La situation est grave. » C’est par ces mots, très solennels, que le président de l’agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines et maire d’Élancourt, Jean-Michel Fourgous (LR), a entamé la conférence de presse consacrée à l’explosion de l’inflation. Car oui, les élus des douze communes de Saint-Quentin-en-Yvelines sont « inquiets […] face à la réduction progressive des marges de manœuvre financière, la perte d’autonomie fiscale et la rupture de la confiance envers l’État dans [leurs] relations financières », ont-ils indiqué ensemble, toutes tendances confondues, dans la motion de vœu qu’ils ont adressée à la Première ministre, Élisabeth Borne.

Et force est de reconnaître que les motifs d’inquiétude sont nombreux. « Aujourd’hui, les collectivités subissent de plein fouet les augmentations des coûts de l’énergie, des matières premières, a poursuivi Jean-Michel Fourgous, relayant ainsi les propos unanimes de la motion. À Saint-Quentin-en-Yvelines, c’est un montant supplémentaire de 2 millions d’euros sur nos marchés de l’énergie en 2022, soit 1 % du budget ! […] Les dépenses d’énergie vont être multipliées a minima par 2, 3 ou 4 selon les communes. Le soutien financier de l’État, notamment par le biais des dotations, est donc absolument nécessaire. »

Plus de 70 % des investissements publics

Rappelant au passage que les collectivités représentent plus de 70 % (près de 80 % soulignait récemment le président LR du Sénat, Gérard Larcher) de l’investissement public. Or, les collectivités sont d’autant plus inquiètes que « le principe du “pacte de stabilité” relatif à la Dotation globale de fonctionnement (DGF) ne semble que peu respecté, quand bien même le gouvernement affiche toujours son objectif “d’assurer aux collectivités des ressources relativement stables et prévisibles d’une année sur l’autre” ».

Cependant, les élus ne peuvent que constater que d’année en année, cette fameuse DGF ne cesse de baisser. En 6 ans, SQY a ainsi perdu 5 millions d’euros « et pour nombre de communes, elle tend vers zéro voire même vers une DGF négative (lire articles page 4) ». Car les collectivités contribuent au redressement des comptes publics (+ 7 millions d’euros entre 2016 et 2022 pour SQY), et plus de 22 % supplémentaires en un an entre 2021 et 2022 pour les communes et l’EPCI. Sans oublier les contributions aux différents fonds de péréquation (FSRIF, FPIC…).

Une effort de 10 milliards supplémentaires demandés

Et alors que le ministre des Comptes publics annonce qu’il va demander un effort supplémentaire de 10 milliards d’euros aux collectivités territoriales, les élus s’insurgent et se demandent bien : « de quelles marges de manœuvre disposons-nous encore ? […] Notre autonomie fiscale est grignotée au fur et à mesure des suppressions d’impôts (taxe d’habitation) et maintenant la CVAE (Contribution sur la valeur ajoutée des entreprises, Ndlr), la réduction des bases (valeurs locatives des locaux industriels) […]. La suppression de la CVAE rompt l’un des derniers liens qui restaient entre contribuables et collectivités locales. […] Ainsi, le seul levier fiscal qu’il nous reste est celui de l’impôt sur le foncier. […] C’est donc sur ces seuls citoyens propriétaires que devra reposer la prise en charge des augmentations très conséquentes du coût de l’ensemble des services publics. C’est aussi injuste qu’inéquitable. »

Une mise sous tutelle des collectivités

Ne pouvant que constater une « mise sous tutelle » financière des collectivités « en violation du principe constitutionnel d’autonomie », les élus de Saint-Quentin-en-Yvelines demandent « que les collectivités et intercommunalités puissent bénéficier d’un bouclier tarifaire énergétique, des précisions quant aux modalités prévues par le bouclier vert, d’un moratoire sur les prélèvements, les baisses des dotations et les transferts de charges, ainsi qu’un report, puis une garantie quant à la compensation intégrale et pérenne des impôts sur le point d’être supprimés ». Enfin, ils demandent « l’abandon de la contribution des collectivités territoriales au redressement des comptes publics de 10 milliards d’euros, envisagée par le PLF (Projet de loi de finances, Ndlr) 2023. »


