Les syndicats de Renault ont eu connaissance, lors du Comité social et économique (CSE) du 25 février, du projet de vente du Technocentre à Guyancourt. Comme l’a révélé L’Argus, le constructeur automobile envisagerait de céder 80 % de ses parts au sein de sa Société civile immobilière (SCI), filiale de la marque au losange, et propriétaire du site. Renault deviendrait donc locataire des trois quarts des bâtiments du site de Guyancourt. Le reste serait loué à d’autres entreprises. Ces informations ont été confirmées par plusieurs syndicats du groupe.
Plus qu’un simple projet, il pourrait être déjà bien amorcé. « Vu le dossier présenté, ça va se faire. C’était une information (et non une consultation, Ndlr) », estime Jean-Loup Leroux, ingénieur au Technocentre et militant à la CGT. Selon lui, il y aurait déjà un planning de prévu pour une finalisation de vente d’ici 2024. Christian Morel, de Sud Renault, fait la même observation : « Ça semble avancé. Il y a déjà des prospections. » Même si le projet serait encore à « l’état embryonnaire », selon Sébastien Jacquet, délégué syndical à Force ouvrière et secrétaire de section syndicale au Technocentre.
D’ailleurs, le maire de Guyancourt, François Morton (DVG), n’a pas eu connaissance de ce projet malgré ses contacts réguliers avec Renault, notamment en raison de l’aménagement du futur quartier des Savoirs. « Dans nos échanges, ces événements n’apparaissent pas », affirme-t-il, avant de reconnaître que « c’est acté, le fait que Renault a trop de m², mais cela ne veut pas dire qu’ils vont vendre ».
Dans tous les cas, ce projet, réalisable ou non, a bien été présenté aux syndicats le 25 février. Renault pourrait donc louer les bâtiments la Ruche, le Diapason, le Labo et le CRP ; et d’autres entreprises devraient venir s’installer, en louant les bâtiments l’Odyssée, le Gradient et l’Avancée. Selon les syndicats, l’objectif affiché est de rénover une partie du Technocentre, dans le cadre de son projet appelé Re-TCR et non plus E-TCR.
Est également prévue la création d’un campus d’entreprises, appelé « Software république », consacré à l’automobile et aux nouvelles mobilités, comme l’avancent les syndicats et le maire de Guyancourt. Ce point a notamment été présenté le 14 janvier, lors de la présentation du nouveau plan stratégique, Renaulution, qui devrait permettre de restaurer la compétitivité du groupe.
« Ils sont à la recherche de cash à court terme »
Cette opération immobilière vise également à réduire les surfaces de travail afin de généraliser le télétravail, et la rénovation de Re-TCR va dans ce sens. Comme le prouve la dernière tranche rénovée du bâtiment la Ruche, dont le plateau tertiaire est prévu pour le « flex office », raconte Christian Morel. « Au lieu d’avoir chacun un bureau, nous allons le partager par équipe. On aura 60 % de places disponibles par équipe, donc on projette de télétravailler deux jours par semaine », explique Jean-Loup Leroux, de la CGT.
Mais cette situation à distance, les salariés la connaissent déjà. « On le vit déjà. On télétravaille quasi intégralement. Renault s’inscrit dans les préconisations des pouvoirs publics, constate Germain Rault, délégué syndical à la CFDT au Technocentre de Guyancourt. Ce qui nous importe, c’est que chacun puisse choisir quand même. » La direction aurait d’ailleurs mentionné que cette généralisation se fera sur la base du volontariat, selon Jean-Loup Leroux, qui n’y croit pas. Pour autant, un accord sur le télétravail va être négocié prochainement, selon Germain Rault.
Tous les syndicats ne sont en effet pas d’accord avec cette généralisation souhaitée par Renault. Christian Morel pointe un risque de dégradation des conditions de travail en passant au « flex office ». « C’est une déshumanisation des rapports sociaux. On est un coût, c’est leur raisonnement, mais, paraît-il, c’est le progrès », ironise-t-il, en faisant également référence aux salariés qui ne travaillent pas tous dans de bonnes conditions chez eux.
De plus, cette opération immobilière cacherait en réalité « une opération financière », selon Jean-Loup Leroux. « Ils sont à la recherche de cash à court terme. Ça fait des années que c’est comme ça. Il n’y a pas de vision à long terme. Il est question de marge opérationnelle et d’objectifs chauds », confirme Christian Morel de Sud Renault.
Et le plan de réduction des coûts annoncé le 29 mai 2020 rentrerait dans l’équation immobilière. Avec un projet de suppression de 1 960 postes d’ici trois ans sur les trois sites de l’établissement de Guyancourt – le Technocentre, mais aussi Vélizy et Aubevoye –, « il va y avoir des surfaces en trop », en conclut le syndicat CGT.
Mais pour d’autres, cette stratégie n’est pas incohérente avec le contexte actuel. « On paye et c’est quasi vide. La perte d’argent est lisible, nuance un syndicat qui souhaite rester anonyme. […] Ça permettra de réduire les coûts fixes. » Le syndicat de la CFDT n’est pas contre non plus. « Tout ce qui peut améliorer la santé de l’entreprise, je ne suis pas contre. Ça ne changera pas la vie des salariés », affirme-t-il, à condition que le télétravail ne dégrade pas les conditions de travail des salariés. Ce que craignent les autres syndicats.