Le groupe Hachette livre va-t-il tourner la page Saint-Quentin-en-Yvelines (SQY) ? Depuis plus d’un an, est évoquée une volonté du groupe d’édition de quitter son site logistique de Maurepas-Coignières, pour disposer d’un site plus grand et modernisé. Ces rumeurs de départ commencent bien à se confirmer. Hachette vient en effet d’annoncer à ses salariés le projet de construction d’un nouveau centre de distribution à l’horizon 2026. Plusieurs syndicats nous informent qu’il serait construit dans le Sud du département, et impliquerait un départ de l’agglomération.
Cette information vient donc confirmer les craintes des maires de Coignières et Maurepas. Ils avaient publié un communiqué commun le 20 avril, dans lequel ils réaffirmaient leur attachement à la présence d’Hachette à SQY, et regrettaient de ne pas avoir eu de nouvelles du groupe d’édition depuis plusieurs mois.
Depuis les années 70, Hachette livre occupe un site de 12 hectares dans la zone de Pariwest, situé aux deux tiers à Coignières et pour un tiers à Maurepas. Sur place, le groupe d’édition opère des activités de logistique de distribution de livres. Et il s’agit de l’un des plus gros employeurs du secteur avec un effectif moyen de 500 employés, et entre 100 et 200 intérimaires en fonction des périodes, nous précise un syndicat. Mais l’entreprise souhaite désormais disposer d’un site plus grand et modernisé.
« L’année dernière, la direction est venue à notre rencontre et nous a annoncé sa volonté de se développer, dans une stratégie industrielle et économique qui évidemment les concerne, là-dessus, on n’a pas notre mot à dire, explique Grégory Garestier (DVD), maire de Maurepas. Ils nous ont fait comprendre qu’ils souhaitaient s’agrandir jusqu’à au moins une vingtaine d’hectares. »
« Le problème, c’est que nous n’avons pas, sur SQY, un terrain de 20 hectares, libre à l’heure actuelle, complète l’édile de Coignières, Didier Fischer (DVG). Donc il y a eu une réflexion de la part d’Hachette, de savoir ce qu’ils allaient faire. N’ayant pas ce terrain sur la communauté d’agglomération, l’idée a été de le chercher ailleurs évidemment. » Les deux maires, joints par téléphone suite à leur communiqué commun, sont sur la même longueur d’ondes : ils souhaitent que le groupe d’édition reste, et lui avaient donc proposé des solutions au cours d’une réunion organisée à l’automne dernier.
« Avec le maire de Coignières, on a affirmé auprès de la direction qu’on était prêts à faire bouger nos Plans locaux d’urbanisme (PLU) pour augmenter la densité et les hauteurs (sur le terrain occupé par Hachette, Ndlr) », raconte Grégory Garestier. Une manière de « gagner en hauteur ce qu’ils ne pouvaient pas gagner en extension », précise son homologue coigniérien.
Deux maires sans nouvelles d’Hachette
« Et on les a également orientés pour qu’ils puissent se renseigner sur les parcelles qui sont autour de celle sur laquelle ils sont positionnés actuellement, pour voir s’il n’y aurait pas des possibilités de rachats, de développement », poursuit le maire de Maurepas. De son côté, SQY « a essayé de trouver des terrains sur l’agglomération, mais vu la surface qu’ils cherchent, c’est assez compliqué parce que les terrains sont quand même assez rares », indique-t-il.
Sauf que depuis ces propositions, les deux maires regrettent de n’avoir eu aucun retour d’Hachette. Face à cette incertitude, et suite à des informations obtenues de syndicats sur l’avancement du projet de départ, Grégory Garestier et Didier Fischer ont décidé de prendre publiquement la parole dans un communiqué commun envoyé le 20 avril.
« À l’heure où plane avec de plus en plus de persistance la rumeur d’un possible départ du groupe de ses locaux historiques de la zone d’activités de Pariwest, les maires des communes de Maurepas et de Coignières, sur lesquelles est implanté ce site, tiennent à rappeler leur attachement à la présence de cette plateforme logistique », écrivaient-ils ainsi, dans l’attente d’un retour d’Hachette, avec qui ils ont finalement obtenu un rendez-vous cette semaine.
Mais quelques jours après ce communiqué, leur crainte s’est bien avérée. Plusieurs membres syndicaux nous ont en effet confirmé qu’Hachette a déclaré aux salariés, le lundi 3 mai, avoir trouvé un terrain pour déménager. « Ils nous ont annoncé le site : Allainville, relate un représentant syndical. Pour eux, c’est bon, ils ont trouvé le terrain, mais il n’y a rien de signé encore. »
L’entreprise partirait donc à Allainville, une petite commune de l’extrémité Sud des Yvelines, à quelques kilomètres de la jonction entre l’A10 et l’A11… mais à une quarantaine de kilomètres de Maurepas. Un terrain sur lequel serait construit un bâtiment neuf d’un seul niveau de 25 mètres de hauteur. Le déménagement serait prévu pour « se faire petit à petit » d’ici 2026, nous indique un syndicaliste d’Hachette à Maurepas.
