« Occupation de la zone d’activités par les gens du voyage, la situation n’a que trop durée… ». Le titre du communiqué envoyé la semaine dernière par la municipalité de Maurepas résume bien l’exaspération du maire, Grégory Garestier (LR), face aux installations régulières de communautés des gens du voyage dans la zone Pariwest. Si le premier magistrat en appelle à l’État, le sujet est plus complexe puisque les caravanes sont sur des propriétés privées. Une situation qui n’est pas sans incidence sur l’activité économique de la zone. Du côté de la communauté des gens du voyage rencontrée par La Gazette, l’on regrette un manque de places dans les aires d’accueil de la région et pointe cette installation comme le « dernier recours ».

Dans son communiqué, Grégory Garestier rappelle avoir interpellé « par écrit le préfet des Yvelines sur la situation subie par les entreprises et commerces de la zone d’activités de Pariwest (en gestion totalement privée) chaque année à l’arrivée de l’automne : avec l’installation illicite de campements de gens du voyage sur leurs parkings ». En 2017, trois groupes s’étaient ainsi installés sur « des parkings d’entités commerciales », le premier étant arrivé le « 29 octobre 2017 pour ne se solder que le 8 mars 2018 grâce à une ordonnance d’expulsion rendue par le tribunal de grande instance de Versailles », retrace la Ville.

Et cette année, ce chiffre est en nette hausse puisque la municipalité dénombre « sept installations illicites […] depuis le 27 septembre, dont certaines quelques jours seulement après le départ du groupe précédent ». Le maire explique s’être « déjà opposé, avec le soutien de la police, par la force, à deux installations », mais précise : « Nos moyens ne nous permettent pas une surveillance permanente du territoire. »

Les membres de l’une de ces communautés des gens du voyage actuellement basés à Maurepas, celle dont le campement est situé de part et d’autre du parking du bar V and B, assurent eux avoir sillonné l’Île-de-France à la recherche d’une aire d’accueil où ils pourraient s’installer, avant d’arriver à Maurepas. « On a essayé d’aller partout, dans l’Essonne, le Val d’Oise, la Seine-et-Marne, tous les terrains sont complets, témoigne Sandra, installée avec sa famille à Pariwest depuis environ un mois, que La Gazette a rencontré ce vendredi 18 janvier. On n’aurait aucun problème à payer notre place, c’est normal […], mais les aires d’accueil sont toutes complètes. »

D’après Sandra et d’autres membres de sa famille, les aires d’accueil franciliennes seraient constamment occupées, et eux ne peuvent donc pas y prendre place. « C’est toujours les mêmes qui y sont, peste Sandra, dont la famille vient de Marseille. On aimerait des lieux où les gens s’alternent. » Cette famille précise le besoin de rester en région parisienne en raison de l’hospitalisation d’une personne âgée dans un établissement parisien, et souhaite donc rester « jusqu’à ce que le froid passe ».

« Aujourd’hui, les commerçants sont excédés face à cette situation qui perdure et ces installations illicites qui se produisent sans cesse », rapporte Grégory Garestier, maire LR de Maurepas.

Elle avance ainsi que c’est le manque de places dans la région qui les a poussés à s’installer illégalement à Pariwest, lieu qui, ils le reconnaissent, est « connu » parmi les membres de la communauté. « Partout, on nous dit d’aller plus loin, à un moment, il faut qu’on prenne les devants sinon on ne fait que rouler. Ici, c’est le dernier recours, certifie Sandra. Vous croyez qu’on serait là sinon ? On ne sait pas si on ne va pas se faire expulser le lendemain. »

Si une procédure d’expulsion et l’intervention des forces de l’ordre pourraient en effet les forcer à partir, les gens du voyage confirment à demi-mot être au fait de la difficulté légale de mettre en œuvre leur évacuation. Même si Grégory Garestier appelle l’État à « faire respecter la loi sans délais », la situation de la zone d’activités maurepasienne s’avère complexe. Le sous-préfet de Rambouillet, Michel Heuzé, souligne que pour Pariwest, « la difficulté est juridique puisque [la zone] est privée », et que la procédure de « mise en demeure ne vaut que pour le domaine public ».

