Les évènements se sont succédés, jeudi 23 août dans la matinée, alors que les Français apprenaient qu’un Trappiste de 36 ans, Kamel S, avait assassiné sa sœur et sa mère à l’aide d’un couteau avant d’être abattu par la police. Malgré un fichage de l’assaillant pour apologie du terrorisme, c’est la piste du drame familial qui semble se profiler. Selon une source proche du dossier, il est 9 h 30 ce jour-là, lorsque la police nationale est prévenue par de nombreux appels au 17 de la présence de deux personnes décédées par arme blanche sur le trottoir, rue Camille Claudel. Les agents sont dépêchés sur place, pour découvrir dans un jardin privatif de la rue le corps sans vie d’une femme, la sœur de l’assaillant, ainsi qu’une passante grièvement blessée, toutes deux victimes de coups de couteau.

L’auteur de l’acte, Kamel S, s’est pour sa part retranché dans le pavillon attenant au jardin, en compagnie d’une troisième victime. Les policiers entreprennent alors de définir un périmètre de sécurité rue Camille Claudel, vite élargi à la rue Hector Berlioz et à la Rue Balzac. Mesure de sécurité supplémentaire, une dizaine d’enfants présents dans le centre aéré Michel de Montaigne, à proximité des lieux des crimes, sont évacués et confinés dans un gymnase. Sur Facebook, le centre islamique, culturel et éducatif de la ville informe pour sa part que l’accès par véhicule à la mosquée de l’Union des musulmans de Trappes est rendu impossible par le périmètre de sécurité.

Aux alentours de 10 h 30, le suspect sort du pavillon avec à la main un couteau, avec lequel il menace les policiers en faction devant chez lui. Selon une source policière, Kamel S aurait crié « Allah Akbar » (Dieu est le plus grand en arabe, Ndlr), expression reprise à son compte par l’organisation terroriste Daesh, et refusé de répondre aux injonctions des policiers qui tirent alors deux fois, le touchant mortellement à la tête et à l’épaule. La police progresse par la suite vers le pavillon, où est découvert le corps sans vie de la mère de l’assaillant, elle aussi tuée par arme blanche. Une cellule psychologique est mise en place par les autorités pour certains policiers choqués après avoir pris part à l’opération.

L’assaillant a poignardé à mort sa mère et sa sœur, et grièvement blessé une passante.

Peu avant 11 h ce jour-là, rue Camille Claudel, de nombreux riverains sont déjà regroupés autour du périmètre de sécurité. La nouvelle des assassinats ayant filtré, les habitants paraissent sonnés : « C’est incroyable, c’est le pire, estime Rachid, 77 ans, qui habite le quartier. C’est un quartier tranquille ici normalement, on s’attendait pas à ça ». Sa surprise est partagée par un cycliste en route pour son travail, qui s’est vu bloqué par le périmètre de sécurité : « Quoi, ici, à Trappes ? lance-t-il, étonné. On est plus en sécurité nulle part, on a peur pour nos enfants maintenant. »

Plus loin, un voisin lance, ironique, « Et il fallait que ça arrive ici ». Car si le sentiment d’insécurité fait surface, beaucoup, comme lui, s’inquiètent également de ces évènements qui ternissent la réputation de leur ville, déjà marquée par d’autres drames d’ampleur nationale ces dernières années. Maelysse, 16 ans, abonde en ce sens : « Mes potes ne voulaient déjà pas venir dormir chez moi à cause du quartier, mais alors là… ». Sa phrase est interrompue par le bruit d’un hélicoptère du SAMU qui décolle juste à côté, emportant la passante blessée.

Suite à la revendication jeudi matin de l’attaque par Daesh, qui a salué le geste de l’assassin dans un message diffusé par son agence de propagande Amaq, les rumeurs qualifiant ces assassinats d’actes terroristes sont allées bon train parmi les riverains et sur les réseaux sociaux. Il faut cependant attendre la prise de parole du ministre de l’Intérieur Gérard Colomb, peu après midi, pour en savoir plus sur la situation.

