À l’intérieur de l’orangerie de Jussieu, au château de Versailles, une ambiance solennelle et calfeutrée tranche avec le brouhaha extérieur des invités au vernissage. Ce mercredi 8 septembre, huit monolithes accordés comme des guitares accueillent les visiteurs qui n’hésitent pas à les animer. Ce début d’exposition est le résultat d’un travail soucieux, notamment réalisé par les travailleurs handicapés du théâtre Eurydice de Plaisir, également Établissement et service d’aide par le travail (Esat).

Habitués à travailler sur la construction de mobilier et l’aménagement, ils ont cette fois-ci changé leur méthode de travail. « Ils ont dû apprendre à sculpter des pièces. […] Ils ont basculé sur une partie artistique, explique Laurent Hamet, chargé de communication et relation publique au théâtre et animateur de l’atelier accueil communication au sein de l’Esat. Et c’est très valorisant car c’est exposé. » D’autres œuvres, réalisées cette fois-ci par des résidents de structures médico-sociales rattachées au centre hospitalier de Plaisir, sont à voir au fil de la visite. Celle-ci étant placée sous le signe de « l’étrange, de l’inattendu, du mystérieux », selon le dossier de presse du château de Versailles.

En effet, cette exposition contemporaine, intitulée D’un commun accord, présente essentiellement les œuvres de personnes en situation de handicap psychique, réalisées conjointement avec l’association Arts convergences, hébergée au centre hospitalier de Plaisir. Cette organisation vise à accompagner ces personnes dans des projets artistiques, individuels et collectifs, pour qu’ils obtiennent « la reconnaissance de leur talent et une insertion sociale », explique Laurence Dupin, présidente de l’association.

Pendant un an, une centaine de participants volontaires ont donc travaillé avec deux artistes contemporains au sein d’ateliers d’arts plastiques et sensoriels. Ces derniers ont mêlé la construction de structures géométriques réfléchissantes avec l’improvisation musicale à l’aide de pads électroniques et la fabrication de totems musicaux.

Cette expérience d’art thérapie est une manière inclusive de les faire sortir de leur zone de confort, en les mettant en contact avec d’autres personnes, pour qu’ils osent aller vers elles. En d’autres termes, « l’art est un médiateur un peu transitionnel, qui aide le patient à sortir de son état psychiatrique », résume Marie-Odile Pérouse de Montclos, ancienne cheffe de service de psychologie et pédopsychiatrie du centre hospitalier Sainte-Anne à Paris.

Des ateliers d’arts plastiques et sensoriels ont mêlé la construction de structures géométriques réfléchissantes, l’improvisation musicale à l’aide de pads électroniques, et la fabrication de totems musicaux.

C’est en effet ce qui semble s’être produit, lors de l’atelier musical avec Charles-Edouard de Surville, artiste contemporain, qui les a fait jouer sur des prototypes d’instruments et des pads. « Le point de départ, c’était de les faire penser avec leurs mains, d’utiliser leur gestuelle pour avoir une spontanéité collective, afin de renverser leur regard empêchant sur eux, et les faire sortir de leur zone de ‘‘confort-inconfort’’ », explique-t-il. L’objectif étant qu’ils apprennent à s’écouter pour jouer tous ensemble, ce qu’ils ont fait, selon lui.

Et les participants sont ravis de cette expérience. C’est le cas de Vincent, accompagné par l’œuvre Falret, qui gère les publics en souffrance psychique. C’était la première fois qu’il faisait un atelier musical. « Ce que j’ai préféré, c’est la recherche de son », raconte-t-il. D’ailleurs, il n’exclut pas de refaire ce type d’activité.

Il en est de même pour Benjamin, accompagné par une structure médico-sociale rattachée au centre hospitalier de Plaisir, qui s’est déjà inscrit pour faire des activités avec Arts convergences ces prochains mois. Il a notamment participé à l’atelier de construction de structures géométriques réfléchissantes. Très enjoué, il raconte : « C’était bien ! Ça permet de découvrir d’autres arts, que je ne connaissais pas du tout. J’ai vu qu’avec des couvertures de survie, on pouvait faire des trucs décoratifs. […] Ça m’a apporté de la joie de la bonne humeur et ça m’a permis d’oublier le Covid. »

C’est d’ailleurs Benjamin qui fera la visite de l’exposition à la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, Sophie Cluzel, également invitée au vernissage. « C’est vraiment valorisant pour eux », commente fièrement Nathalie Gounel, directrice des structures handicap de l’hôpital de Plaisir.

La reconnaissance de leur travail est un autre bénéfice de l’art thérapie. « On a des résidents qui ont besoin d’exister, car certains ne peuvent pas travailler au regard de leur handicap psychique, donc ils ont besoin de faire des choses », explique-t-elle. Ces personnes en situation de handicap étaient donc au centre de l’attention, lors de ce vernissage. La secrétaire d’État les a même mis à l’honneur en les qualifiant : « de créateurs, […] grâce à leur trouble. Vous avez des canaux que nous n’avons pas (pour créer, Ndlr). »