Olivier Dussopt, ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion, était le 9 décembre en déplacement dans les locaux d’ActivtiY, à Guyancourt. Au sein de cette agence, antenne du conseil départemental œuvrant pour l’insertion des personnes éloignées de l’emploi, notamment les bénéficiaires du Revenu de solidarité active (RSA), le ministre a rencontré des acteurs yvelinois de l’emploi, notamment des entreprises et agences d’insertion, et recueilli leurs témoignages. Accompagné de Thibaut Guilluy, haut-commissaire à l’emploi et à l’engagement des entreprises, il a aussi présenté le dispositif France travail, plan censé « conduire à une transformation de Pôle emploi et de tous les acteurs du service public de l’emploi, pour proposer un accompagnement de qualité à toutes les personnes qui ne sont pas en capacité de retrouver seules un emploi », rappelle le ministère du Travail sur son site internet.

« La volonté de partager des expériences, de coordonner, de simplifier »

« France travail, c’est avant tout la volonté de partager des expériences, de coordonner, de simplifier, a déclaré Olivier Dussopt lors de sa visite. Simplifier, ça ne veut pas dire fusionner. Je ne suis pas devant vous et je n’ai pas été nommé au ministère du Travail pour revivre le cycle que nous avons vécu collectivement aux alentours de 2008-2010, avec la fusion ANPE-Assedic, et la création de Pôle emploi. Si on s’amuse à faire des grandes fusions, on va se retrouver dans une situation d’embolie. Or, dans un moment où on a besoin d’être réactif, on évite l’embolie […]. Donc les missions locales restent les missions locales, les réseaux services publics de l’emploi restent services publics de l’emploi, mais tout cela doit être coordonné pour répondre et servir un usager. »

Et de poursuivre : « L’usager, c’est à la fois le demandeur d’emploi […], qui s’inscrit auprès de Pôle emploi et qui se rapproche d’une mission locale, des travailleurs sociaux du département, et qui a besoin d’être accompagné. Et c’est le chef d’entreprise qui a besoin de recruter. Il faut que ce soit simple et que le guichet soit unique. Mais un guichet unique, ce n’est pas un guichet uniforme. Quel que soit l’acteur de l’emploi vers lequel vous vous tournez, vous avez un interlocuteur et vous le gardez aussi longtemps et souvent que possible. Si vous êtes chef d’entreprise et que la personne que vous recrutez est en situation de handicap, ce n’est pas à vous de vous demander si vous avez frappé à la bonne porte […]. C’est à nous, service public de l’emploi, de vous coordonner. »

Avant cela, des acteurs yvelinois de l’emploi s’étaient exprimés et avaient fait part au ministre de leurs souhaits en matière de politique de l’emploi et de leurs expériences. Avec dans certains cas des réussites, comme pour Inserxo, entreprise d’insertion conventionnée par l’État depuis sept ans et intervenant dans le domaine de la restauration collective et des services. « Au quotidien, on recrute des personnes éloignées de l’emploi ayant tous profils, explique Julie Bourgeois, responsable au sein de cette structure accompagnant 50 salariés en insertion, essentiellement dans les Yvelines et un peu dans les Hauts-de-Seine. On peut avoir des personnes bénéficiaires du RSA, de minimas sociaux, des travailleurs handicapés, des publics jeunes, […] des seniors. […] On arrive chaque année à entre 75 et 80 % de sorties positives (débouchant sur des emplois durables, Ndlr). »

« On a la chance d’être aussi dans un secteur d’activité qui recrute, qui est porteur, dans lequel il y a des possibilités d’évolutions, et pour lequel la formation est un réel atout pour accéder à un emploi pérenne, ajoute-t-elle. Les structures d’insertion par l’activité économique ne peuvent fonctionner que grâce à l’accompagnement et à l’encadrement qui est fait, que ce soit par les conseillères d’insertion professionnelle et les encadrants techniques, qui les uns s’occupent vraiment des accompagnements sur la levée des freins à l’emploi, les autres sur la montée en compétences techniques du métier […] On fait vraiment du sur-mesure, […] c’est pour ça que ça fonctionne. »

