Le Département des Yvelines avait déjà alerté sur les difficultés financières qui pointaient à l’horizon, cette fois-ci, c’est du concret. Dans une longue lettre adressée le 4 janvier dernier aux maires des 259 communes yvelinoises, Pierre Bédier (LR), le président du conseil départemental est revenu sur les « contraintes budgétaires qui vont impacter nos finances dans les mois et années à venir » et « auront en effet une répercussion inévitable sur notre capacité d’investissement pour les deux ou trois prochaines années ».

140 millions d’euros de pertes de recette

Une situation que le président Bédier explique par la « chute vertigineuse des transactions immobilières qui nourrissent notre seule fiscalité se traduit pour le Département, dès cette année, par une perte de recettes de fonctionnement de près de 140 millions d’euros, soit 12 % de nos ressources totales, et ceci sans réelle perspective de redressement à court terme. Vous connaissez la réalité de nos dépenses de fonctionnement, qui sont, dans les Yvelines, les plus faibles de France rapportées au nombre d’habitants et qui sont, pour une très large part, incompressibles et contraintes ».

D’autant que depuis la réforme de la taxe d’habitation puis sa suppression, les Départements n’ont plus d’impôts directs dont ils pourraient relever les taux pour « surmonter cette crise ». Les départements doivent donc agir sur leurs dépenses, dont plus de 50 % sont sociales comme le rappelle le président Bédier « d’ailleurs compensées imparfaitement » et donc le budget des Yvelines est « extrêmement contraint, c’est-à-dire engagé obligatoirement à plus de 70 % ».

Dans une lettre adressé aux communes, Pierre Bédier, le président du Département, fait état des « contraintes budgétaires qui vont impacter nos finances dans les mois et années à venir ».

La décision a donc été prise par le département des Yvelines de réaliser « un plan d’économie drastique, qui se poursuivra en 2024. Malgré cela, nous verrons notre épargne brute chuter de près de 60 % dès la fin de cette année et probablement de 50 % l’année prochaine malgré les efforts engagés pour la restaurer ».

Et Pierre Bédier de poursuivre dans le courrier adressé aux maires : « Le conseil départemental, qui avait fait le choix de faire profiter au maximum le bloc communal de notre capacité d’investissement en multipliant par quatre le montant de nos aides en l’espace de six ans, ne pourra pas, hélas, maintenir un tel effort dans les années qui viennent. Tous les scenarios seront étudiés par l’assemblée départementale : depuis l’abandon des financements de projets votés mais non engagés à ce jour, en passant par une baisse drastique de nos dispositifs de droit commun récemment renouvelés pour 2023 – 2026 (programme VRD, contrats d’aide aux communes…), jusqu’à la décision de faire de 2024 une année blanche en matière d’engagements nouveaux.Il me paraît indispensable de vous informer de ces éléments dès à présent, afin que vous puissiez anticiper cette situation pénible, douloureuse, mais inévitable. »

Au travers de l’Association des Départements d’Île-de-France (Adif), récemment créée, le département des Yvelines a interpellé le Gouvernement, largement « responsable de cette équation impossible à laquelle les Départements sont confrontés. Mais, compte tenu de la situation calamiteuse des finances de l’État, j’ai hélas assez peu d’espoir que le salut vienne de là… », souligne Pierre Bédier.

Une motion soutenant cette démarche a été transmise à tous les conseils municipaux pour « retrouver des capacités d’investissement ». « Le Département est et veut demeurer le principal partenaire du bloc local : seule une réforme de la fiscalité locale permettra de maintenir ce lien indéfectible qui unit les deux collectivités les plus anciennes de France, à savoir les communes et les départements », conclut le président Bédier.

Nombre de communes ont d’ores et déjà adopté cette motion, comme Montigny-le-Bretonneux, lors de son dernier conseil municipal, le 5 février. Adoptée, la motion a cependant provoqué un débat entre la majorité et l’opposition. Après la présentation de la motion par le maire, Lorrain Merckaert (DVD), Damien Nadeau, membre du groupe d’opposition Montigny Solidarité, a estimé « péremptoire » la phrase « sans espoir que la situation ne s’améliore en 2024 » car, souligne-t-il, « l’on s’avance sur beaucoup alors que nous sommes déjà début février et malgré tout la situation s’améliore déjà. Les taux sont en train de baisser, il y a une reprise immobilière qui se fait donc je trouve que c’est très définitif comme phrase ».

