Les grues se sont activées toute la matinée le 25 octobre dans le quartier du Pont du Routoir, à Guyancourt, pour y installer une œuvre d’art à proximité de l’école Jean Lurçat, sur le mail Missak et Mélinée Manouchian. Cette sculpture en granite de 19 tonnes, 2,5 mètres de diamètre et 2 mètres de hauteur, a été taillée dans une pierre venant de la commune de Louvigné-du-
Désert, en Bretagne. « C’est une pierre qui à la base est en forme de boule, et qui a été poussée par les glaciers il y a des millions d’années », détaille l’un des deux artistes, Grégory Gicquel, présent le jour de l’installation.

Lui et son compère Daniel Dewar, avec qui il travaille depuis 20 ans, se sont associés à dix habitants du quartier pour monter ce projet lié au concept de Nouveaux commanditaires, qui consiste à « permettre à des citoyens de porter un projet artistique, d’être les commanditaires d’une œuvre d’art », peut-on lire sur le site internet de la Fondation de France, qui porte ce type d’actions.

La sculpture s’intitule ici Rocher en granite avec bras, lièvres et banc. Elle est le fruit de deux ans et demi de travail avec les habitants et repose sur un « triptyque commanditaires, artistes, médiateur artistique, agréé par la Fondation de France, qui connaît le monde de l’art mais qui est aussi capable d’aider les habitants à formuler leur demande et leur envie d’art pour répondre à une problématique », explique Sylvie Pelade, directrice de la culture et du sport à Guyancourt.

Pleinement impliqués dans le projet, les dix habitants ont participé à l’élaboration d’un cahier des charges, et ont sélectionné les artistes, participant à différentes réunions plusieurs fois par an. Nathalie Christophe en fait partie. « J’ai été sollicitée par le service culture, on m’a proposé de faire partie du groupe des nouveaux commanditaires, en expliquant le projet qu’il y avait sur cet ancien quartier rénové du Pont du Routoir, raconte cette Guyancourtoise habitant le quartier depuis 22 ans. Je n’étais pas du tout impliquée dans la vie de la ville, et je me suis dit que ce serait intéressant d’avoir une vision plus globale du quartier et de sa ville. »

Et de poursuivre : « Dès la première réunion, j’ai su que le projet m’intéressait énormément. Nous étions un groupe d’une quinzaine de personnes au début. Certains n’ont pas pu continuer pour diverses raisons, mais ça nous a fait nous rencontrer car on ne se connaissait pas, le quartier étant très grand. Il y avait des personnes d’horizons différents, avec des vécus et des histoires différents. […] On est tous novices, et on nous a demandé au départ […] d’évoquer ce que représentait pour nous le Pont du Routoir. […] On n’imaginait pas forcément une sculpture, donc on a d’abord évoqué ce que représentait pour nous ce quartier multifacette des profils des habitants, intergénérationnel, multiculturel, sans oublier le passé et une volonté de transmission. »

Cette vision du quartier a été retranscrite dans le cahier des charges. Celui-ci a été transmis à « quatre ou cinq » artistes différents, mais c’est sur Daniel Dewar et Grégory
Gicquel que les riverains ont « complètement flashé », confie Nathalie Christophe. « Il y a eu un bel échange avec les habitants », affirme ce dernier.

Un échange dont a découlé une sculpture représentant, comme son nom l’indique, deux lièvre et un bras humain, une manière d’évoquer « la mixité de la nature avec la ville […], et la transmission, car c’est une œuvre transgénérationnelle, ça parle du passé des habitants de Guyancourt à l’origine du Pont du Routoir, mais les lièvres, ça parle aussi aux enfants (un clin d’œil à l’école à proximité, Ndlr) », selon Nathalie Christophe. Pour Sylvie Pelade, « il y a à la fois ces lièvres qui font penser à la nature sauvage, ce bras qui invite à s’asseoir, et ce banc qui est la fonction donnée à cette œuvre et où on peut s’asseoir à six, sept ou huit ».

« L’idée est de respecter beaucoup la matière, la pierre, avance de son côté Grégory Gicquel. Les habitants de Guyancourt étaient attachés au fait que leur commune soit proche de la nature, avec des bois tout autour. » Pour répondre à cette demande des habitants, il a, avec Daniel Dewar, taillé, travaillé la pierre pendant deux mois, « en taille directe c’est-à-dire que l’on enlève la matière et qu’il n’y a pas de rajouts ».

Un travail qui a coûté 160 000 euros. Eiffage, la commune et la Fondation de France ont participé au financement de l’œuvre, ainsi que « des mécènes beaucoup plus modestes », indique Sylvie Pelade. Le résultat, en tout cas, semble séduire les commanditaires. « Pour l’artiste, j’imagine que ça doit être un moment spécial, mais même pour nous, c’est émouvant de voir l’aboutissement », glisse Nathalie Christophe lors de la pose de l’œuvre. 

Mais elle assure que « ce n’est pas la fin » et que les habitants vont désormais avoir « un rôle de porteurs, d’ambassadeurs de l’œuvre, pour expliquer aux gens quelle est l’origine de la démarche ». La présence des habitants « est indispensable dans tout le processus et même après quand l’œuvre sera posée, ils seront là pour parler de l’œuvre, la défendre, … », abonde Sylvie Pelade. « On a vraiment vécu tout le processus de A à Z, maintenant à nous de reprendre le flambeau et de le perpétuer vis-à-vis des autres personnes à qui on peut expliquer l’histoire », insiste Nathalie Christophe. Et pourquoi pas dès l’inauguration officielle de la sculpture, et sa visite guidée, le 23 novembre prochain.

Article mis à jour le 4 novembre 2019 à 13h45 : Deux lièvres sont représentés sur la sculpture, et non un seul comme nous l’indiquions auparavant.