« Si les enseignes concernées (propriétaires des terrains où les gens du voyage sont installés, Ndlr) ne demandent pas l’expulsion des gens du voyage, on ne peut pas les expulser », résume le représentant de l’État. Il précise qu’une seule enseigne a « récemment demandé une expulsion », accordée ensuite par le tribunal, avant une intervention. Le communiqué de Maurepas regrette que « à chaque fois, pour obtenir l’expulsion, les propriétaires doivent effectuer en justice, une procédure qui dure entre deux et trois mois ». Et de poursuivre : « Après avoir obtenu la décision de justice, il appartient encore aux propriétaires de la notifier à l’occupant sans titre et d’obtenir, le cas échéant, la mise en œuvre de l’expulsion. »

La municipalité insiste pourtant sur le fait que, de son côté, Maurepas « remplit pleinement ses obligations, puisque conformément à la loi, la Ville s’est dotée en 2012 d’une aire d’accueil de 21 places ». Cependant, comme le rappelle le maire dans son communiqué, la commune n’a plus la compétence de l’accueil des gens du voyage.

« La gestion et la construction d’aires d’accueil des gens du voyage sont désormais une compétence communautaire (Saint-Quentin-en-Yvelines manque actuellement encore d’une dizaine de places d’accueil pour respecter le schéma départemental d’accueil et d’habitat des gens du voyage 2013-2019, Ndlr) et les maires sont totalement démunis de moyens d’action face à des populations qui maîtrisent pleinement les failles et les délais de réaction offerts par notre droit », regrette Grégory Garestier.

Le sous-préfet de Rambouillet souligne que pour Pariwest, « la difficulté est juridique puisque [la zone] est privée » : ce sont donc aux propriétaires de demander l’expulsion des gens du voyage.

Confronté à une situation dont l’issue ne semble pas se profiler, le maire affiche son inquiétude pour l’économie de la zone d’activités Pariwest. « Aujourd’hui, les commerçants sont excédés face à cette situation qui perdure et ces installations illicites qui se produisent sans cesse, rapporte Grégory Garestier. En cette période de soldes, et après des semaines de mobilisation des gilets jaunes, nos commerces doivent pouvoir pleinement accueillir leur clientèle. »

Les caravanes occupent en effet de nombreuses places de parking de la zone d’activités, même si plusieurs membres de la communauté des gens du voyage attestent ne pas vouloir gêner l’économie locale. « Nous ne garons pas de caravanes devant le bar (la cave à bière V and B, Ndlr), il faut un minimum de respect », juge Sandra, dont la famille est essentiellement composée de commerçants ambulants. Mais cette bonne volonté affichée n’est semble-t-il pas forcément suffisante.

Anonymement, le gérant de l’une des enseignes de Pariwest, située non loin d’un campement, explique avoir enregistré « une baisse de trafic de 7-8 % en décembre, on le ressent encore sur janvier, même s’il est difficile de dire si c’est lié vu le contexte économique particulier ». D’après lui, « certains clients hésitent forcément à s’arrêter sur les parkings », en raison de la proximité des caravanes. « On ne peut pas rester dans cette situation, ça a malgré tout ralenti l’activité sur la fin d’année », conclut-il. « Ça n’a pas impacté notre chiffre d’affaires, mais ça ne plaisait pas aux clients, ça a fait beaucoup parler et c’était très désagréable », abonde l’employée d’un autre magasin du secteur.

Estimant que sa commune ne peut plus « servir plus longtemps de soupape de sécurité entre le Sud Yvelines et le reste de Saint-Quentin-en-Yvelines », l’édile maurepasien réitère sa « demande de tenue d’une conférence intercommunale dédiée à ce sujet afin de lutter contre ces phénomènes, sans quoi nos zones d’activités n’y survivront peut-être pas ». Une volonté de réunion qui trouve également écho du côté du sous-préfet de Rambouillet, qui en envisagerait une plutôt pour le seul secteur de Pariwest.

« Je préconise depuis un moment que la mairie, avec nous, prenne l’initiative d’une réunion regroupant toutes les enseignes pour étudier un dispositif judiciaire qui permette de répondre au plus vite, voir éventuellement aussi l’installation de mesures préventives de protection, avance Michel Heuzé, bien conscient que « ça devient difficile dans ce secteur, où les groupes se relaient ». D’après le sous-préfet de Rambouillet, il s’agirait d’organiser une rencontre qui « serait à la fois une réunion de sensibilisation de l’ensemble des enseignes touchées à Pariwest, et d’actions à déterminer ensemble ».

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