Après plusieurs nuits d’embrasement et d’émeutes urbaines, les banlieues françaises ont retrouvé un calme relatif lundi matin. Dimanche soir, les interpellations ont été beaucoup moins nombreuses et les émeutiers semblaient avoir marqué le pas. Mais après près d’une semaine de violences urbaines, les dégâts sont considérables et l’heure n’est pas encore vraiment au bilan. Ces mouvements, qui ne sont pas sans rappeler ceux de 2005, font suite au décès du jeune Nahel, 17 ans, tué par balle lors d’un contrôle routier à Nanterre (Hauts-de-Seine). Placé en garde à vue, mis en examen, le policier à l’origine du tir a été mis sous mandat de dépôt. Mais le calme n’est toujours pas revenu pour autant.

Et les communes de Saint-Quentin-en-Yvelines n’ont pas été épargnées. Pire, certaines, comme Trappes, et surtout La Verrière, ont d’ores et déjà vécu des événements particulièrement tragiques. Mais elles ne sont pas les seules : Élancourt, Guyancourt, Montigny-le-Bretonneux, Maurepas, Plaisir, la liste des quartiers où les violences nocturnes ont fait rage est longue : les Petits Prés, les Merisiers, le Bois de l’Étang, le Valibout, etc. Partout, les mêmes scènes se sont répétées entre policiers et émeutiers. Partout, la même désolation et la peur qui se lisait sur le visage des habitants, totalement démunis et attristés.

Voitures brûlées, camions et poubelles incendiés, magasins pillés, bâtiments publics et écoles ravagés par les flammes, mobilier urbain vandalisé, commissariats attaqués et pris d’assaut pour certains, barricades, tirs de mortiers d’artifice incessants des heures durant en plein cœur de la nuit, élus agressés…, la situation a rapidement dégénéré dans la nuit du mercredi 28 au jeudi 29 juin, notamment à La Verrière, où les émeutiers s’en sont pris aux écoles. Jeudi matin, le maire LR de La Verrière, Nicolas Dainville, exprimait toute sa tristesse sur son compte Facebook.

« C’est l’effroi ce matin après une nuit d’émeutes dans notre quartier du Bois de l’Étang. Notre maison de quartier a été en partie incendiée, a déclaré l’édile. Deux écoles municipales sur trois (école des Noës et école du Bois de l’Étang) sont parties en fumée. L’horreur. Les enfants et les familles en pleurs. Certains m’ont parlé de leur trousse oubliée à l’intérieur du bâtiment… Un autre de son cahier de l’année avec tous ses beaux souvenirs… Agents et personnel de l’Éducation nationale sous le choc. Les mots me manquent… »

« Des écoles sur lesquelles nous étions tant attachés, avec notre partenariat avec le CMBV, les outils pédagogiques innovants, le personnel et les familles si dévouées pour la réussite et l’épanouissement des enfants… Tristesse infinie… des millions et millions d’euros de dégâts. Les pompiers essayant d’intervenir dans la nuit ont été pris à partie dans des guets-apens effroyables. Je remercie les habitants qui ont appelé au calme malgré une situation incontrôlable, alimentée par des éléments extérieurs… », déplore-t-il.

À La Verrière, deux écoles de la commune, dont celle des Noës (partiellement détruite, en arrière-plan, on peut voir le bâtiment ravagé par les flammes), ont été incendiées.

Et de poursuivre : « Je me suis rendu sur place ce matin avec les pompiers, le préfet Courtade (Pascal Courtade, préfet délégué pour l’égalité des chances, Ndlr), les agents, les élus et le directeur académique. Une cellule de crise a été organisée. Les familles qui le souhaitent sont actuellement accueillies au gymnase de la Fraternité où le repas du midi sera servi. Un accueil est aussi possible au centre de loisirs de l’école du Parc. Des solutions d’accueil pour la semaine à venir vous seront détaillées dans les prochains messages municipaux. Des cellules psychologiques sont sur place. Je salue la résilience extraordinaire des équipes et des familles, leur courage, leur professionnalisme. Dans cette épreuve, nous ferons face, ensemble. »

Depuis, la Ville tente de s’organiser. En lien avec l’Éducation nationale et la préfecture, la ville de La Verrière a mis en place un dispositif d’accueil pour les enfants et les enseignants des deux établissements touchés : l’un s’est fait au centre de loisirs de l’école du Parc ; l’autre au gymnase de la Fraternité « où les enfants pouvaient rester avec leurs parents », indique la municipalité dans un communiqué. « Jusqu’à la fin de l’année scolaire, les élèves de l’école maternelle des Noës seront accueillis à l’école maternelle du Bois de l’Étang, avec une souplesse d’accueil jusqu’à 9 h, explique le communiqué. Les élèves de l’école élémentaire du Bois de l’Étang seront accueillis à la MEP (40, avenue du Général Leclerc) avec une souplesse d’accueil jusqu’à 9h. Les horaires de fin de journée restent inchangés. Les parents devront déposer directement leurs enfants dans les lieux d’accueil. »

Enfin, la mairie a également mis en place une cellule d’écoute psychologique, assurée par les psychologues de l’Éducation nationale dans les lieux d’accueil. « La Ville, en lien avec la CUMP/SAMU78 et La Croix-Rouge française, met en place une cellule d’accueil médico-psychologique pour les témoins impactés qui souhaitent être reçus par un professionnel spécialisé. Nous vous tiendrons informés de l’évolution du dispositif dans les jours à venir. Pour toute question sur le dispositif d’accueil des jeunes : 01 30 13 76 24 », précise la mairie de La Verrière.

