La 42e édition de la Ryder cup vient de se terminer au Golf national de Saint-Quentin-en-Yvelines. Depuis l’obtention de la compétition en 2011, une première en France, l’agglomération a multiplié la communication pour promouvoir ce sport auprès des Saint-quentinois. Mais alors que cette compétition est le troisième événement sportif au monde avec un milliard de téléspectateurs, derrière la Coupe du monde de football et les Jeux olympiques, le golf attise peu les passions en France. Alors pourquoi une telle émulation des amateurs de la petite balle blanche pour la Ryder cup et d’un autre côté ce manque d’intérêt de la part des non-initiés ?
Dès le premier jour d’entraînement, le mardi 25 septembre, les passionnés sont déjà en nombre au Golf national, où 300 000 personnes étaient attendues pendant la semaine. Avec des spectateurs venus des quatre coins du globe, de nombreuses langues étrangères s’entremêlent dans la foule, malgré une prédominance de l’anglais et du français. Quand on leur demande ce qui rend si spéciale la Ryder cup, qu’ils soient Français, Anglais ou Américains, tous mentionnent le soutien d’une équipe dans un sport habituellement individuel.
« Il y a une connexion nationale [pendant cette compétition], apprécie Brian, venu des États-Unis avec un ami pour assister à leur première Ryder cup sur le Vieux continent. C’est plus communautaire : les Européens viennent de différents pays, mais ici, ils supportent une seule équipe, les Américains viennent de différents États, mais forment une seule équipe. » Complété par Torry, de Floride : « Je suis allé à beaucoup de compétitions de golf, mais rien ne bat la Ryder cup. » En effet, les tribunes sont rythmées par les supporters criant « Europe » ou « USA », bien qu’acquises majoritairement à la cause européenne.
L’argument est le même dans la bouche des supporters européens, à l’image de Stéphane, Patrice, Yvan et Didier, quatre amis bretons du même club de golf, affublés de costumes aux couleurs du drapeau européen. « C’est exceptionnel, la Ryder cup rassemble la crème de la crème, sourit Stéphane, qui, comme ses amis, a acheté sa place pour la semaine il y a plus d’un an. On y retrouve le golf, mais aussi le sport d’équipe. Ça n’a rien à voir avec les opens où on va suivre un ou deux joueurs, là on supporte une équipe ! »
Mais en dehors des passionnés rencontrés sur les terrains du Golf national, beaucoup de Saint-quentinois ne cachent pas leur manque d’intérêt pour la Ryder cup. Un sondage réalisé par Odoxa pour RTL et Groupama révélait même que seuls 19 % des Français comptaient suivre la compétition, et ce malgré l’importance de l’événement. Alors que la France a été la capitale du golf pendant toute la semaine dernière, de nombreux médias ont donc logiquement cherché à savoir pourquoi ce sport ne prenait pas dans l’Hexagone.
La plupart se mettent d’accord sur les mêmes arguments : l’image élitiste dont pâtit le golf, le manque de greens dans les grands centres urbains, et l’absence d’une star française de haut niveau. Avec une grande déception de n’avoir aucun tricolore présent parmi l’équipe européenne de la Ryder cup, qui selon plusieurs spécialistes aurait permis de capter l’attention de non-initiés. Cette absence de français est d’ailleurs le principal regret de Nelson Monfort, le célèbre journaliste sportif, rencontré dans les travées de l’immense centre média.
« Moi, ce que j’aurais aimé, c’est qu’il y ait des Français sur le terrain, confie-t-il, en grand amateur de la petite balle blanche. C’est ça le problème, on passe à côté d’un joli moment. » Quant au manque de popularité de ce sport en France, il ne se l’explique pas mais espère que la Ryder cup aura son effet. « Je pense que c’est le plus grand événement organisé en France depuis le Mondial 98, estime Nelson Monfort, reconnaissant que la France n’a pas encore la culture golfique. J’espère que cette semaine va pouvoir permettre de changer ça. De montrer que c’est un véritable sport, qui en plus bénéficie de l’aura d’une star mondiale. »
Le journaliste sportif fait référence à la présence, confirmée au dernier moment, de l’incontournable Tiger Woods, dont la participation est sur toutes les lèvres au Golf national. De l’autre côté de l’Atlantique, le récent retour du Tigre au plus haut niveau après une période à vide, a assurément boosté l’audience de la Ryder cup d’après Karen Crouse, journaliste spécialiste du golf au New York Times. « Normalement, aux États-Unis, ce n’est pas le plus gros événement sportif du week-end vu que c’est le début de la saison de football américain, explique en anglais Karen Crouse, en train de rédiger un article sur la compétition. Mais cette année, c’est exceptionnel parce que Tiger Woods joue. »
La journaliste du New York Times, où elle travaille depuis 2005, estime que le golf est un « sport de niche » aux États-Unis, suivi habituellement par les « fans de golf », ce qui représente déjà un très grand nombre de spectateurs. « Mais Tiger ramène des gens qui ne suivent pas forcément le golf ou même le sport. Son retour est captivant, insiste Karen Crouse, s’appuyant sur le nombre de clics en hausse sur ses articles mis en ligne évoquant la star américaine. Les gens aiment les comebacks, ils aimaient son excellence, sa domination… La différence, maintenant, est qu’ils apprécient aussi son humanité. Cette édition va attirer beaucoup plus de gens. »
En témoigne le nombre important de spectateurs venus pour le premier entraînement de Tiger Woods au Golf national, partie qui ne suscite habituellement pas un grand intérêt. Reste à savoir si la Fédération française de golf, qui compte pourtant plus de licenciés que le rugby ou le cyclisme, bénéficiera de cette première Ryder cup française pour gagner des adeptes. « On espère que les français vont désormais voir le golf d’un autre œil et qu’il va se démocratiser, pour que les jeunes prennent la relève », souhaite un passionné tricolore.
Golf national : « Le parcours est incroyable »
Pour accueillir la Ryder cup, le parcours de l’Albatros du Golf national a eu droit à un véritable lifting, débuté en 2016. Outre les imposantes tribunes provisoires permettant de suivre la compétition, trois trous ont été redessinés, 43 bunkers remodelés et 10 000 m² de plateformes ont été créés, entre autres. Au total, 7,5 millions d’euros ont été investis. Pour le plus grand bonheur des spectateurs venus assister à la Ryder cup, qui ne tarissent pas d’éloges pour le golf saint-quentinois.
« Le parcours est incroyable », s’accorde à dire l’ensemble des supporters. Les américains n’hésitent pas à comparer le Golf national à leurs plus beaux golfs. « J’ai vu peu de parcours de golf offrant de meilleures conditions que celui-là », témoigne par exemple Richard et Wenny, venus de Californie pour l’occasion. Pour les habitués des compétitions golfiques, l’un des avantages du Golf national est la vue offerte.
« Il y a deux ans aux États-Unis, le golf était plat et c’était difficile de voir derrière les nombreux spectateurs, se rappelle Stéphane, venu de Bretagne avec des amis golfeurs. Et là, on voit bien de partout ! » Il fait référence aux tribunes et à l’inclinaison du terrain autour des départs de trou. Seuls bémols relevés par plusieurs, les nombreux détritus qui jonchaient plusieurs points de vue, essentiellement des canettes de bière que certains ne prenaient pas la peine de mettre à la poubelle.