Guyancourt, place forte de la lutte contre les violences sexuelles et sexistes. Le 27 novembre, un portail de lutte contre ce type de violences a été lancé au commissariat de la ville. Pour l’occasion, quatre membres du gouvernement avaient fait le déplacement : les ministres de l’intérieur Christophe Castaner et de la justice Nicole Belloubet, et les secrétaires d’État Marlène Schiappa et Laurent Nunez. Ils ont officiellement inauguré ce nouvel outil, un tchat accessible via ordinateur, smartphone ou tablette, opérationnel sept jours sur sept et 24 heures sur 24 et autour duquel se relaient 16 policiers et une psychologue.
Ceux-ci prennent en charge à distance des victimes qui se connectent sur le site service-public.fr/cmi, rentrent leur code postal puis accèdent à un tchat. De l’autre côté de la barrière, derrière leur écran, au sein d’un bureau du commissariat de Guyancourt, huit gardiens de la paix femmes et huit hommes, qui accueillent, écoutent et orientent ces victimes.
« On a des effectifs de jour et des effectifs de nuit (quatre personnes en journée et trois en soirée, Ndlr) qui ont chacun leurs spécificités, nous a expliqué le capitaine Sandrine Masson, qui dirige ces équipes. Tous ont une expérience diverse. Certains viennent de police secours, d’autres d’investigations ou étaient en brigade locale de protection de la famille ou en brigade départementale par exemple. Certains viennent du centre d’information et de commandement, la plateforme des appels 17, et donc ils ont déjà une expérience de gestion des urgences. »
Les policiers prennent en charge les victimes lors du tchat et transmettent « la conversation au service territorialement compétent, que ce soit un commissariat ou une unité de gendarmerie », a précisé le capitaine Masson face aux médias. Le tout en prenant soin de préserver l’anonymat des victimes, qui « peuvent rester anonymes jusqu’au bout du tchat » ou bien « donner leur nom et prénom pour que nous puissions au mieux prendre un rendez-vous pour eux dans un commissariat de police », détaille-t-elle.
Guyancourt fait partie des deux structures hébergeant ce dispositif de signalement, une autre, basée à Rennes, étant composée de gendarmes. Une première au sein des forces de l’ordre, même si certaines associations comme En avant toute(s) proposaient déjà ce type de tchat. L’objectif est de permettre « aux victimes qui n’osent pas ou qui ne peuvent pas se rendre dans un service de police [de trouver] un moyen simple et discret d’être entendues ou écoutées », peut-on lire sur un communiqué de la police nationale.
Et bien sûr amener par la suite les victimes à porter plainte « car c’est là que tout commence, a rappelé Nicole Belloubet dans son allocution suite au lancement du portail. C’est bien parce que la parole pourra être posée qu’elle pourra être ensuite juridiquement qualifiée. […] C’est la raison pour laquelle on tenait absolument à ce que cette initiative heureuse puisse voir le jour. » Une initiative qui permettra aux victimes de « faire le premier pas sans être obligé de se confronter à un regard ou de faire une démarche physique », selon la garde des Sceaux.
« Une victime sur 12 dépose plainte pour des faits de violences sexuelles ou sexistes, a de son côté indiqué aux journalistes Stéphanie Charbonnier, conseillère judiciaire du Directeur général de la police nationale. L’objectif est d’amener la victime à un dépôt de plainte mais il n’y aura pas de contrainte. »
Les autres chiffres liés aux violences sexistes et sexuelles sont au moins tout aussi inquiétants. « 93 000 femmes déclarent avoir été victimes d’un viol ou d’une tentative de viol, a déclaré Christophe Castaner lors de son discours au commissariat. Plus de 225 000 femmes sont victimes de violences physiques. En 2017, 109 femmes et 16 hommes sont décédés, victimes de leur partenaire ou ex-partenaire. »
Dans un tel contexte, la mise en service du portail se faisait attendre et a nécessité « un peu de temps », comme le reconnaît Stéphanie Charbonnier. « La création d’un nouvel outil implique à la fois une sécurisation juridique et technique, justifie-t-elle. On ne pouvait pas lancer une plateforme sans être sûrs que les victimes aient une réponse derrière. […] Et puis, il a fallu recruter les personnels et les former à l’accueil du public. »
« Nous avons été mis en place au mois de mai, pour que nous puissions être formés au mieux, et puis adapter, faire des simulations et se mettre en fonctionnement, abonde Sandrine Masson. C’était surtout des fonctionnements pour s’adapter véritablement, notamment au tchat, […] à l’écoute aussi, nous avons été formés avec la psychologue à la plateforme et également avec des formations nationales sur le traumatisme, la gestion du stress, … […] Ce délai a [aussi] permis à la Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés, Ndlr) de mettre en place la validation des données personnelles. »
Si ce portail vient en complément, il « ne se substituera pas aux autres manières de recueillir les plaintes, mais c’est un moyen supplémentaire qui vient s’ajouter », insiste Nicole Belloubet. Il ne constitue d’ailleurs pas un outil de dépôt de plainte mais de signalement, permettant de mieux « accompagner [les victimes] vers un dépôt de plainte auprès des services compétents les plus proches de leur domicile », peut-on lire sur le communiqué de la police nationale.
Cet outil se destine bien sûr aux victimes mais aussi aux témoins, comme l’a rappelé Marlène Schiappa lors de son discours. « Quand une personne est témoin d’un cambriolage […], elle appelle la police ou la gendarmerie, quand elle est témoin ou a connaissance de violences sexistes et sexuelles, […], elle n’a pas toujours le réflexe de le signaler à la police ou à la gendarmerie, expose la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes. Avec le lancement de cette plateforme, nous voulons envoyer ce signal à toute la société et particulièrement aux témoins, en leur demandant d’agir sous notre mot d’ordre collectif : ne rien laisser passer. »