Initialement prévues les 13 et 20 juin, les élections départementales et régionales ont finalement été décalées aux 20 et 27 juin. Le gouvernement a décidé de ce léger changement de calendrier après avoir consulté les maires de France, qui avaient en majorité (56 %) répondu par l’affirmative à la question : « Les conditions préconisées par le conseil scientifique vous semblent-elles réunies pour tenir les élections les 13 et 20 juin ? »
Du côté des édiles de Saint-Quentin-en-Yvelines (SQY)*, le maintien l’emporte aussi majoritairement. Tous les maires à droite de l’échiquier politique sont en effet pour des élections en juin, alors que la plupart de ceux de gauche n’auraient pas été contre un report. Ils sont en tout cas unanimes pour dire que la question des assesseurs – leur nombre comme leur vaccination – est centrale. Ils semblent également peu convaincus par le décalage d’une semaine, qui vient bousculer l’organisation du scrutin.
Dans les Yvelines, 76 % des maires se sont prononcés en faveur d’un maintien des élections en juin. SQY suit cette tendance, avec un clivage visible en fonction des sensibilités politiques. Les maires LR ou Divers droite (DVD) (Élancourt, Les Clayes-sous-Bois, La Verrière, Maurepas, Plaisir et Voisins-le-Bretonneux), dont quelques-uns sont conseillers départementaux, étaient ainsi unanimement contre un nouveau report.
« J’étais en faveur de les maintenir, pour la simple et bonne raison que la démocratie doit continuer de s’exercer, c’est un rendez-vous démocratique et nos concitoyens veulent se prononcer, tranche Grégory Garestier (DVD), maire de Maurepas, « surpris » par l’ampleur que ce débat a pris. Aujourd’hui, quand on est capable de laisser ouverts un certain nombre de magasins, je ne vois pas pourquoi un bureau de vote serait plus contaminant […]. »
Un point de vue partagé par le maire de La Verrière, Nicolas Dainville (LR). « Je suis pour le maintien de la date sauf si la situation sanitaire évolue de manière dramatique à quelques semaines de l’échéance, confirme-t-il, espérant toutefois que le contexte sanitaire soit « un peu plus tenable » d’ici là grâce aux vaccinations. Ce sont deux moments démocratiques très importants […] puisque ce sont des élections de proximité qui concernent les grands dossiers de notre territoire. »
De son côté, Joséphine Kollmannsberger (LR), maire de Plaisir, avance également des raisons « de respect démocratique » pour expliquer sa position pour le maintien. « On est déjà décalés par rapport à la date normale, et de toute façon, je ne pense pas que de les reporter en octobre aurait changé grand-chose », ajoute la maire plaisiroise. « Tout à fait consciente que la priorité des priorités, c’est la santé » et « pas les élections », Joséphine Kollmannsberger ajoute : « Je pense que notre rôle d’élus est plutôt de redonner la confiance aux citoyens d’aller voter, et d’être dans cette dynamique qui fait que notre démocratie fonctionne. »
Dans la même veine, son homologue de Voisins-le-Bretonneux, Alexandra Rosetti (UDI), estime que les électeurs ne doivent pas avoir « peur de venir voter ». « Tous les maires sont responsables, on sait maintenant organiser plein de choses dans des conditions sanitaires contraintes », rassure-t-elle, se remémorant les élections de 2020 où « on n’a pas eu de contamination massive dans les bureaux de vote, parce qu’on a pris un maximum de précautions ». Beaucoup de maires opposés à un nouveau report rappellent aussi que des élections sont organisées dans d’autres pays, et que personne ne sait quelle sera la situation sanitaire plus tard dans l’année.
Mais du côté des maires saint-quentinois à gauche de l’échiquier politique, les avis étaient plus nuancés, voire en faveur d’un report. Selon Bertrand Houillon, maire Génération.s de Magny-les-Hameaux, « la question ne se posait pas pour un ‘‘oui’’ ou un ‘‘non’’ » puisque les préconisations du conseil scientifique étaient connues « déjà depuis un petit moment ». L’enjeu est plutôt que les villes aient « tous les éléments d’accompagnement de l’État, qui a la responsabilité d’organisation des élections », et que « toutes les mesures soient bien mises en application et applicables au niveau local ». « Notamment en termes de protection des personnes qui vont tenir les bureaux de vote, et de facilitation de l’organisation de la campagne pour permettre une vie démocratique comme il se doit », précise-t-il.
François Morton (DVG), maire de Guyancourt explique qu’il n’aurait « pas été choqué qu’on reporte ». « Au-delà du fait qu’il y a un certain nombre de préconisations du conseil scientifique, donc que les villes vont faire, je pense qu’on est dans un contexte où, d’un point de vue démocratique, on peut être un peu perplexe quant à la tenue de ces élections, sachant que les candidats auront assez peu de modalités pour faire campagne », avance-t-il, inquiet pour la participation qui est habituellement déjà peu élevée pour ces deux élections.
