Les agressions, insultes, pressions, intimidations d’élus se multiplient ces dernières années. Conséquence de plus en plus d’élus jettent l’éponge et remettent leur démission. D’autres, celles et ceux qui voulaient s’engager en politique, cherchent une autre voie. La France est de plus en plus confrontée à une crise des vocations, à tel point que certaines petites communes restent sans maire durant des années. La démission de Yannick Morez, le maire DVD de Saint-Brévin-les-Pins (Loire-Atlantique), ou encore récemment, le 12 juin dernier, l’agression verbale et physique de David Ros, maire d’Orsay (Essonne), et d’Éliane Sauteron, élue de cette même commune, à l’issue d’une réunion publique, ont suscité une vive émotion, l’indignation et de nombreuses réactions dans le monde politique français et chez de nombreux administrés.

Une réunion symbolique

Face à ce fléau, à SQY, les maires des 12 communes ont condamné unanimement ces agressions. Certains, comme le maire de Guyancourt, François Morton (DVG), et son équipe municipale, ont appelé à un rassemblement symbolique, le 16 mai dernier, face à l’extrême droite et en soutien à Yannick Morez, l’ancien maire DVD de Saint-Brévin-les-Pins. Interrogé par La Gazette après son discours, François Morton a expliqué que « ce rassemblement a été décidé dans la foulée de l’actualité récente. Je suis content que des Guyancourtois se soient rassemblés ici, peu importe le nombre qu’ils sont. L’opposition est également présente et je trouve que c’est une bonne chose qu’un événement comme cela nous rapproche face à la résurgence de l’extrême droite dans notre pays. Il n’y a jamais eu autant de démissions de maire que maintenant », a déclaré François Morton.

Et d’ajouter : « C’est quelque chose qui aurait pu arriver partout en France, même ici à Guyancourt. Nous avons accueilli des réfugiés afghans il y a cinq-six ans et nous n’avons jamais eu le moindre problème. J’ai personnellement contacté le maire de Saint-Brévin pour lui dire tout mon soutien », a souligné l’élu.

Alors, à l’occasion de son discours, l’édile de Guyancourt a mis les points sur les i. « Qu’on soit clair : la violence qui s’est déployée contre Yannick Morez est directement liée au projet qu’il soutenait et aux valeurs qu’il défendait. Les menaces sont d’autant plus fortes que les élus portent des projets courageux et solidaires. Croyez-moi, je le sais. Il est plus que temps de mettre en œuvre tous les moyens possibles pour l’éradiquer. C’est à l’État de prendre ses responsabilités pour protéger les élus locaux et faire en sorte que notre démocratie puisse vivre dans des conditions sereines, respectueuses et pacifiées. » Et de conclure : « Il est essentiel aussi de continuer notre combat contre l’extrême droite, sous toutes ses formes. Ce soir, comme demain, faisons entendre notre voix ; qu’elle soit plus forte que celle de tous les réactionnaires, les racistes et les haineux. »

Une réalité de terrain

D’autres, comme Nicolas Dainville, maire LR de La Verrière depuis 2020, ont raconté à La Gazette les quelques passages sous tension qu’ils ont subis. Sans jamais avoir été agressé physiquement, il témoigne. « Ma voiture s’est fait caillasser. Il n’y a eu aucun dégât mais, l’air de rien, ça fait quand même peur. Cela m’a affecté. » Et il se rappelle d’autres faits depuis son élection. « Un autre événement qui m’a beaucoup pesé également, c’est lors d’une réunion, organisée il y a deux ans maintenant au Bois de l’Étang, où était présent Hadama Traoré, qui ne vient pas du tout du quartier et que très peu de gens connaissent à part deux ou trois personnes. Il y avait aussi beaucoup de gens extérieurs à la commune. Les gens qui voulaient sincèrement connaître le projet partaient, car ils n’osaient plus du tout s’exprimer, l’ambiance était détestable. »