Perte de l’autonomie financière

Et si le débat de position à quelque peu duré, le maire a rappelé que « dans le bâtiment, c’est comme dans un certain nombre de domaines de ce genre, il y a une inertie très importante et donc avant que la situation économique ne se redresse, il faut savoir que lorsque vous avez des ventes il y a un délai avant que la taxe ne revienne ». « Alors, même si aujourd’hui cela semble s’améliorer un tout petit peu, pour l’instant et pour en avoir discuté durant toute la période des vœux avec de nombreux promoteurs et aménageurs, nous n’y sommes pas encore, poursuit-il. Et, très vraisemblablement nous allons rester sur cette situation très compliquée sur 2024 et nous n’avons pas de réelles certitudes que cela s’améliorera sur 2025. La phrase telle qu’elle est rédigée là reflète en fait bien la réalité de la situation ».

À SQY, plusieurs conseils municipaux, comme celui de Plaisir, le 7 février, ont déjà voté la motion.

À Plaisir, le 7 février, lors du dernier conseil municipal, la maire, Joséphine Kollmannsberger (LR), a fustigé la perte d’autonomie financière et budgétaire des communes liées à toutes les réformes notamment de la fiscalité et au tarissement des aides de l’État. Avant de faire adopter la motion, à l’unanimité, la maire a expliqué : « En quête de financements extérieurs, la Ville a pour habitude de s’appuyer sur ses partenaires institutionnels pour cofinancer tous ses projets. SQY, le Département, le conseil régional, l’État, la Drac, la Caf, l’Agence de l’eau et j’en passe. »

Et d’ajouter : « Parmi nos plus gros apporteurs de subventions figure bien évidemment le conseil départemental mais sans doute avez-vous entendu parler de la crise immobilière qui frappe notre pays et notamment notre département qui a vu ses droits de mutation titre onéreux exploser en plein vol avec une perte qui dépasse aujourd’hui 140 millions d’euros. Le conseil départemental va donc ainsi devoir recentrer ses interventions. Cette perte aura une répercussion directe sur le financement de nombreux projets majeurs de notre ville. » Tous, les 259 conseils municipaux des Yvelines espèrent que leurs demandes vont être entendues et que des solutions vont rapidement être trouvées pour leur permettre de retrouver quelques marges de manœuvres.


Extrait de la motion adoptée par les communes

Après avoir retracé les grandes lignes de la situation, la motion fait état de demande des communes à l’État. « En conséquence et face à cette situation, le conseil municipal de… demande à l’État : à court terme, de prendre les mesures de compensation financière immédiate pour faire face à la chute brutale des droits de mutation à titre onéreux afin de permettre au Département de poursuivre ses politiques de soutien aux communes et aux Yvelinois ; à moyen terme, de garantir une forme d’autonomie financière aux conseils départementaux pour leur permettre de conduire les politiques publiques pour lesquelles ils ont été élus et ainsi de conforter nos principes démocratiques ; d’opérer le transfert des ressources financières nécessaires pour conduire toutes les actions ou politiques qui seraient imposées aux départements. […] »

Il est ajouté, sur la motion : « Par ailleurs, le conseil municipal de … affirme que le couple Département – commune, les deux plus anciennes collectivités de France, est uni par un lien historique qui forme le ciment de l’organisation territoriale de la République, favorisant l’égal accès aux services publics du quotidien ; réaffirme le principe constitutionnel de la libre administration des collectivités territoriales qui ne saurait exister en pratique sans une forme de liberté d’ajuster ses ressources financières en fonction des conjonctures et en toute responsabilité ; demande que l’État, garant de l’unité de notre pays, s’engage dans un chantier de décentralisation afin de restaurer l’autonomie pleine et entière des collectivités locales. »


 

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