C’est également l’un des arguments de Didier Fischer (DVG), maire de Coignières, qui était favorable à un report. « Déjà, ces élections ne suscitent vraiment pas, aujourd’hui, l’intérêt des électeurs. On risque d’avoir un taux de participation très faible, […] à mon avis entre 30 et 40 %, estime-t-il. Alors est-ce que la démocratie à 30 %, ça reste la démocratie ? Ça m’interroge quand même. » Il avance aussi « qu’il n’y a pas de garanties, d’un point de vue sanitaire, qu’il n’y aura pas de contaminations » et présente comme « un vrai problème » que la campagne électorale soit rendue presque impossible par le contexte sanitaire.
Il pose justement une analyse politique du résultat, dans les Yvelines, de la consultation du gouvernement. « [Dans] les départements qui sont majoritaires à droite au niveau du Département et de la Région, comme les Yvelines, c’est normal que les maires, qui sont majoritairement à droite aussi, soient en faveur du maintien, considère Didier Fischer. On trouve la même chose d’ailleurs en province où des départements sont tenus par la gauche. Là aussi, ils sont majoritairement en faveur du maintien des élections, puisqu’ils savent très bien qu’il y a une prime aux sortants, et que s’il n’y a pas de campagne, c’est d’autant plus facile pour rester en place. »
La crainte du taux d’absentéisme
Lui, comme des maires d’autres couleurs politiques, a par ailleurs aussi une lecture politique de la proposition du gouvernement de reporter. Au final, le gouvernement a, partiellement, suivi l’avis de la majorité des maires de France. Le premier ministre, Jean Castex, a annoncé le report d’une semaine des élections, justifiant qu’« une semaine de plus, cela représente entre 2 et 3 millions d’électeurs vaccinés supplémentaires ». Un décalage qui ne convainc pas les édiles, et qui n’est pas sans conséquence pour l’organisation des scrutins. D’autant que les élections départementales et régionales ont lieu en même temps, ce qui nécessite de doubler les dispositifs dans les bureaux de vote.
Plusieurs maires nous expliquent ainsi qu’ils avaient demandé à leurs collègues élus d’être disponibles pour tenir les bureaux de vote les 13 et 20 juin, que ces derniers avaient donc arrangé leurs calendriers en conséquence, et qu’il faut à nouveau leur demander de changer. « Je ne vois pas l’intérêt de repousser d’une semaine, tranche par exemple Alexandra Rosetti. En tout cas, nous, ça complexifie les choses parce que, potentiellement, il y aura des gens qui ne seront pas là. » Pour beaucoup, ce décalage n’aura pas d’incidence sur la situation sanitaire, ni sur la participation.
Il fait au contraire redouter à certains une encore plus grande abstention. C’est notamment le cas du maire des Clayes-sous-Bois, Philippe Guiguen (DVD). « [Décaler ne] change rien en termes d’épidémie, je pense. Si ce n’est que, comme on repousse encore d’une semaine, ma crainte, c’est le taux d’absentéisme », avance-t-il, en référence à la proximité du deuxième tour avec le mois de juillet. « Ce n’est pas en reportant de semaine en semaine les choses qu’on arrivera à mobiliser les électrices et les électeurs, abonde Bertrand Houillon. Il faut rassurer tout le monde sur la tenue des élections, et ensuite, surtout, permettre au débat démocratique d’avoir lieu de la meilleure des façons. »
Par ailleurs, la question des assesseurs, et de leur vaccination, est centrale pour tous les maires. Le Premier ministre a d’ailleurs indiqué que « trois semaines avant le premier tour, les maires devront signaler les personnes non encore vaccinées susceptibles d’être membres des bureaux de vote », ces dernières « pourront alors se voir proposer une vaccination ». Jean-Michel Fourgous (LR), maire d’Élancourt et président de SQY, a justement écrit au préfet à ce sujet.
« Notre problème, c’est d’avoir des assesseurs dans les meilleures conditions, et pour eux-mêmes et pour les électeurs, explique Jean-Michel Fourgous. D’autant plus que, nous, on est prêts, au Vélodrome, à les recevoir. On peut même faire une nocturne supplémentaire pour protéger notre démocratie. » Mais de nombreux maires restent persuadés que tous les assesseurs ne pourront pas être vaccinés d’ici les 20 et 27 juin.
Dans un communiqué envoyé en tant que président du Modem des Yvelines, Jean-Baptiste Hamonic (Modem), maire de Villepreux, formule ainsi la proposition que le personnel communal soit vacciné et réquisitionné pour tenir les bureaux de vote, « plutôt que de se lancer dans la vaccination d’assesseurs et de scrutateurs toujours très tardivement identifiables, et de susciter par cette décision des frustrations et polémiques quant à l’accès de concitoyens à la vaccination qui seraient perçus comme privilégiés ».
* Seuls les maires de Montigny-le-Bretonneux, Trappes et Villepreux n’ont pu nous répondre avant la mise sous presse de cette édition.
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