À Trappes, ce sont également plusieurs nuits d’une violence inouïe qui se sont succédé. Elles ont laissé une ville « défigurée, a assuré le maire, Ali Rabeh (Génération.s), dans un communiqué au lendemain de la nuit de jeudi à vendredi, et ce, malgré les appels au calme lancés par les élus, agents et bénévoles associatifs qui sont allés à la rencontre des jeunes toute l’après-midi et la soirée d’hier ».

Voitures, camions,poubelles, bâtiments publics ravagés par les flammes, magasins pillés, mobilier urbain vandalisé (ici un abribus devant la mairie de La Verrière), la situation a rapidement dégénéré.

Et l’édile de Trappes de poursuivre : « Moi-même enfant des quartiers populaires, je connais et comprends la colère de nos jeunes. Le policier qui a tué Nahel doit le payer, devant la justice. Mais il n’y a aucun sens à faire payer ce drame à nos parents, et notamment nos mères, non véhiculées, qui ne pourront plus faire leurs courses à côté de chez elles. Aucun sens à le faire payer aux travailleurs et étudiants qui prennent le bus et voient leurs arrêts saccagés ce matin. Aucun sens à nous faire payer à tous, avec nos impôts, la reconstruction de ce qui a été détruit hier, alors que cet argent devrait être utilisé utilement pour nos enfants. »

Plus tard, le maire de Trappes est également intervenu politiquement pour souligner : « Nous ne pouvons plus vivre avec deux France qui se font face, s’ignorent et refusent de se mêler. Nos écoles ne peuvent plus être des fabriques de l’échec scolaire, de la reproduction des inégalités, de la concentration des difficultés. Nos jeunes ne doivent plus se heurter au mur de l’insertion dans la vie active en raison de leur nom, de leur couleur de peau ou de leur adresse. Les travailleurs essentiels qui peuplent nos quartiers populaires ne peuvent plus être renvoyés à leur insignifiance, une fois la page du Covid tournée. Il n’y a plus un jour à perdre. »

Les transports en commun ont été suspendus dès 21 h à la demande de la présidente de la région Île-de-France et présidente d’Île-de-France Mobilités, Valérie Pécresse (Libres). Plusieurs bus et tramways sont déjà partis en fumée et il faudra du temps et des centaines de milliers d’euros pour les remplacer. Des couvre-feux ont été instaurés, la plupart des événements festifs qui étaient prévus de longue date, comme les fêtes des écoles, ont été annulés. La préfecture des Yvelines, l’académie, les villes, tout le monde appelle au calme et surtout à la plus grande des prudences.

À la suite d’ appels à tirer à la kalachnikov, relayés sur les réseaux sociaux, les hommes du RAID et de la BRI ont été mobilisés sur le terrain, en plus des nombreux renforts qui ont déjà été mis en place. Ces hommes d’élite, capables de faire face aux situations les plus graves, comme lors des attaques terroristes, viendront en soutien des nombreux policiers qui ont été rappelés de congé ou de repos pour faire face à cette situation totalement inédite.

De son côté, l’Association des maires d’Île-de-France (Amif) « condamne fermement les violences urbaines dans toutes leurs formes et rappelle à quel point il est nécessaire de protéger les personnes au cœur des institutions publiques », explique-t-elle dans un communiqué. « Chaque nuit, des élus locaux prennent des risques importants en essayant d’empêcher les destructions dans leurs communes. Il est scandaleux et inadmissible que les violences urbaines puissent être dirigées contre des personnes physiques : ce sont les maires, symboles de la République dans les territoires, mais aussi les policiers, les pompiers, tous les représentants de nos institutions républicaines qui sont visés », affirme l’Amif.

Des maires de plus en plus exaspérés, comme à Montigny-le-Bretonneux, où Lorrain Merckaert (DVD) s’est dit « en colère vis-à-vis des parents qui voient leur enfant sortir vêtu de noir en pleine nuit, à 3 heures du matin », relate Le Parisien. Reste à savoir si le calme est revenu durablement. Lundi 3 juillet, la maire de Plaisir, Joséphine Kollmannsberger (LR), invitait tou(te)s les Plaisirois(es) et les agents municipaux à se rassembler, devant la mairie, « pour dire non aux violences commises contre les élus, non aux dégradations des équipements publics, non aux saccages des commerces et entreprises qui font le dynamisme de nos communes ». D’autres élus de SQY et de France ont fait de même, à l’appel de l’association des maires de France, après l’attaque du domicile du maire de L’Haÿ-les-Roses, dans le Val-de-Marne.