Sollicité par La Gazette, le groupe Hachette livre nous a confirmé « l’annonce aux partenaires sociaux et aux salariés de Maurepas d’un projet de construction d’un nouveau centre de distribution, plus moderne, à l’horizon 2026 ». « Le projet va faire l’objet de plusieurs procédures de consultation des instances représentatives du personnel, conformément à la loi et dans le respect du dialogue social, auquel le groupe est attaché », ajoute le mail d’Hachette, qui assure de son côté que « de nombreuses rencontres ont eu lieu avec les élus locaux et sont programmées ». Au regard de ces procédures, le groupe d’édition conclut donc n’avoir « à ce stade, d’autres informations à partager », et ne nous confirme donc pas un départ pour Allainville.
L’annonce faite aux salariés est en tout cas parvenue aux deux édiles. « J’ai appris, par les syndicats, qu’une réunion avec les représentants du personnel avait eu lieu, où la direction de l’entreprise a annoncé officiellement qu’ils allaient partir, et ils ont confirmé que le point de chute était bien Allainville », rapporte Didier Fischer, qui était toujours dans l’attente d’une confirmation officielle d’Hachette en milieu de semaine dernière.
Maurepas et Coiginères « opposées » à ce déménagement
« Nous, on est totalement opposés, évidemment, à ce déménagement, ajoute-t-il. Pour nos villes, le départ d’Hachette serait une grosse perte. » Par ailleurs, les deux maires rappellent « que toute aspiration de spéculation foncière doit être écartée » concernant le site actuel d’Hachette à Maurepas-Coignières, « puisque, quoi qu’il se passe, les terrains concernés garderont une vocation d’activité commerciale ou industrielle ». Et ne pourraient donc pas laisser place à du logement.
Si, de son côté, Grégory Garestier continue d’espérer « qu’ils vont pouvoir garder l’activité sur Maurepas et Coignières », le communiqué des deux maires estimait en tout cas que « ce type de décision (de déménagement, Ndlr) ne peut être guidé par la seule vision industrielle, il est essentiel d’intégrer dans la réflexion l’attachement des familles à leur cadre de vie ».
Ils font ici référence aux salariés du site de Maurepas-Coignières, dont une grande majorité vivent à Saint-Quentin-en-Yvelines, qui seraient obligés de parcourir de nombreux kilomètres en cas de départ pour le Sud-Yvelines. « Il n’y a pas de transport en commun existant dans le secteur [d’Allainville], donc les employés qui venaient en transports en commun, par la gare de La Verrière notamment, n’auront pas cette possibilité-là là-bas, note Didier Fischer. On est obligé d’utiliser la voiture pour aller sur Allainville. » Il parle de « non-sens écologique », d’autant que le terrain prévu à Allainville serait actuellement « de la terre agricole ».
La crainte concernant le temps de trajet est aussi partagée par les syndicats. « Au niveau social, c’est compliqué quand vous déménagez sur une distance comme celle-là », souligne l’un d’eux. Les syndicats avec qui La Gazette a pu échanger la semaine dernière ne s’affichent pas contre une modernisation de l’outil industriel mais s’inquiètent donc plutôt pour les salariés. « On a conscience qu’on a un outil qui est quand même très ancien, pour travailler ça devient difficile, et il y a une demande du livre qui est assez importante, mais c’est la façon dont les choses vont se faire…, souligne un représentant syndical. Sachant qu’à la base notre ancien PDG nous avait assuré que ce serait à proximité de Maurepas, sauf que là, la proximité… Après, ils disent qu’ils n’ont pas trouvé, qu’ils ont fait des recherches, on veut bien les croire, mais bon. »
Ce représentant syndical souhaite en tout cas « des mesures d’accompagnement pour les salariés, que ce soit au niveau du trajet, financier pour l’achat d’un véhicule, pour la garde d’enfant, ou autre ». Il ajoute que les employés s’inquiètent de ce départ, et qu’il faut donc également « suivre les risques psychosociaux ». Concernant les effectifs, les salariés se seraient vu assurer que le départ de SQY n’aurait pas d’impact. « Sauf qu’on émet quand même un doute, dans le sens où, quand on modernise, en général, c’est jamais pour garder le même effectif », estime un syndicaliste.
« Si on part sur un centre ultra-moderne mécanisé, ça peut être des effectifs divisés par deux », abonde un autre. Ce dernier garde cependant une certaine prudence sur le projet de déménagement. « C’est à un horizon plus ou moins lointain, et il peut se passer plein de choses », nuance-t-il, en référence à la « bataille boursière » qui a lieu depuis plusieurs semaines au sommet d’Hachette.