Comme annoncé, le centre de vaccination du Vélodrome national de Saint-Quentin-en-Yvelines (SQY) a fermé ses portes le 25 février. Après plus d’un an et 400 000 doses inoculées, le moment était venu pour le futur site olympique, devenu le lieu de référence en France pour les injections contre le Covid-19, de laisser place à la médecine de ville et aux pharmacies.

« C’est une bonne nouvelle, puisqu’il y a un taux de vaccinés très élevé à SQY (près de 90 % sur le public cible, Ndlr), souligne d’abord Jean-Michel Fourgous (LR), président de l’agglomération de SQY et maire d’Élancourt. Le débit, actuellement, est plus adapté pour eux qu’un outil puissant comme le vaccinodrome. […] On est faits pour des opérations de 500 [injections] minimum jusqu’à 5 000. Là, on est quasiment en dessous de 500, donc on passe la main.»

« Une aventure humaine » pour les équipes mobilisées

« On avait près de 100 morts sur l’ensemble des 12 communes [au moment de la mise en place du centre de vaccination], donc la décision a été prise par les 12 maires de mettre en commun les moyens humains, techniques et financiers pour construire un outil puissant à la hauteur de la crise, contre l’avis du gouvernement qui, une nouvelle fois, était un peu dépassé par les événements, rappelle Jean-Michel Fourgous. Il a fallu du temps pour avoir des doses suffisantes, alors que le virus circulait fortement et faisait des dégâts. Nous, on a vraiment organisé ce centre en fonction de tous ces problèmes-là, et de pouvoir concentrer toutes les compétences dans les meilleures conditions de sécurité pour nos administrés, pour nos entreprises. »

C’est le 18 janvier 2021, dans une petite salle de l’équipement saint-quentinois, que tout avait commencé. À l’époque, la vaccination était ouverte uniquement aux personnes de plus de 75 ans et/ou souffrant de maladies chroniques et comorbidités, et 850 doses de Pfizer avaient été administrées à l’issue de la première semaine de fonctionnement du centre. Au plus fort de la crise, ce chiffre a été multiplié par cinq, mais quotidiennement.

Face à une demande en rendez-vous de vaccination qui affluait et un élargissement progressif des catégories d’âge, le centre a donc déménagé, dès mars 2021, sur l’aire centrale, augmentant ainsi sa configuration. Il est resté dans cette disposition d’abord jusqu’à fin octobre dernier, lorsqu’il avait été décidé de ne faire perdurer qu’un petit centre dans les coursives du vélodrome, avant que l’aire centrale accueille de nouveau les box de vaccination mi-décembre, pour plus de deux mois supplémentaires donc.

Durant ces treize mois, l’activité du vaccinodrome saint-quentinois a évolué au rythme des annonces successives du gouvernement, de l’acheminement des doses de Pfizer et Moderna, de l’évolution des chiffres de l’épidémie, mais aussi des autres événements qui étaient prévus au vélodrome. Dans ces conditions, la réactivité et la capacité d’adaptation étaient de rigueur, et ce sont les principaux mots d’ordre du récit de plus d’un an d’existence dressé par le président de l’agglomération.

« Il a fallu faire preuve de souplesse et de réactivité, d’agilité, car il fallait s’adapter sans cesse, affirme-t-il notamment, mettant en avant « une grande modularité de ce vélodrome ». « Quelquefois, on utilisait des salles extérieures à l’aire centrale, poursuit-il.
Par moments, on utilisait l’aire centrale et on la partageait avec un événement. Par exemple, pour le Salon de l’étudiant [le 22 janvier dernier], on a tout démonté en quelques heures, on a fait le Salon et, après, on a remonté. »

« Donc à chaque fois, on devait s’adapter », résume le maire d’Élancourt, évoquant aussi la vaccination des enfants, pour laquelle « ce n’était pas les mêmes seringues, pas le même dosage de vaccin » où il fallait avoir « un entretien médical particulier avec eux » et renforcer les équipes de pédiatres. L’élu cite également les opérations ciblées et urgentes qui ont été réalisées. « À un moment, il fallait en urgence vacciner les élus, car il y avait une élection et les élus ne pouvaient pas être dans les bureaux s’ils n’étaient pas vaccinés. Après, c’était les profs vis-à-vis des écoles, rappelle-t-il. Nous, on vaccinait très vite, donc on pouvait traiter des flux beaucoup plus importants. » Il mentionne aussi le centre de tests mis en place le 17 janvier dernier quand « il y avait des queues de 100 m devant les pharmacies ».

« On est faits pour des opérations de 500 [injections] minimum jusqu’à 5 000. Là, on est quasiment en dessous de 500, donc on passe la main », explique Jean-Michel Fourgous.
Pour le président de SQY, « ce Vélo-drome national a été un bon choix ». D’un point de vue sanitaire d’abord puisque, selon une étude rapportée par Jean-Michel Fourgous, ce vaccinodrome aurait permis de sauver de la mort « ente 600 et 1 000 personnes ». Mais aussi par son fonctionnement et, sur un plan humain, les liens qui ont pu se créer entre les près de 1 000 personnes qui y ont travaillé, fonctionnant « pendant un an en rotation ». Médecins, infirmiers, personnel administratif, de sécurité et d’autres professions encore. « C’est des cultures très différentes […]. Ça s’est très bien passé, car dans les cas graves, l’être humain est capable de se dépasser indiscutablement, et à situation exceptionnelle, on a vu des comportements exceptionnels, de la part, d’une part, de toute l’équipe sanitaire, mais aussi de toute l’équipe administrative », estime l’élu.