« Il apparaît que le criminel avait des problèmes psychiatriques importants, a expliqué le ministre. C’était plutôt un côté de déséquilibres […] que quelqu’un d’engagé qui pourrait répondre aux ordres d’organisations terroristes et de Daesh en particulier. » La tragédie qui a secoué Trappes jeudi serait donc un acte isolé plus proche du drame familial que de l’acte terroriste même si, comme l’a précisé le ministre par la suite, Kamel S était fiché au FSPRT, Fichier des signalements pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste, suite à des menaces proférées en 2016.

La théorie d’un conflit familial est étayée par les proches et les voisins de Kamel S, contactés par La Gazette de Saint-Quentin-en-Yvelines. « On pouvait comprendre qu’ils [la famille, Ndlr] avaient des problèmes entre eux, on entendait parfois des cris, raconte ainsi une voisine. Mais sinon c’était des gens très discrets, voire un peu solitaires. La mère faisait ses courses seule, ils ne se mélangeaient pas avec le voisinage. Lui, on a commencé à le voir dans le coin il y a deux ans. » Selon des sources du Parisien, cette date correspondrait à celle où le suspect s’est séparé de sa femme et est venu vivre chez sa mère, à qui appartient le pavillon rue Camille Claudel.

A l’image de sa famille, Kamel S est décrit par la voisine comme un homme « très discret » et « poli ». Et de conclure : « On aurait jamais pensé qu’il puisse faire ça, jamais ». Cet étonnement est partagé par certains de ses proches. « Je connaissais Kamel, raconte un de ses amis, il était très loin de tout ce qui était religion ». Il reconnaît cependant que son copain « a vraiment changé le jour ou il s’est séparé de sa femme. Je pense qu’il ne voyait pas beaucoup ses enfants. » Un autre renchérit : « C’était quelqu’un de bien. Je ne le reconnais pas dans les actes qu’il a commis. »

Selon Gérard Colomb, le parquet de Versailles a lancé une enquête pour assassinat. Le parquet antiterroriste de Paris ne s’est pas saisi de l’affaire. La préfecture des Yvelines a pour sa part mis en place un dispositif de prise en charge médico-psychologique, à destination des personnes touchées par l’attaque, parmi lesquelles figurent les voisins ou les proches. La passante blessée, âgée de 66 ans, pourrait s’en sortir, « aucun organe vital [n’ayant] été touché » selon une source du Parisien.

De nombreuses réactions après l’attaque

Suite à la tuerie qui s’est produite rue Camille Claudel jeudi 23 août dans la matinée, de nombreux politiques ont tenu à présenter leur soutien aux familles des victimes et à saluer les efforts des équipes de la police et du RAID, arrivées sur place aux alentours de 9 h 30 ce jour-là. Le Maire de la ville, Guy Malandain (DVG), a ainsi loué dans un communiqué « le courage, la réactivité et le grand professionnalisme des différents services de police ». Les services municipaux ont également condamné un « acte odieux, contraire à l’esprit de fraternité présent à Trappes-en-Yvelines. »

Sur Twitter, le président de l’agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines Jean-Michel Fourgous (DVG) a exprimé le souhait que « la lumière [soit] faite sur cette agression mortelle et les réelles motivations de l’assaillant » et présenté ses condoléances. Il est rejoint par les conseillers départementaux de Trappes Nicolas Dainville (LR) et Anne Capiaux (LR), qui ont jeudi rédigé une tribune exprimant leur volonté de voir l’état lutter à Trappes contre « la menace de la radicalisation islamiste ».

La députée LREM de Trappes, Nadia Hai a accompagné sur Twitter ses pensées aux victimes d’une réponse directe à Marine Le Pen, qui a jeudi érigé Trappes en « symbole de ces villes et quartiers où la République française a reculé pour laisser la place au communautarisme et à l’islamisme ». « Je vous ferais volontiers visiter Trappes si vous n’étiez pas animée par l’obscurantisme qui vous caractérise tant… » a ainsi tweeté la députée.