Ce sont les « invisibles », comme ils se qualifient. Une centaine de salariés de PEI, entreprise de nettoyage travaillant notamment sur plusieurs sites de Renault, sont en grève depuis le 3 mai au Technocentre, à Guyancourt, où travaillent 130 des 2 000 personnes de cette société prestataire. Selon les syndicats, le taux de grévistes s’élève à 95 % au Technocentre, où les salariés de PEI protestent contre la décision de Renault de réduire leur activité, en fermant une partie du site le vendredi, pour des raisons économiques, ce qui s’inscrit dans le cadre d’un plan de la marque au losange de vendre les trois quarts des bâtiments du Technocentre.
Rappelant qu’ils sont « pour la plupart au Smic horaire et à temps partiel », les grévistes dénoncent dans leur tract « un plan d’économies sur le dos de tous les prestataires du Technocentre et des salariés Renault ». Ils réclament ainsi le maintien de leurs salaires et pas de licenciement ni de mutation. « Les gens, ça fait déjà depuis mars 2020 qu’ils subissent le chômage partiel, la baisse de salaires, entre 200 et 300 euros, évoque Najib Mouchtahi, membre du bureau au syndicat FO propreté Île-de-France, rencontré lors d’une mobilisation devant le Technocentre le 6 mai. La crise sanitaire a pris fin. […] Ils nous ont sorti d’autres problèmes, la crise économique. Pendant cette crise économique, Renault a décidé de baisser l’activité de 25 % [à Guyancourt]. »
Et ce, avec donc des conséquences sur l’activité de certains prestataires, comme PEI, dont les salariés perdent donc une journée de travail par semaine, le vendredi. Et ont été mis devant le fait accompli, d’après Najib Mouchtahi. « Ça n’a pas été fait dans les règles, on a été informés par les salariés, le jeudi pour la fermeture de vendredi (le 21 avril pour le 22, Ndlr), raconte-t-il. Les salariés n’étaient pas informés aussi officiellement avec un papier par l’employeur. Le 21 avril, on avait eu des remontées, on a contacté la société pour en savoir un peu plus […]. La réponse, c’est que eux aussi ont été informés tardivement par Renault, et ils nous ont expliqué qu’ils ont demandé à Renault de leur laisser le temps de s’organiser, mais que Renault ne voulait rien savoir. »
Et les salariés et délégués du personnel affirment aller de surprise en surprise. D’abord, le 2 mai, l’interdiction d’accès à tous les représentants syndicaux, puis, le 5 mai, la désactivation des badges de tous les salariés de PEI, fait savoir Najib Mouchtahi, qui ne travaille lui pas sur le site. Un autre gréviste de PEI, syndiqué FO et travaillant comme chef d’équipe au bâtiment L’Avancée, reste incrédule : « Moi, mon bâtiment n’est pas fermé, des gens circulent, des visiteurs. Je dis qu’il y a des gens qui vont aux toilettes, qui salissent , donc il faut qu’il y ait des gens [pour nettoyer]. On me dit : ‘‘Non, ton équipe, il ne faut pas qu’elle vienne le vendredi.’’ »
Pour Najib Mouchtahi, le risque d’une telle situation est que ces agents d’entretien travaillent quatre jours par semaine au lieu de cinq et soient donc payés quatre. Et selon lui, une trentaine de postes seraient visés par des licenciements. Et ce alors que les salariés sont déjà très précaires et, pour certains, cumulent « des triples employeurs » pour survivre, souligne-t-il. Le chef d’équipe à L’Avancée confie lui avoir côtoyé « deux personnes de 73 ans », « et des gens qui viennent de Saint-Denis », mais aussi « des handicapés » et des collègues qui « sont décédés » du Covid.
Les grévistes déplorent ainsi une déconsidération d’un personnel pourtant en première ligne pendant la crise sanitaire. « Maintenant, on peut dire au revoir à la propreté, l’hygiène et la sécurité car on veut supprimer des postes », peste Najib Mouchtahi. Certains responsables syndicaux de Renault ont aussi affiché leur solidarité envers le mouvement. Le membre de FO propreté Île-de-France annonce lui que les autres sites Renault où travaille PEI – notamment Aubevoye (Eure) et Lardy (Essonne) – ont le même problème et que la contestation « va s’étendre ».
Sollicitée, PEI ne nous a pas répondu avant la mise sous presse de cette édition. De son côté, Renault nous a expliqué que « afin d’adapter les frais de fonctionnement des installations des établissemnts d’Île-de-France, qui sont à la baisse, Renault group a décidé de mettre en veille certains des bâtiments tertiaires, du Technocentre notamment, et ce depuis le 22 avril, donc les entreprises prestataires, dont PEI, ont été prévenues le 20 avril ». Le groupe assure que, « étant donné le délai de prévenance, il y aura un maintien des salaires jusqu’au 20 mai », et concernant la désactivation des badges le vendredi, fait savoir que cela fait « suite à des intrusions la semaine passée dans des zones confidentielles du Technocentre ».