« Avant, on ne pouvait pas caractériser le degré de handicap [des femmes souffrant d’endométriose] », affirme Arnaud Fauconnier, professeur en gynécologie-obstétrique au centre hospitalier de Poissy – Saint-Germain-en-Laye. Mais le professionnel et son équipe, issus du laboratoire de recherche Riscq, comptent bien y remédier. Lors d’un point presse organisé le 19 avril à l’UFR des sciences de la santé Simone Veil de Montigny-le-Bretonneux, ils ont dévoilé les premiers résultats préliminaires de leur programme de recherche Endocap. C’est la première fois qu’une étude évalue le degré de handicap des patientes atteintes d’endométriose.

Elle a débuté en avril 2017 et devrait prendre fin cet été. Son objectif est la reconnaissance de cette maladie par l’ensemble de la société, qui la banalise encore, comme s’accordent à le dire les chercheurs qui ont participé à Endocap. Pour ce faire, ils ont évalué l’état de santé de 40 femmes atteintes d’endométriose, avant et après leur traitement au sein de trois centres hospitaliers, celui de Poissy – Saint-Germain-en-Laye, de Versailles et de Tenon à Paris. Et les résultats sont sans appel. Les patientes atteintes voient leur vie personnelle et professionnelle altérées par les fortes douleurs causées par la maladie.

L’endométriose est une maladie chronique qui touche une femme sur dix dans le monde, soit 4 millions de femmes en France, selon l’association de lutte contre l’endométriose, Endofrance. Cette maladie fait migrer les cellules de l’endomètre – le tissu qui tapisse l’utérus – vers les autres organes comme les intestins, où elles vont se développer et provoquer des lésions, ou des kystes, indique Endofrance. Et dans les cas les plus avancés, cette maladie peut conduire à l’infertilité.

Pour l’identifier, les symptômes sont le plus souvent « des règles très douloureuses, des troubles digestifs, urinaires, des douleurs pelviennes et lombaires, ou encore des douleurs lors des rapports sexuels », liste Stéphanie Staraci, psychologue-chercheuse et responsable de l’étude. Cette maladie serait difficile à diagnostiquer. « Il faut en moyenne sept ans entre les premières douleurs et la prise en charge de la maladie », déplore-t-elle.

Ils ont évalué l’état de santé de 40 femmes atteintes d’endométriose, avant et après leur traitement au sein de trois centres hospitaliers.

Lors de la première étape d’Endocap, les chercheurs ont donc analysé l’état de santé des patientes qui n’étaient pas encore sous traitement, pour évaluer leur degré de handicap. Sous forme d’entretien clinique, les 40 femmes se sont confiées sur leur vie privée et professionnelle. Et c’est dans les gestes du quotidien qu’elles se sentent le plus handicapées. Même les rapports sexuels ne sont parfois plus possibles à avoir. Dominique, une des patientes, témoigne ainsi dans le communiqué présentant l’étude : « Nous n’avons plus de rapport avec mon mari depuis plusieurs années. Il ne veut plus car il me voit souffrir. »

Se lever et aller au travail relève parfois de l’héroïsme, comme le témoigne Yasmine Candau, présidente de l’association Endofrance, qui a longtemps été atteinte d’endométriose. « Mes enfants me voyaient tout le temps couchée, se rappelle-t-elle. Au bureau je restais assise, je ne montais pas les escaliers. Et dès que j’arrivais chez moi, je m’allongeais avec une bouillotte sur le ventre. Je n’avais plus de vie sociale. »

Et ces complications ont même conduit certaines femmes à perdre ou à quitter leur emploi. Pascale, une autre des patientes, confie même ne pas vouloir chercher un emploi : « Je ne peux pas imposer à mon employeur un absentéisme à chaque fois que j’ai des fortes douleurs. » Par extension, ces difficultés ont mené la plupart des femmes atteintes à développer un sentiment d’exclusion. Cette forme de handicap, nommée et observée par l’équipe de chercheurs, viendrait du manque de reconnaissance de la maladie dans leur entourage et dans le milieu médical.

Faisant souvent le rapprochement avec la normalité des douleurs des règles, ces derniers banalisent la souffrance de ces femmes. Pour eux, « c’est normal d’avoir mal », se scandalise le professeur Arnaud Fauconnier. D’ailleurs, Yasmine Candau a vécu plusieurs fois cette situation avant d’être diagnostiquée. « J’avais le sentiment qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas. Mais les échographies étaient normales pour le médecin. Il me disait de prendre un doliprane et que ça allait passer. Ma mère me disait que ça ira mieux quand j’aurais des enfants. J’ai donc grandi en serrant les dents. On se fait à la douleur », raconte-t-elle.

Lors de la deuxième étape du programme de recherche toujours en cours, les femmes suivent le traitement contre la maladie. Et d’autres entretiens sont faits pour observer l’évolution de ces handicaps. Stéphanie Staraci donne les premiers résultats : « Après la prise en charge, les patientes ont gagné en termes de qualité de vie. »

En revanche, les douleurs demeurent à cause des effets secondaires des traitements. Stéphanie Staraci reconnaît que les médicaments rendent les femmes plus anxieuses. Et même après, quand la patiente n’a plus d’endométriose, les douleurs persistent. Yasmine Candau souffre encore des séquelles des opérations qu’elle a subies. « J’ai toujours des douleurs. Elle sont neuropathiques [liées aux nerfs] et aussi fantômes comme si mon utérus se contractait encore ». Mais Yasmine Candau n’a plus d’utérus ni d’ovaires. Elle a dû se les faire enlever à cause du développement de la maladie.