La décision était attendue, elle est désormais définitive : les Trappistes sont rappelés aux urnes. Le 18 août, le Conseil d’État a confirmé l’annulation de l’élection d’Ali Rabeh (Génération.s), lui reprochant un manquement aux règles du Code électoral. Ce dernier n’a cependant pas été déclaré inéligible et pourra donc être de nouveau candidat. Ses opposants se préparent également pour le scrutin prévu les 10 et 17 octobre.

Le Conseil d’État a donc mis un point final à de longs mois de processus judiciaire et administratif, qui avait commencé en décembre 2020 par l’invalidation des comptes de campagne d’Ali Rabeh par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP). En février, le tribunal administratif avait ensuite annulé les élections et déclaré Ali Rabeh inéligible pendant un an. Ce dernier avait fait appel et conservait donc son poste jusqu’à ce que le Conseil d’État tranche définitivement l’affaire.

Concrètement, le Conseil d’État a rendu deux décisions le 18 août. La première vient confirmer l’annulation des élections municipales de Trappes suite au recours d’Othman Nasrou (Libres), élu d’opposition arrivé deuxième au second tour l’an dernier. Il est reproché à Ali Rabeh d’avoir bénéficié de la distribution gratuite de masques, réalisée par son association Cœur de Trappes entre les deux tours.

La sincérité du scrutin a été « altérée »

15 000 masques réutilisables avaient été distribués par lots, dont 800 des 4 000 notices d’utilisation comportaient la photo d’Ali Rabeh, « en sa qualité de président de l’association, identique à celle utilisée sur ses documents et affiches de propagande électorale », note la décision du Conseil d’État, mentionnant aussi la distribution de kits pédagogiques. Des actions qui n’ont pas été intégrées dans son compte de campagne.

Le Conseil d’État a jugé que cette distribution « associée au nom et à l’image de campagne du candidat », et cela entre les deux tours alors que les masques manquaient partout, « a permis d’assurer la promotion de la candidature de M. Rabeh ». Et d’ajouter que, « compte tenu de l’écart de 161 voix séparant les deux listes arrivées en tête du second tour », cette « irrégularité est de nature » à « avoir altéré la sincérité du scrutin ».

L’inéligibilité d’un an pour Ali Rabeh, prononcée par le tribunal administratif en février suite à sa saisie par la CNCCFP, a par contre été annulée par le Conseil d’État. Ce dernier juge que le compte de campagne du candidat n’aurait pas dû être rejeté – au regard du faible montant qu’auraient pesé les distributions dans ses comptes de campagne – et décide que l’État remboursera bien ses dépenses électorales.

Ali Rabeh pourra donc se représenter et il a annoncé sa candidature dès le 18 août sur les réseaux sociaux, affichant la volonté de « défendre le bilan de [son] équipe depuis un an, en pleine crise sanitaire, et continuer sur la même voie pour les cinq prochaines années ».

Auprès de 78actu, il s’est dit « rassuré » que le Conseil d’État « désavoue la décision du tribunal administratif de Versailles ». L’ex-maire a avancé qu’il « n’y a pas de malhonnêteté » de sa part et que ce sont des bénévoles qui ont confectionné les masques qu’il n’a « pas fait payer […] aux contribuables » : « Le Conseil d’État reconnaît ma bonne foi, et valide mes comptes de campagne. »

« Les juges considèrent que c’est aux Trappistes de trancher en votant de nouveau et je m’en réjouis, a également déclaré, à l’AFP, Ali Rabeh, conforté par les résultats des élections départementales qui l’avaient largement placé en tête à Trappes. Cela va me donner l’opportunité de clarifier le jeu politique, alors que mes adversaires ont voulu encombrer les tribunaux avec des procédures judiciaires. »

De leur côté, les chefs de file de l’opposition ont rapidement réagi à la décision rendue le 18 août. « Le Conseil d’État a confirmé une chose : c’est qu’Ali Rabeh a triché, donc son élection a été annulée par la justice, insiste Othman Nasrou, accusant son adversaire de « clientélisme ». Ce jugement illustre une manière de faire de la politique et une manière de diriger une ville qui est préoccupante. »

Othman Nasrou a d’ailleurs officiellement confirmé mercredi dernier qu’il serait bien candidat. « J’ai attendu parce que je voulais être certain que j’étais en capacité de porter un rassemblement large comme en 2020 », explique-t-il, alors qu’il reformera son ticket avec Mustapha Larbaoui (SE). Estimant que « rien n’a avancé à Trappes en un an sur tous les dossiers importants », Othman Nasrou « appelle tous les Trappistes » de « la droite républicaine à la gauche républicaine » à le rejoindre « pour barrer la route d’Ali Rabeh ». La campagne s’annonce déjà tendue entre les deux hommes.

Guy Malandain (DVG), l’ancien maire défait l’an dernier, se satisfait aussi de la décision du Conseil d’État. « À partir du moment où il y a non-respect des règles de droit, il y a ce qu’on appelle une tricherie, et c’est normal que le Conseil d’État apporte la sanction, avance celui qui a été à la tête de la commune pendant une vingtaine d’années. Il faut redemander aux électeurs leur opinion après ça. »

Guy Malandain et son équipe ont commencé à s’organiser pour le scrutin à venir. Quant à savoir s’il sera ou non candidat, il nous répond y réfléchir « fortement », mais précise qu’il lui faut « un petit peu de temps de réflexion ». À l’heure actuelle, trois candidats sont officiellement déclarés : Ali Rabeh, Othman Nasrou, ainsi que Robert Nagarettiname (SE), qui avait été candidat aux départementales dans le canton. La France insoumise de Trappes doit, elle, se réunir dans les prochains jours pour désigner « des chefs de file, qui ne seront pas nécessairement candidats », qui iront « négocier avec les parties prenantes » avec le souhait « qu’émerge une candidature d’union populaire, de transformation sociale et écologique ».

La liste complète devrait rapidement être connue, vu que le scrutin se tiendra les 10 et 17 octobre. En attendant, une délégation spéciale a été nommée par le préfet pour gérer les affaires courantes de la ville en l’absence de conseil municipal. Elle est présidée par Michel Pons, l’ancien maire de Villennes-sur-Seine, entouré d’un directeur de préfecture à la retraite et du vice-président du tribunal judiciaire de Versailles.