent l’offre à certaines heures. Et c’est exactement comme si La Poste disait : “Oh bah il y a un certain nombre de départements ruraux, le courrier ce n’est plus une fois par jour, c’est une fois par semaine”. »

La réduction des services publics

Le président de l’association regrette les concertations qui pouvaient être menées auparavant, en plus grand nombre et plus qualitatives. S’il reconnaît que des rencontres ont toujours lieu, il regrette que la voix des associations ne soient plus autant prise en considération. «  Il y a eu des discussions avec nous, je ne peux pas vous le cacher où nous on a dit que c’était absurde, débile, stupide, en restant poli », déplore-t-il. « La méthode pose un souci, puisque l’on n’a pas été concerté », regrette lui aussi Jean-Baptiste Hamonic avant l’organisation d’une réunion avec la direction des lignes N et U. Si le président de l’assocation Plus de trains et le maire se réjouissent de l’arrivée de nouveaux trains sur les lignes, cela ne suffit pas selon eux pour améliorer l’expérience des usagers.

Engagé en tant que maire de Villepreux, et prêt à s’engager pour défendre la ligne, Jean-Baptiste Hamonic explique : « Je suis plutôt réceptif à l’idée que des associations, des collectifs, et des élus de tous bords, se positionnent aussi sur ce sujet important et je crois que plus on sera à porter ce message que nous n’acceptons pas ces dégradations sur cette gare, peut-être qu’au bout d’un moment on sera écoutés ou du moins on reviendra nous voir et on discutera sur ces sujets ». De son côté, Arnaud Bertrand espère que la SNCF ne maintiendra pas cette grille horaire pour toute l’année, comme cela a pu être déjà évoqué. « Ça nous on dit : “No way” ».

Et de conclure : « J’aimerais beaucoup que l’on puisse délibérer à Saint-Quentin sous cette forme ou sous une autre, mais en tout cas qu’on puisse avoir une solidarité intercommunale sur ce sujet qui ne touche pas Villepreux uniquement comme commune de l’agglomération ».


Villepreux-Les Clayes : « le parent pauvre de la ligne N » ?

Jean-Baptiste Hamonic (MoDem), maire de Villepreux et vice-président chargé des transports à la communauté d’agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines (SQY) regrette l’allègement de l’offre, mais également le peu d’investissement prévu par Île-de-France Mobilités et la SNCF pour la mise en accessibilité de la gare de Villepreux-Les Clayes.

« Cette gare de Villepreux-Les Clayes, à mon sens, je le dis comme je le pense, c’est un peu le parent pauvre de la ligne N », regrette le maire. Ayant fait du handicap « la grande cause municipale annuelle », Jean-Baptiste Hamonic déplore que la gare ne fasse pas partie du « schéma des travaux d’accessibilité de SNCF » et que les travaux d’accessibilité pour les personnes en situation de handicap et les personnes à mobilité réduite (PMR) ne soient pas prévus « au plan de la Région et de la SNCF ».

Pour pallier ce manque, la Ville, en concertation avec la ville voisine des Clayes-sous-Bois et la communauté d’agglomération, a lancé une réflexion sur la façon de « réhabiliter un peu le pôle gare, pour favoriser l’intermodalité entre la gare routière, la gare ferroviaire, favoriser les modes doux, les modes actifs ». Et l’édile d’indiquer que ces réflexions pourraient permettre de réaliser « la deuxième phase du pôle après la réhabilitation du parvis du côté Nord de la ville ». Des réflexions qui prendront en compte les « enjeux d’accessibilité », mais selon Jean-Baptiste Hamonic, contrairement à d’autres gares, « nous on ne sera pas accompagnés financièrement pour ces travaux ».

Le maire de Villepreux regrette également la disparition des agents le week-end en gare de Villepreux, qui complique la vie de certains usagers. Une gare historique sur cet axe de la ligne N, « qui est délaissée à la fois par la présence humaine qui est en train de disparaître, avec peu d’accompagnement sur des travaux nécessaires d’accessibilité pour le grand public et puis par ces dégradations encore une fois de temps de parcours qui sont là. C’est le vrai sujet, c’est assez compliqué de subir cette situation. »


CREDIT PHOTOS : ARCHIVES