La situation ne cesse de se tendre entre l’Étoile sportive des cheminots de Trappes-Saint-Quentin-en-Yvelines (ESCTSQY) et la mairie. Le conflit, déjà perceptible depuis plusieurs années, a pris une tournure supplémentaire au cours des dernières semaines, avec un des principaux éléments déclencheurs survenu le 11 mars dernier, lorsque le club avait annoncé suspendre temporairement ses entraînements (pendant quatre jours) « afin de minimiser l’aggravation de notre découvert », explique l’ESCTSQY, dans l’attente du versement d’une subvention municipale.

Le maire de Trappes, Ali Rabeh (Génération.s) a, lors du conseil municipal du 2 avril (un conseil sous tension en présence de membres du club, notamment le président Jacques Michelet et le trésorier et manager général Nacer Belgacem), dénoncé une « annonce unilatérale, brutale » de la part des dirigeants du club. Il rappelle que la Ville a pendant des années versé 100 000 euros par an de subvention dans le cadre d’une convention triennale, convention qu’il affirme avoir tenu à mettre en place lorsqu’il était adjoint aux sports à la demande du club de basket, et ce « car le club de basket avait des difficultés financières majeures ».

Car d’après le maire, le club est endetté. Ainsi, la dernière subvention, votée en décembre, s’élève à moins de la moitié de ce dont le club bénéficiait les années précédentes (48 000 euros). Pour l’instant, seulement 24 000 euros ont été versés, dont « deux-tiers ont été ponctionnés par le fisc, car vous avez des dettes », a précisé Ali Rabeh.

Un point réfuté par Jacques Michelet, qui a pu s’exprimer à la fin du conseil municipal « En 2013, l’équipe de direction actuelle du club a repris la gestion. […], avec plus de 250 000 euros de fonds propres négatifs […]. Nos subventions ont d’autre part, à cette occasion, été divisées par deux. Elles sont passées de 182 000 euros à 100 000 euros pour la municipalité, et de 101 000 à 33 000 euros pour SQY. Le moins que l’on puisse dire, c’est que nous n’avons pas été aidés financièrement par nos services publics. Mais non seulement ce club a survécu, mais nous avons réussi à éponger la dette de l’équipe antérieure dès la fin 2018 », a assuré le président de l’ESCTSQY, rappelant aussi que le club est passé de 135 licenciés en 2019 à 363 en 2023. Le club a aussi tenu à préciser qu’Ali Rabeh n’est pas à l’origine de la convention triennale, publiant sur ses réseaux sociaux et nous faisant parvenir un document attestant que celle-ci a été mise en place en 2010, et renouvelée.

Jacques Michelet demande « au moins que nous n’ayons pas une diminution » de la subvention. Mais Ali Rabeh juge le club sursubventionné et rappelle que les communes financent le sport pour tous, alors que le sport de haut niveau est une compétence de SQY (qui versait ces dernières années une subvention annuelle de 15 000 euros au club). « Le haut niveau commence (en) N1 (l’équipe fanion du club évolue en N3, Ndlr). On n’est pas considéré comme de haut niveau, on est des semi-pros », avance Nacer Belgacem.

Autre aspect, considéré comme  « la goutte d’eau qui fait déborder le vase » par Ali Rabeh : les nombreux problèmes comportementaux au sein du club selon lui. « Nous n’avons pas à tolérer une direction qui utilise la menace, la violence, l’agressivité, vis-à-vis de nos agents, d’autres joueurs et d’entraîneurs, précise-t-il, visant notamment Nacer Belgacem dans ses accusations. Je n’ai pas à tolérer d’avoir des fiches incidents de la part d’agents, totalement différents, qui n’ont rien à voir les uns avec les autres, qui ne se connaissent même pas et qui nous signalent des attitudes violentes et agressives de la part d’un dirigeant majeur du club. »

« C’est faux, a crié le manager général dans la salle du conseil. C’est de la diffamation (l’ESCTSQY avait d’ailleurs déjà déposé plainte contre le maire le 20 mars, suite à une lettre publiée par ce dernier sur les réseaux sociaux, Ndlr). Si c’était vrai (les accusations du maire, Ndlr), les institutions fédérales nous auraient suspendus. »

Quel avenir pour le club ? 