Les entreprises demandent plus de simplification

Parmi les personnes accompagnées par Inserxo, qui travaille en relation avec C’Midy et Sodexo, Rachid a livré son témoignage. « Je touchais le RSA. Ça fait trois mois que je suis avec Inserxo, raconte cet homme de 57 ans. On a une opportunité de service de formation en hygiène alimentaire, et ça se passe bien. [Avant], j’ai travaillé à l’étranger en tant que superviseur d’hôtellerie. Pendant 25 ans, j’ai travaillé en Algérie, maintenant je suis en France, j’ai touché le RSA pendant deux ans. J’en ai eu ras-le-bol, il fallait que je travaille, car j’ai tout le temps travaillé. […] J’ai eu l’opportunité de travailler avec Inserxo, ça se passe bien en ce moment, donc je pense continuer dans le domaine de la restauration. »

Parmi les recruteurs ayant livré leur regard sur l’insertion de candidats éloignés de l’emploi, des entreprises saint-quentinoises, comme Axsol, basée à Trappes. « Nous sommes actuellement en phase de recrutement de deux personnes », commence par annoncer Jean-Paul Mignard, PDG et fondateur de cette société spécialisée dans l’importation et la distribution de dispositifs d’accessibilité pour personnes en situation de handicap. Il aimerait une simplification des outils de recrutement.

« Chez nous, pour la partie sociale, c’est une personne qui va passer quelques heures par semaine sur le recrutement. Et lorsqu’on a 150 ou 180 CV qui arrivent pour une offre d’emploi, dont 95 % ne correspondent absolument pas au poste, c’est beaucoup de temps passé dessus, concède-t-il, espérant « avoir demain peut-être un guichet unique, pour gagner du temps et de l’efficacité ». « Nous n’avons pas, au niveau des entreprises, nécessairement tous les codes pour accueillir les personnes éloignées de l’emploi, mais elles, de leur côté, n’ont pas nécessairement les codes de l’entreprise. Il y a peut-être quelque chose à créer pour lever des freins des deux côtés », préconise-t-il également.

Autre entreprise de l’agglomération présente à cette visite, Recnorec, entreprise sociale à vocation industrielle recyclant le non-recyclable. Ugoline Soler, sa présidente-fondatrice, révèle que sa société a rencontré « un jeune qui sort de détention et qui nous a fait une excellente impression, donc il n’est pas impossible qu’on l’accueille dans les prochains jours si tout se met en route efficacement ». Mais elle aussi regrette des procédures complexes pour le recrutement : « En tant qu’employeur, je n’ai pas envie de cheminer par tout un tas de structures et de faire presque de la discrimination positive, je veux que ces gens soient aidés par une structure intermédiaire. » Elle déplore aussi que si « l’innovation qu’on pratique au sens technologique est super bien soutenue », pour l’innovation sociale et économique, « on se débrouille seuls pour la financer ».

« On veut vraiment s’appuyer sur ce qui se fait de bien, et les témoignages que vous nous avez partagés nous y aident »

Le ministre du Travail a assuré que cette heure de témoignages lui sera utile pour mener le plan du gouvernement visant à tendre vers le plein emploi. « On veut vraiment s’appuyer sur ce qui se fait de bien, et les témoignages que vous nous avez partagés nous y aident, s’est félicité Olivier Dussopt. Ils nous aident pour construire ce nouveau modèle du RSA, mais aussi ce nouveau modèle qu’on appelle France travail, cette volonté de bien organiser les choses pour que ce soit le plus fluide et simple possible. Des rencontres comme aujourd’hui, ce temps-là est très précieux et a été pris par des dizaines, des centaines d’autres chefs d’entreprise, de bénéficiaires de minimas sociaux, demandeurs d’emploi, stagiaires de formation professionnelle, acteurs du service public de l’emploi et des missions locales. »

Les Yvelines sont d’ailleurs un territoire clé pour les projets du gouvernement dans ce cadre, puisque ce département fait partie des 19 sélectionnés, quelques jours après la visite du ministre, pour l’expérimentation de la nouvelle forme de RSA, conditionnée à des heures d’activité hebdomadaires. « Nous allons travailler avec une quinzaine de départements volontaires, pour faire en sorte de tester, regarder, […] pour couvrir tous les bénéficiaires du RSA et de leur proposer à tous une offre d’insertion et de formation », a avancé Olivier Dussopt lors de sa visite. L’idée étant de « faire en sorte que l’accompagnement des bénéficiaires du RSA redevienne intensif, avec 15 à 20 h d’activité par semaine, d’insertion, de formation, de remobilisation, a-t-il ajouté. Il ne s’agit pas de travail gratuit, de bénévolat obligatoire, il s’agit de parcours de remobilisation et d’insertion, et avec une offre d’insertion qui soit adaptée. »