Jeudi soir, au conseil d’agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines consacré au budget, les questions concernant les rénovations de l’Anru* à Plaisir et à La Verrière ont pris une tournure particulière. L’intervention de Vivien Gasq, élu d’opposition à Montigny-le-Bretonneux, sur une délibération concernant d’autres villes que la sienne et sur un sujet qu’il avoue lui-même ne pas bien connaitre, a soulevé une vague d’indignation. Relayant les propos d’un collectif d’habitants, « bruyants » mais très minoritaires du quartier du Bois de l’Étang à La Verrière, mettant en cause la réalité de la concertation, l’élu d’opposition, s’interrogeant par ailleurs sur « l’adhésion des habitants au projet », a véritablement semé le trouble dans l’assemblée au regard des violences et des intimidations que subissent régulièrement les deux édiles des villes concernées.

Avant de laisser à Nicolas Dainville (LR), le maire de La Verrière, le soin de répondre à ces propos, Jean-Michel Fourgous (LR), président de SQY, s’est dit « choqué par les événements qui se sont produits à Plaisir et à La Verrière. Il est délicat que des élus de SQY apportent leur soutien à ce genre d’initiatives. Ici, nous respectons l’indépendance des maires. Je suis étonné de vous voir toujours soutenir des minorités agissantes. Je vous rappelle les événements qui se sont déroulés mercredi à Plaisir ».

Une réponse argumentée

Calme malgré le malaise palpable, et sûr de son fait, Nicolas Dainville s’est lancé dans une longue mais nécessaire explication de texte. « Si un jour vous êtes maire, vous aurez deux options : soit on cède face à ceux qui bloquent, qui intimident, qui hurlent, c’est le choix que certains font. Soit on tient la barre, on fait face dans l’intérêt général, on interroge les gens sans pression pour que chacun donne librement son avis. »

Avant de rappeler l’historique de cette rénovation urbaine : « À La Verrière, ce projet a été initié par un maire communiste, pas par un maire d’extrême droite, pas par un tenant de l’idéologie libérale ou de je ne sais quelle idéologie que vous semblez détester… Il s’appelle Alain Hajjaj et il a porté ce projet, pas de gaité de cœur, mais parce qu’il sentait que ce quartier allait dans une direction très inquiétante. Vous avez un enclavement urbain qui rend difficile l’accès de nos pompiers et policiers. Vous avez un déficit d’attractivité qui est terrible. J’avais encore rendez-vous avec le directeur de La Poste qui me dit qu’il n’envoie plus de facteur femme parce qu’il y a eu des agressions. Vous avez la police qui tire la sonnette d’alarme parce que vous avez des points de deal à l’abri des regards indiscrets, parce que le quartier est enclavé d’un point de vue urbain ce qui crée ce type de nuisances. On a des nuisances en matière de voitures ventouses et de mécanique sauvage contre lesquelles on a du mal à apporter des solutions durables. On a retiré 30 voitures depuis le début de l’année. »

L’exemple de Trappes

S’appuyant sur l’exemple de Trappes où le maire communiste de l’époque, Bernard Hugo, avait enclenché les démolitions, Nicolas Dainville a souligné que La Verrière a « besoin des 20 millions de l’Anru, de la réhabilitation, de la résidentialisation, comme à Trappes. Pourquoi Trappes ferait des démolitions depuis des années et La Verrière ne pourrait pas le faire ? On a besoin d’améliorer le quartier avec cette nouvelle école, beaucoup de familles n’inscrivent plus leurs enfants dans l’école du Bois-de-l’Étang. […] Nous avons 79 % de logements sociaux. Les services sont à bout. Nous sommes saturés avec des concentrations de difficultés sociales. Nous avons besoin de diversité, d’équilibre, d’intérêt général. »

La concertation

Le maire de La Verrière a également rappelé que sur « la concertation, nous avons multiplié tous les canaux, nous avons fait des permanences, ouvert des urnes, fait des réunions publiques, nous sommes allés en pied d’immeubles, nous avons fait des ateliers. […] L’enquête sociale n’a pas été faite avec ceux qui parlaient bruyamment, mais individu par individu, en porte à porte. 74 % des personnes interrogées sont pour le projet, plus de 80 % soutiennent le relogement tel qu’il est prévu par la charte. […] »