Il poursuit : « Mon adjoint a été traité de harki. Il a été menacé verbalement. Nos agents ont été pris à partie. Anne Capiaux, (conseillère communautaire LR à SQY, Ndlr) a été traitée de sale p… Et moi j’ai dû être escorté par la police. Cette histoire m’a vraiment affecté. J’ai eu peur pour mon adjoint. Et nous avons eu, dans le cadre de cette concertation, un tout petit noyau très virulent, mais qui ne représentait personne dont on entend parler. Une autre fois, j’ai appris que deux personnes se vantaient de me suivre à mon domicile. J’avais averti la police. Ma femme en a fait des cauchemars. Mais ce n’est pas allé plus loin. » À Plaisir, dans la tribune du dernier magazine municipal, la majorité rappelle qu’en 2003, « notre ancien maire avait été agressé physiquement tandis que l’an dernier, lors d’un conseil municipal, notre maire a été menacée de mort par des gestes d’égorgement sans équivoque de la part d’éléments perturbateurs extérieurs. »

À Guyancourt, François Morton (DVG) a organisé un rassemblement symbolique, le 16 mai dernier, face à l’extrême droite et en soutien à Yannick Morez, l’ancien maire DVD de Saint-Brévin-les-Pins.

Pour autant, comme le montrent les sondages, les maires restent les élus préférés des Français. Et Nicolas Dainvile nuance son propos. « Et en même temps, globalement, je trouve qu’il y a un certain respect de la fonction du maire. C’est vraiment une toute petite minorité qui est virulente. Avec la quasi-totalité des habitants, c’est un grand respect, je dirais même un attachement réciproque. Donc, pour l’instant, il n’y a rien qui me fasse renoncer à ma mission. La figure du maire est accessible. J’essaye de répondre au maximum à toutes les sollicitations. En tout cas je suis très heureux d’être maire. Cela a du sens, ce n’est pas du théâtre. C’est de la politique au sens noble », conclut l’édile, le sourire aux lèvres.

Malgré tout, les élus peuvent compter sur leurs représentants. L’Amif (Association des maires d’Île-de-France) « se mobilise depuis plusieurs années contre les violences faites aux élus locaux : déjà, en 2018, l’Amif interpellait le Gouvernement pour que les réponses apportées soient à la hauteur des enjeux », rappelle-t-elle dans un communiqué. Le sujet étant malheureusement récurrent, l’Amif se tient aux côtés des élus victimes d’agressions qui sont inacceptables dans notre démocratie », explique l’association des maires. Le 8 juin dernier, en lien avec la Direction générale de la Police nationale (DGPN) et le service de Recherche assistance intervention dissuasion (Raid), l’Amif a organisé « une formation pour donner aux élus des clefs de lecture, de compréhension, d’anticipation, de gestion et de résolution des situations de violence et de conflit qu’ils rencontrent dans l’exercice quotidien de leur mandat ».

Président de l’Amif, Stéphane Beaudet, maire d’Évry-Courcouronnes (Essonne), a dénoncé dans l’enquête de l’association sur les violences faites aux élus : « Nous ne pouvons accepter que “l’élu préféré des Français” serve de punching-ball et prenne des coups de la part d’individus qui refusent qu’on leur rappelle les règles du vivre-ensemble dans notre société […]. Plus que jamais, les maires ont besoin qu’on leur donne les moyens d’exercer leur mandat en toute sécurité. » Et d’ajouter : « Les maires jouent un rôle particulier dans la vie des citoyens et la démocratie, il faut donc que le cadre juridique accompagne ce rôle particulier. C’est à la justice de protéger les élus locaux. »

« Nous ne pouvons accepter que “l’élu préféré des Français” serve de punching-ball »

Enfin, l’Amif rappelle que « en 2022, les outrages, menaces et violences physiques contre les élus municipaux ont augmenté d’environ 32 %, et ce sont près de 1 500 agressions envers des élus qui ont été enregistrées l’an dernier ». Dans ce contexte, l’Amif a également salué « l’adoption de la loi du 24 janvier 2023 qui élargit les possibilités pour les associations d’élus nationales et leurs dépendances de se constituer partie civile pour soutenir pleinement, au pénal, une personne investie d’un mandat électif public victime d’agression ».

CREDIT PHOTO 1 : ILLUSTRATION