Ali Rabeh évoque aussi des incidents lors d’un match de l’équipe U20 de Trappes à Jouy-en-Josas, fin mars, affirmant avoir reçu un courrier de la part de la maire de Jouy-en-Josas, Marie-Hélène Aubert, « qui fait état de violences, de bagarre générale engagée, avec des attitudes inacceptables, y compris d’entraîneurs du club », rapporte-t-il. Le club reconnaît « une échauffourée » lors de cette rencontre mais assure avoir pris des mesures disciplinaires envers les personnes impliquées. Nacer Belgacem nous livre sa version. « Oui, il y a eu une bagarre. Il n’y a pas eu de blessés, pas de plainte, mais une de nos supportrices s’est faite agresser par le coach adverse, elle a pris un coup de poing. […] Nos gamins ont déconné, ils en sont venus aux mains […]. On a suspendu nos gamins qui ont fait ça, on les a retirés des championnats , explique-t-il, avant de se plaindre de l’arbitrage de la rencontre : Il y a eu 36 fautes à 14 [contre Trappes]. Comment c’est possible ? »

Concernant le comportement vis-à-vis des agents de la Ville, le manager général évoque surtout des accrochages verbaux et accuse la mairie d’avoir orchestré ces événements, donnant l’exemple de l’un d’eux: « On faisait un shooting de [l’équipe N3]. À la fin, on reste discuter avec un agent qui est un ancien basketteur. Il y a le responsable de l’agent qui arrive et qui se met à me crier dessus. Moi, je le remets en place, je lui dis ‘‘Mais pour qui tu te prends ? Tu vas te calmer !’’. […] C’était téléguidé. […] Leur agent a été débouté. »

Autre point critique : la question des locaux du club. Sommée par la municipalité de quitter ses bureaux de la Maison des sports pour s’installer dans d’autres locaux de la Ville, l’ESCTSQY a refusé en demandant « en plus de vous donner encore plus d’espace, et vous avez fini par, sous l’injection de notre avocat, vous plier à ce que nous vous demandions, causant un préjudice considérable pour la ville de Trappes, vous maintenant dans les lieux sans convention et sans droit ni titre », a raconté Ali Rabeh, estimant qu’il serait en droit « de ponctionner 13 600 euros au titre d’occupation du domaine public sur les périodes sur lesquelles vous avez squatté un bâtiment public ».

« On avait à l’époque 50 m². Du jour au lendemain, il nous demande de partir, mais pour aller où? Donc on va visiter un local de 20 m² où il n’y a rien […]. On apprend en février 2023 que le maire veut qu’on quitte nos locaux. On dit ok, mais on aimerait bien avoir 50 m² voire plus. […] Ça nous a été refusé, il nous a envoyé la police municipale pour qu’on quitte notre local [en décembre dernier]. » Le club est finalement allé dans le local de 20 m² « et on s’est retrouvés dans l’embarras, sans plus de zone de stockage, rien ».

Dans cette situation, le club peut-il craindre pour son avenir ? Le maire semble en tout cas brandir la menace de la création d’un 2e club : « Le basket vit et vivra, les adhérents pourront continuer à pratiquer le basket dès la prochaine saison sportive, nous y travaillons de façon efficace et productive, et ça se fera avec des gens sérieux et responsables. » Nacer Belgacem, lui, se montre confiant et déterminé : « Il est hors de question que le club s’agenouille devant quiconque. […] Monsieur Rabeh pourra nous salir tant qu’il veut, la ville nous connaît. » À noter que SQY a, lors de son dernier conseil communautaire, le 28 mars, reporté le vote de sa subvention au club, le temps de faire la lumière sur certains points.

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