Ils étaient nombreux réunis au Vélodrome national de Saint-Quentin-en-Yvelines (SQY), où la finale du Mondial entre la France et l’Argentine était diffusée sur trois écrans géants le 18 décembre. Tous espéraient bien voir les Bleus décrocher leur 3e étoile et ont déchanté après cette défaite française à l’issue de la séance des tirs au but (3-3 a.p., 4 tab à 2). Au total, « 3 100 personnes » – pour certaines dans les tribunes et d’autres sur l’aire centrale –, s’étaient massées au sein du futur site olympique, selon Bruce Goldsztejn, responsable communication et marketing du Vélodrome. Si l’ambiance et la fête auraient sans doute été plus belles en cas de victoire, il dresse néanmoins « plutôt un bon bilan » sur le plan organisationnel de cette retransmission organisée par l’enceinte saint-quentinoise.
« On a décidé ça assez tard. En moins d’une semaine, on a réussi à se mettre en ordre de marche pour tout ce qui est billetterie, mise en place du contrôle d’accès, dispositif de sécurité », souligne-t-il. L’entrée dans le Vélodrome était gratuite mais les réservations obligatoires. Et l’adhésion populaire a été au rendez-vous puisque, « en moins de 48 h, toutes les places avaient été réservées », assure Bruce Goldsztejn.
Dès 13 h 30, soit deux heures et demie avant le début du match, les premiers supporters attendaient devant les barrières (qui ouvraient une heure plus tard). Parmi eux, Angéline, son fils Johan, et Sonia, venus de Maurepas. « On est venus il y a quatre ans (le Vélodrome avait déjà accueilli la retransmission de la finale de 2018, Ndlr), on s’est dit qu’on continue à supporter, confie la première citée. Si c’est comme il y a quatre ans, ça va être bien. Il y avait une ambiance de malade, ça chantait. »
Karim, accompagné de son fils Yacine, était lui venu de plus loin puisqu’il habite à Pantin, en Seine-Saint-Denis. « Je voulais la partager avec mon fils. À Paris, il n’y avait pas de fan zone, et j’ai vu qu’il y avait cette fan zone ici, avec pas mal de supporters », raconte-t-il, ajoutant qu’il y avait certes d’autres lieux de rassemblement plus proches de chez lui, mais « pas un vélodrome ». À quelques heures du coup d’envoi, il confiait avoir « un petit peu peur de Messi ». « C’était bien au début, mais on a quand même l’impression que ça a baissé en régime [au fil de la compétition], juge-t-il à propos du parcours des Bleus. Mais ce n’est pas pour rien qu’on est en finale, je pense qu’on va l’avoir cette 3e étoile. » Il pronostique ainsi 2-1 pour la France.
Kylian Mbappé avait pourtant rallumé la flamme
Malheureusement, c’est davantage sa crainte de Messi qui s’est avérée prémonitoire. L’Argentine est beaucoup mieux rentrée dans sa finale face à des Bleus complètement dépassés. Et dès la 23e minute, le numéro 10 argentin ouvrait le score sur un penalty (généreux ?) accordé par l’arbitre. 1-0, puis 2-0 pour l’Albiceleste suite à un but d’Angel Di Maria à la 36e minute sur un modèle de contre-attaque. Le Vélodrome, qui avait entonné des « Qui ne saute pas n’est pas français », « des Popopopopopo » sur l’air de Seven Nations Army, effectué des clappings et agité les drapeaux bleu-blanc-rouge avant le coup d’envoi, était alors éteint. « On s’en va, on va faire les magasins à Saint-Quentin ? (au centre commercial situé à proximité, Ndlr) », entend-on en provenance des gradins situés derrière nous.
De l’abattement de voir l’équipe de France, totalement impuissante, laisser filer son titre mondial pendant 80 minutes, le Vélodrome est redevenu incandescent. Car les Bleus, portés notamment par l’apport de certains remplaçants, comme Randal Kolo Muani, allaient revenir de l’enfer. Et un homme se chargeait de réveiller le public de SQY comme celui de la France entière : Kylian Mbappé. L’attaquant tricolore transformait le penalty obtenu par Kolo Muani, puis s’offrait un doublé dans la foulée. Les chansons Freed from desire et Ramenez la coupe à la maison pouvaient résonner. L’après-midi allait se prolonger au Vélodrome, car les deux équipes disputaient la prolongation.
Mais l’Argentine reprenait le dessus lors de ces 30 minutes supplémentaires, et les devants sur un nouveau but de Messi. Les hommes de Didier Deschamps, de nouveau dominés, allaient pourtant encore égaliser grâce à un nouveau penalty de Mbappé à la 118e minute. 3-3. Le public du Vélodrome a même cru au 4e but, mais Kolo Muani puis encore Mbappé ont cette fois été mis en échec. Les tirs au but devenaient inévitables, et rapidement fatals à la France. L’espoir était de courte durée durant cette fatidique séance. C’est bien l’Argentine qui finissait par soulever la coupe. De l’abattement à l’espoir teinté de joie, pour finalement sombrer dans la tristesse, le Vélodrome sera passé par toutes les émotions lors de cette finale d’anthologie aux multiples rebondissements.
À la sortie, malgré le froid, la pluie et la déception, les supporters acceptaient de nous répondre. « Il y a un peu de déception, car on a quand même fait un beau match. Eux aussi, il ne faut pas l’enlever, mais après avoir donné de la voix, c’est un peu dommage d’avoir perdu », réagit Lucas, Plaisirois de 17 ans. « On commence à être habitués de toute façon, lâche quant à lui Sylvain, qui aura vu en 2022 la France perdre une finale de Coupe du monde, et son club de cœur, Bordeaux, descendre en L2. Il y a un peu de dégoût, car on a fait une 1re période et un début de 2e un peu merdiques, puis après on a bien joué, on est revenus au score deux fois. Après, les penalties, c’est un peu le tirage au sort. Mais après 2006, ça fout les boules. [Mais] avec l’effectif qu’on a, on a fait un beau parcours. On avait énormément de blessés, et on est allés en finale, quatre ans après l’avoir gagnée. Beaucoup d’équipes signeraient pour avoir la même chose. »
De quoi redonner peut-être un peu de baume au cœur aux supporters, qui ont malgré tout vécu une après-midi mémorable au Vélodrome, temple du cyclisme français mais qui a l’habitude de s’ouvrir à d’autres disciplines et avait à cœur d’organiser un rassemblement pour un événement comme celui-ci. « C’est une structure polymorphe, donc forcément, on essaie de promouvoir toutes les formes de sport, et notamment les grands événements sportifs comme la Coupe du monde de football », avance Bruce Goldsztejn, estimant que malgré les polémiques concernant le Qatar, il était important de répondre présent pour un tel rendez-vous. « L’idée était surtout de valoriser le sport en lui-même et de supporter la France. Ce n’est pas anodin d’arriver en finale, ça n’arrive pas 50 fois dans une vie. C’était plutôt sur ces volets-là qu’on a voulu se concentrer, sans occulter les problématiques. »