Les réactions de maires

« La question de la taxe d’habitation est un point important, a expliqué Lorrain Merckaert (DVD), le maire de Montigny-le-Bretonneux. C’est une véritable perte d’autonomie pour les collectivités. Voilà 40 ans, l’État a mis en place une décentralisation avec le transfert de charges et de moyens. Grâce à cela, nos villes ont pu se développer et grandir. Aujourd’hui, c’est tout l’inverse qui est en train de se passer. Nous, les élus locaux, nous ne sommes pas dans une stratégie politicienne mais nous constatons bien une reprise des compétences et des finances liées à la rationalisation de l’État. C’est vrai également concernant la santé avec le résultat que nous connaissons des déserts médicaux. Si l’on poursuit dans ce sens, nous allons avoir des déserts de services. » Et de conclure : « Nous voulons simplement que l’on nous rende ce qui a fait le développement extraordinaire de nos communes et ce formidable bon en avant. »

« Toutes les strates ont des difficultés, rappelle Philippe Guiguen (DVD), le maire des Clayes-sous-Bois. Or nous, nous ne pouvons pas monter un budget en déséquilibre comme se le permet l’État. Aujourd’hui, nous n’avons plus de marges de manœuvre. Cela fait déjà beaucoup d’efforts consentis et réalisés depuis dix ans. Et il ne nous reste plus que la taxe foncière comme levier. C’est totalement inéquitable ! C’est impossible d’aller plus loin dans ce sens. »

« Nous en appelons aux parlementaires et nous demandons un bouclier tarifaire, a déclaré Grégory Garestier (DVD), le maire de Maurepas. À Maurepas, la hausse du coût de l’énergie nous coûte plus d’un million d’euros. Rendez-vous compte, c’est le fonctionnement de notre conservatoire ou de deux groupes scolaires ! Les maires sont les ouvriers de l’intérêt général, de bons gestionnaires. Pour être à l’équilibre, nous avons besoin des aides et nos ressources doivent être garanties. »

« Je suis personnellement très en colère, je vous le dis, a lancé d’emblée Joséphine Kollmannsberger (LR). Cela fait des années que nous faisons des économies. Là, nous allons droit dans le mur ! Cela va être très compliqué, voire impossible. L’État doit nous regarder d’une autre façon, et les parlementaires également. Si les collectivités étaient amenées à disparaître, je ne vois vraiment pas comment ils [l’État, Ndlr] vont gérer cette situation. Il ne faudrait pas continuer à nous prendre pour des quiches ! »

« Arrêtons le massacre ! Ce ne sont pas douze maires qui se plaignent ici aujourd’hui devant vous, mais bien douze maires qui alertent car nous avons, derrière nous, 230 000 habitants qui comptent aussi sur leur commune, a souligné François Morton (DVG). Nous sommes le bouclier pour nos habitants et nous l’avons déjà prouvé à de multiples reprises et encore récemment durant la crise du Covid où il a fallu organiser la vaccination. Là, il faudrait que nous annoncions des fermetures de services… ? Cela fait des années que nous faisons déjà des efforts. »

« Je partage entièrement le constat même si, vous le savez, je soutiens la majorité présidentielle », a tenu à préciser d’entrée Jean-Baptiste Hamonic (MoDem), le maire de Villepreux. Avant de poursuivre : « Je cherche actuellement 600 000 euros pour boucler le budget 2023 de la commune de Villepreux. Sans compter que le prix du gaz va être multiplié par 4 selon les estimations. Aujourd’hui, certains d’entre nous vont toucher des Dotations globales de fonctionnement (DGF) négatives. Je ne savais même pas que cela pouvait exister ! »