Sacha. C’est le nom du dispositif mis en place par HF Prévention, opérateur du ministère de la Santé. Un dispositif lancé en mars dernier et permettant, via notamment un tchat sur application mobile, de mettre en relation n’importe quel utilisateur avec une Intelligence artificielle (IA) conversationnelle à propos de questions qu’il aurait sur la santé sexuelle, et qui peuvent être posées vocalement ou par écrit. « C’est un cerveau qu’on a créé et qui en réalité correspond à ce que peut dire et reproduire un animateur de prévention santé », explique Jérôme André, directeur de HF Prévention, qui a reçu La Gazette dans les locaux de la structure, situés à Trappes, le 23 septembre.

HF Prévention surfe sur le succès de Tup, application qu’il avait créée en 2014 et permettant de géolocaliser les points de vente de préservatifs et les lieux de dépistage des IST à proximité de soi. « C’est très compliqué non pas de savoir où sont les préservatifs ou d’avoir des informations sur la santé sexuelle, mais [de trouver] des lieux de dépistage, de savoir où et à quels horaires ils sont », évoque Jérôme André.

Tup est aujourd’hui utilisée par 580 000 personnes par mois en moyenne. « Quand on voit [ces chiffres], on s’est donc dit, avec les pouvoirs publics, qu’il y avait besoin d’avoir plus de santé sexuelle, avance Jérôme André. Une feuille de route a d’ailleurs été édictée, dont on a fait partie parmi les organismes consultés. » Avec cette question en fil rouge : comment amener la santé sexuelle à tout âge ? « Souvent, les médias parlent des jeunes, mais on pourrait aussi parler de la santé sexuelle en Ehpad ou quand les gens deviennent seniors. Il y a de la sexualité à tout âge, et avec des problématiques plus ou moins difficiles, souligne le directeur de HF Prévention. Récemment, on me parlait de problématiques de fuites urinaires […], ça peut avoir un impact sur la santé sexuelle. »

« Du coup, il y avait une vraie nécessité à être en proximité avec les concitoyens et d’apporter du conseil, de l’information, poursuit-il. Pour faire cela, deux solutions : soit on a la possibilité d’avoir des nouveaux crédits de l’État, ce qui voudrait dire plus d’animateurs de prévention partout en France – […] mais pour quoi faire, car on ne va pas se mettre à avoir plein de gens qui vont parler de santé sexuelle –, soit digitaliser le cerveau d’un animateur de prévention et d’un médiateur en santé, mais aussi d’apporter on demand […], dans la poche de chacun, [de] l’IA conversationnelle. »

Six mois après le lancement, le succès était déjà au rendez-vous pour Sacha, avec 68 000 conversations mensuelles en moyenne, selon Jérôme André, directeur de HF Prévention.

Ainsi a mûri Sacha, lancée officiellement le 22 mars 2022. Six mois plus tard, l’application comptabilisait déjà 68 000 conversations mensuelles en moyenne. « Je ne pensais pas qu’on ferait autant dès le départ », confie Jérôme André, ambitieux, car « l’idée est de pouvoir le déployer au niveau monde ». D’autant que ce dispositif, dont HF Prévention est propriétaire de l’architecture du cerveau, est unique au monde. Il a nécessité quatre ans de travail. La dizaine de salariés de HF Prévention a planché dessus, accompagnée par 200 professionnels de santé, dont des psys, qui ont supervisé l’élaboration du tchat en s’occupant « de regarder ce qui est dit, comment s’est dit », avant de valider les réponses, précise Jérôme André. Ce qui a donné des possibilités de discussion très poussées.

« C’est une vraie IA. Il n’y a personne d’humain qui répond derrière, mais quand Sacha ne connaît pas le sujet, il va dire ‘‘Je ne suis pas compétent en la matière, j’ai trouvé ça sur Google, je te propose ça’’. [Au début], il ne connaissait rien, […] il a fallu tout lui apprendre, expose le directeur de HF Prévention. [Mais] il est capable d’apprendre seul, ce qui nous a posé un vrai problème. Par exemple, si on lui dit ‘‘Je pense être enceinte’’, si on le laisse faire, il se connecte à Google, [et] 10 ou 15 minutes après, il vous explique ce que c’est qu’être enceinte, ce qu’on risque, la pilule du lendemain, etc. […] On l’a restreint à la santé sexuelle et à ce que nous on veut qu’il traite. » Sacha est aussi capable de faire du repérage émotionnel, indique Jérôme André, restant discret sur le coût du dispositif, financé à hauteur d’environ 10 % par le laboratoire Gilead, tandis que d’autres partenaires comme Publicis et Google ont aussi soutenu le projet.

Cette IA conversationnelle est donc déjà disponible via application pour smartphones, mais aussi sur Google home, et un site internet est prévu à la fin de l’année. Avant que le service soit étendu l’année prochaine à la santé mentale et au cancer du sein. Et les applications seront interconnectables. « L’idée est que ça rende service au plus grand nombre », conclut Jérôme André.