ça m’a mis les frissons. C’était impressionnant », raconte Anissa, habitante de Trappes depuis plus de 40 ans. Cette Trappiste, très attachée au patrimoine de sa commune, a veillé au chevet du pont Marcel Cachin durant sa démolition, dans la nuit du 17 au 18 août. « Je ne voulais pas louper le premier clignotant. Je ne suis pas sûre que tout le monde puisse vivre un instant pareil. »

Ce pont emblématique a en effet marqué la ville pour avoir réuni l’ancien et le nouveau Trappes après sa construction en 1970. « Ça a été une délivrance », témoigne Anissa. Et l’enfouissement de la RN10, avec la création des trois plateaux, devrait remplir le même objectif : réunir définitivement l’ensemble des quartiers et le centre-ville de Trappes, encore séparés par la nationale.

C’est pourquoi, à 2 h du matin, cinq engins armés de pinces broyeuses ont attaqué la partie horizontale du pont, obligeant une fermeture complète de la circulation, dans les deux sens, et ce, jusqu’au soir du 18 août. Ainsi, une quarantaine de professionnels ont été mobilisés pour assurer le bon déroulement de l’impressionnant chantier, explique Michel Perrel, chef du Département de modernisation du réseau Sud-Ouest (DMRSO) à la Direction des routes d’Île-de-France (Dirif).

Cette démolition marque donc le début du chantier tant attendu par les habitants, à tel point qu’ils n’y croyaient plus. « C’est la fin d’une légende urbaine. Ça se concrétise enfin », se satisfait la Trappiste. Ce coup d’envoi annonce également les sept ans de travaux que vont vivre les riverains, selon les informations de la mairie de Trappes et de la Dirif. « Ça sera surprenant », est convaincue Anissa, qui projette plutôt une décennie de travaux.

Ces derniers avaient même déjà commencé un peu avant cette démolition, avec notamment de nombreux enfouissements de réseaux, la construction d’un mur de protection… Et, le 13 juillet 2021, a été posé un pont temporaire, à 10 mètres de celui démoli, afin de remplacer ce dernier pendant les travaux d’enfouissement de la RN10. « Ce pont est provisoire. Il a des appuis qui sont disposés de part et d’autre de la tranchée pour enfouir la nationale 10. On va donc pouvoir creuser », détaille Michel Perrel.

Cette passerelle métallique est d’ailleurs la propriété du Centre national des ponts de secours (CNPS), qui la loue à la Dirif. Elle devrait être retirée d’ici quatre ou cinq ans, selon le chef du département.

Mais, avant cela, d’autres étapes du chantier sont prévues. Par exemple, la destruction du pont Marcel Cachin n’est pas totalement finie, malgré la reprise de la circulation. « Il y a encore quelques démolitions à faire, encore pendant un mois et demi. Je parle des extrémités du pont notamment », informe-t-il. À la fin de ces travaux, des aménagements auront lieu autour de la mairie, explique le magazine de la municipalité de cet été : « Cela inclut le carrefour de la rue Jean Jaurès et de la RD36, aujourd’hui peu pratique et qui oblige à faire des détours. »

Dans la foulée, le carrefour au niveau du Pavillon bleu sera transformé en giratoire à feux. En plus, deux aménagements auront lieu pour fluidifier le trafic, et permettre aux voitures d’éviter le carrefour, si besoin. Ainsi, pour les voitures en provenance de Paris et allant en direction d’Élancourt, il y aura une bretelle pour contourner le giratoire. « On passe à côté et on évite le conflit entre les automobilistes », simplifie Michel Perrel. Et pour celles en provenance d’Élancourt et en direction de Paris, un souterrain sera construit en dessous du futur rond-point.

L’enfouissement de la RN10, avec la création de trois plateaux, devrait poursuivre le même objectif : réunir définitivement l’ensemble des quartiers de Trappes, encore séparés par la nationale.