Parmi les soignants mobilisés, Inès Ournid, infirmière référente, et Nathalie Arroum, infirmière libérale remplaçante, rencontrées sur place la veille de la fermeture. « Professionnellement parlant, c’était une aventure qui a fait interagir un nombre incalculable de différents métiers, ce qui a été aussi une belle richesse, et humainement, [il y a eu] aussi de belles rencontres », raconte cette dernière. « C’est une aventure humaine, on s’entendait tous très bien, confirme l’autre. Mettre des gens qui font de l’événementiel, des secrétaires, des gens d’accueil, des ingénieurs en logistique, d’autres en informatique, et qu’on puisse tous s’entendre… »

Si Inès Ournid est arrivée dès l’ouverture, Nathalie Arroum a elle été mobilisée en réanimation à l’hôpital de Trappes avant de venir prêter main forte au vélodrome en mars 2021. Elle confie que la cadence « était quand même assez effrénée pendant quelques mois » au vaccinodrome et fait partie des éléments parfois les plus difficiles à surmonter. « Ce qui était dur aussi à un moment donné, c’est qu’on ne pouvait pas prendre les gens qui voulaient se faire vacciner parce qu’ils étaient trop jeunes », ajoute Corinne Matuba, autre infirmière du vélodrome.

Au total, « jusqu’à 380 injecteurs » se sont relayés, d’après Inès Ournid. Mais il a parfois fallu faire face à l’anxiété de certains patients. « L’atmosphère nationale faisait qu’il y avait pas mal d’angoisse de la part des patients, concède Nathalie Arroum. Il y avait l’épidémie, le fait de ne pas savoir, c’était un peu l’inconnu. On sait qu’on doit se faire vacciner, mais on ne connaît pas le vaccin, […]. Notre rôle à nous, c’était aussi de les rassurer, de les mettre en confiance. » Il a aussi fallu gérer les commentaires des patients les plus réticents au vaccin. « C’est arrivé à une période donnée d’avoir des patients qui étaient contre la vaccination et qui nous le renvoyaient à nous », avoue-t-elle.

Et forcément, dans les derniers patients du vélodrome, on en retrouve certains. Comme Mélanie, jeune Essonnienne qui a eu le Covid précédemment, mais voulait de toute façon « attendre un peu » avant de se faire injecter sa deuxième dose de Pfizer. Cynthia, qui l’accompagne, a elle reçu sa troisième dose la semaine précédente. « Je l’ai fait car le gouvernement l’a demandé, mais, sinon, je ne pense pas que je l’aurais fait, reconnaît-elle. Je n’ai pas envie de […] ne pas pouvoir sortir, aller au restaurant ou dans d’autres activités à cause d’un vaccin. »

60 % de non-Saint-Quentinois parmi les vaccinés

Mais pour Jean-Michel Fourgous, la majorité des patients passés par le vélodrome – qui étaient d’ailleurs pour 60 % d’entre eux des non-Saint-Quentinois – sont satisfaits. « Il y avait des gens qui ne voulaient pas se faire vacciner dans d’autres centres, il y avait une espèce d’image sécurisante, assure-t-il. Les entreprises, le gouvernement, l’ARS, ont vu la puissance de cet outil. […] Les commentaires étaient excellents, la presse était très présente et faisait l’écho de ce qu’ils disaient en sortant de la vaccination. D’ailleurs, ça a certainement augmenté l’envie de se faire vacciner, c’est ce qu’on m’a dit souvent. »

Et cette notoriété a dépassé les frontières françaises. « Sur toutes les chaînes internationales, on voyait ce vaccinodrome comme le modèle », avance le président de SQY. L’Agglomération a d’ailleurs été récompensée en septembre du prix « solidarité santé publique », dans le cadre des Trophées des territoires, pour son vaccinodrome. Inès Ournid, l’infirmière référente, salue elle l’« organisation militaire » sur place : « On rentre d’un côté, on ressort de l’autre, il n’y a jamais eu plus d’une heure d’attente […]. On faisait 2 500 [personnes] sur une matinée, il n’y avait pas de bouchons, rien. »

« On a, quelque part, inventé un nouveau service public d’urgence en cas de crise mondiale de cette violence-là, avance de son côté Jean-Michel Fourgous, assurant ainsi que le vélodrome serait prêt à répondre à une éventuelle nouvelle poussée épidémique : « On sait annuler des événements. […] Les équipes sont prêtes. 90 % des gens qui ont travaillé là sont prêts à se remobiliser. » En souhaitant bien sûr qu’il n’y ait pas besoin d’en arriver là.