Ils étaient une centaine dans les locaux du Technoncentre de Guyancourt ce mardi 30 mars, selon les syndicats Sud Renault et CGT. Ce mouvement de grève, aussi appelé débrayage – à priori une première depuis des années – fait suite aux annonces de Renault, lors du Comité social et économique (CSE). Le groupe a annoncé la veille sa volonté d’externaliser la maintenance des moyens d’essai au sein du site de Guyancourt, de Lardy (Essone) et d’Aubevoye (Eure).

En d’autres termes, le constructeur va vendre son activité et ses salariés à la société P2M, un fournisseur de composants électroniques, selon les syndicats. Ainsi, trois postes à Guyancourt seraient concernés, 17 à Lardy et six à Aubevoye, comme l’annoncent les syndicats. Mais en attendant que cette situation soit effective au 1er novembre, la décision a été bloquée lors du CSE. « On a réussi à suspendre le projet en votant une expertise pour juger de l’opportunité du projet et de sa faisabilité », présente Christian Morel de Sud Renault.

« On n’est pas du bétail, se révolte Jean-Loup Leroux, ingénieur au Technocentre et militant à la CGT, présent pendant le débrayage. Il est hors de question que les collègues soient vendus. » Ce qui voudrait dire une perte « du package social », selon Germain Rault, délégué syndical à la CFDT. Selon lui, les salariés « externalisés » continueraient de travailler au Technocentre, mais sans leur ancienneté, l’accès au CE, et sans compter les autres avantages du groupe. Sachant que P2M ne compterait que 36 salariés. « C’est inacceptable », lance-t-il.

Cette externalisation viendrait également à l’encontre de l’accord signé en novembre dernier, entre les syndicats (sauf la CGT) et la direction, concernant la « transformation des compétences dans les fonctions globales ». Celle-ci donne accès à une rupture conventionnelle collective, pour favoriser les départs volontaires, toujours dans l’objectif de réduire les coûts de l’entreprise, depuis les fameuses annonces de mai 2020.

Mais, dans ce cas précis, les départs semblent forcés, selon les syndicats. « Il y a une incohérence entre l’obligation et le volontariat signé, pointe un syndicat qui a souhaité rester anonyme. On a signé un accord basé sur le volontariat. J’y vois là une manœuvre pour mettre la pression. » Selon lui, Renault souhaiterait un départ rapide des salariés visés, dans le but de réduire ses coûts. « Les coûts fixes sont trop importants, reconnaît-il. Là, c’est plus possible de conserver tout le monde. Il y a trop de pertes. »

Cette stratégie serait donc une manière d’accélérer les effets de la rupture conventionnelle collective, d’après les syndicats, avançant d’ailleurs qu’elle ne rencontrerait pas un franc succès auprès des salariés de Renault. « Ça ne marche pas ou très peu. Sur l’ingénierie, ils viennent d’annoncer qu’ils vont rajouter trois mois de salaire pour les départs », affirme Jean-Loup Leroux. Seuls 62 dossiers auraient été finalisés, selon lui. Les salariés seraient en effet réticents à l’idée de quitter leur CDI au vu du contexte actuel du marché de l’emploi. « Il y a beaucoup d’incertitude », poursuit le syndicat CGT.

Alors, si les départs volontaires ne fonctionnent pas, les syndicats craignent que Renault ne procède à des licenciements. D’ailleurs, cette décision d’externaliser la maintenance des moyens d’essai fait craindre une vente plus globale de l’ingénierie. « Qu’est-ce qui nous dit que 50 % de l’ingénierie et du tertiaire ne va pas être revendu à des entreprises de prestations ? », questionne le syndicat anonyme.

Ce n’est pas la première fois que Gilles Le Borgne opte pour cette stratégie d’externalisation. L’ancien directeur R&D du constructeur Peugeot devenu directeur de l’ingénierie chez Renault avait appliqué la même méthode chez PSA avec la même société P2M, racontent les syndicats. Un autre mouvement de grève est prévu le 8 avril, devant le siège de Renault à Boulogne.

Malgré nos nombreuses sollicitations, le groupe Renault n’a pas donné suite à nos demandes avant la mise sous presse de ces deux articles.

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