La situation des habitants

Une réhabilitation en vue d’améliorer la qualité de vie des habitants, comme le souligne le maire. « J’avais encore une habitante qui me disait que, depuis qu’elle va voir sa belle-mère dans le quartier, jamais elle ne va aux toilettes, […] des canalisations sont bloquées, vous avez des vétustés de plomberie, de sanitaires, invivables pour les locataires. J’ai eu encore un locataire qui est venu, en larmes, m’interpeller quand je passais, pour me supplier de quitter le quartier au plus vite. Vous avez aujourd’hui un sentiment d’abandon de beaucoup de locataires qui ne s’expriment peut-être pas très bruyamment, mais qui s’expriment quand vous leur donnez l’occasion de parler librement. […] Le quartier du Bois-de-l’Etang est loin de se résumer à ce type de personnages qui sont là pour provoquer et intimider. Ce sont des avocats, des ingénieurs, des médecins, des gens utiles à la société qui ont envie que le quartier évolue. »

Les intimidations

Revenant sur la réunion publique « où j’ai été exfiltré de la salle, où le préfet n’a même pas pu s’exprimer, où certains on fait venir un certain Adama Traoré condamné pour apologie du terrorisme, où les gens venaient et repartaient tellement ils étaient écoeurés de voir l’image qu’on donnait du quartier », le maire a rappelé que « [s]a voiture a été caillassée quelques jours auparavant. Une journaliste du Figaro […] fait référence aux tensions, aux intimidations et à une forme de terreur sur les habitants qui parfois n’osent pas s’exprimer et ont peur de ceux qui mènent ce climat-là et laissent entendre qu’ils sont majoritaires et utilisent toutes les méthodes effrayantes. J’ai porté plainte plusieurs fois, mes élus également. Un élu a été traité de harki au sens de traitre, menacé “fais gaffe à ta femme, à tes enfants, à ta maison“ ; des gardiens de Seqens qui ont subi des propos racistes à qui on a craché au visage. Le cabinet qui disait en avoir vu d’autres et qui vient d’abandonner parce qu’il a été traité de raciste, d’indigène, de colon et pour un acte de violence dans la salle du conseil citoyen. »

En conclusion

Et d’inviter l’élu à « aller au-delà de ceux qui parlent fort, qui prétendent parler au nom de tous et de voir la réalité de terrain. Faites du porte à porte, allez voir l’enquête sociale, ceux qui habitent dans les tours et qui tirent la sonnette d’alarme. Ils n’ont qu’une seule envie, que ça change. […] Politiquement, je vous le dis, je m’en serais bien passé, cela ferait des emmerdes en moins. Si je le fais c’est parce que je crois vraiment en ce projet, pour l’avenir du quartier, pour l’avenir de SQY, pour l’avenir de La Verrière. […] Là, il faudrait oublier les attaques politiciennes et penser à l’avenir de l’agglo, de la ville et du quartier. »

Situation similaire à Plaisir

Directement concernée, la maire de Plaisir, Joséphine Kollmannsberger (LR), s’associant aux propos de Nicolas Dainville, a souligné son « engagement par rapport à ce quartier sur lequel je travaille depuis 2001. Un quartier sur lequel nous avons engagé énormément d’actions avec les élus et tous les partenaires qui se sont engagés dans le cadre de cette Anru régionale. Nous avons obtenu 64 millions d’euros, ce qui n’est pas rien, pour pouvoir accompagner cette réhabilitation qui a déjà commencé depuis plusieurs années. »

Plainte contre X

Et de rappeler les faits similaires à Plaisir : « Lorsque la ministre de la Ville est venue sur le quartier pour discuter […], elle a été complètement exfiltrée du quartier justement parce que toujours cette même association est venue perturber complètement cette réunion et nous n’avons pas pu travailler. Mercredi dernier, nous avons passé un moment fort et terriblement violent avec une trentaine de jeunes bien alimentée par des responsables de cette association, cagoulés, qui sont venus taper contre la vitre du conseil municipal en faisant effectivement très peur aux personnes […] surtout des femmes, très inquiètes de voir les portes se briser sous la violence des coups et des hurlements et avec des gestes de mort. J’ai dû porter plainte contre X.

Et de préciser : « La problématique, je suis comme Nicolas, je ne lâcherai rien. Je l’ai dit lors du conseil, il est hors de question d’interrompre mon conseil municipal tout cela parce qu’une délibération évoquait le fait que nous étions engagés sur un projet de réhabilitation du quartier. Je ne lâcherai rien. Je le dis haut et fort. Nous allons avoir plus d’une vingtaine de rencontres avec les habitants à partir du mois d’avril pour parler point par point de tous les sujets qui font partie de cette réhabilitation. Nous savons que les démolitions portent à sujet, mais une réhabilitation Anru ne peut pas se faire sans démolition. […] Je trouve cela hallucinant alors que nous avons une paupérisation des familles, qui subissent des pressions et qui ne demandent qu’une chose, c’est de changer cela. Il faut faire confiance à ces concertations et nous allons faire un maximum, si possible dans le respect, sans violence. Je le répète, je ne lâcherai rien et je ne me laisserai pas intimider. »

*Anru : Agence nationale pour la rénovation urbaine