Mais cet aménagement inquiète certains habitants de Trappes, qui craignent à l’inverse des problèmes de circulation. C’est le cas d’André, 73 ans. Il assiste à la démolition du pont depuis 8 heures du matin. « Il y a déjà beaucoup de voitures, comment ça va circuler ? Cette quantité ne passera pas avec un rond-point », estime-t-il. D’où les deux projets de contournement, qui devraient remplir cette fonction de régulation.

Ce futur giratoire est également une manière de moderniser la ville et de la rendre plus esthétique, ajoute le chef du département. Une végétalisation des nouveaux lieux est ainsi prévue. Cette étape devrait durer un an et demi, selon le magazine de la Ville, soit jusqu’en février 2023.

Ensuite, le chantier s’attaquera à l’enfouissement concret de la nationale 10. « Sur près de 800 mètres, la RN10 va être aménagée en pente », toujours selon le journal municipal, qui estime que ces travaux devraient se dérouler de mars 2023 à septembre 2025. Viendra ensuite l’installation des trois plateaux, qui vont recouvrir partiellement la RN10 et qui contribueront « à recoudre la ville et à faciliter les traversées ».

Ainsi, le plus grand plateau sera installé face à l’hôtel de ville. Il fera 116 mètres de long et 25 mètres de large. Ce dernier fera d’ailleurs l’objet d’une concertation avec les habitants, précise le Mag de Trappes. Un deuxième de 28 mètres connectera l’avenue Carnot et la rue de Montfort. Et enfin, un troisième plateau de 51 mètres réunira la rue de l’Abreuvoir et le cours de la Corderie.

Ces trois constructions faciliteront les déplacements entre les deux parties de la ville, même si la RN10 ne sera pas entièrement enfouie. Cette information ne serait a priori pas connue de tous. « On pensait que c’était un enfouissement total… Il y aura des surpris », prévient Anissa. Cette construction de plateaux devrait durer d’octobre 2025 à mars 2028, selon le magazine municipal.

Enfin, lors de la dernière phase des travaux, un autre carrefour va être totalement modifié. Au niveau de la station BP va donc être créé un autre giratoire à feux tricolores, avec un passage souterrain pour les voitures venant de la RD23 et en direction de Paris, selon Michel Perrel. Cet aménagement devrait commencer en octobre 2025 et se terminer en avril 2027.

Au total, ce chantier va coûter 95 millions d’euros. Il est financé conjointement par le Département des Yvelines, à hauteur de 10 millions d’euros, par l’Agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines (13,5 millions), la Région Île-de-France (27,5 millions), la Ville de Trappes (2 millions) et par l’État, soit la plus importante participation avec 42 millions d’euros.

En attendant, les Trappistes vont devoir s’armer de patience avant de voir disparaître en partie la RN10. Mais certains semblent déjà prêts. « Dans la mesure où on attend le projet depuis plus de 20 ans, on peut attendre encore un peu », affirme une mère de famille avec son fils, devant l’effondrement du pont.

Comment éviter les nuisances du chantier de la RN10 ?

« On espère que cela ne va pas faire trop de nuisances », évoquait une passante trappiste au moment de la démolition du pont Marcel Cachin. Cette problématique semble avoir été prise en compte dans le déroulement des travaux. Par exemple, pour la démolition du pont, Michel Perrel révèle que le choix des 17 et 18 août était stratégique. « C’est la semaine de l’année la moins chargée en termes de trafic », justifie-t-il.

Les ouvriers ont également mis du sable sur la route pour la protéger et éviter ainsi des réparations, qui auraient allongé la fermeture de la circulation. Par conséquent, la RN10 a fermé le 17 août à 18 h et elle a rouvert le lendemain à la même heure, selon Michel Perrel. Pour la suite des travaux, le travail sur les nuisances « va dépendre des matériaux utilisés par les entreprises », poursuit le chef du Département de modernisation du réseau Sud-Ouest (DMRSO). Par exemple, pour les camions qui émettent un bruit au moment de reculer, ils utilisent un son moins violent lorsqu’ils sont en ville. On l’appelle « le cri du lynx ».

Mais, de manière générale, les Trappistes semblent être « prêts à endurer les travaux, rapporte Michel Perrel. Car ils voient le bénéfice derrière. Ils auront moins de nuisances par la suite. »