La sécurité ou l’écologie sociale, quelle priorité pour les candidats ? Quand l’alliance Europe écologie les verts (EELV) et Génération.s parlent des Franciliens qui quittent Paris, ils évoquent l’injustice sociale dans l’aménagement du territoire. Or lorsque Jean-Noël Barrot (Modem) – tête de liste du parti présidentiel et du Modem, derrière le candidat Laurent Saint-Martin (LREM) – évoque cette vague de départs, il fait lui référence « aux difficultés à se loger et à se déplacer à cause des problèmes d’insécurité ». Cette opposition entre le social – auquel s’ajoute l’écologie – et la sécurité, ponctue depuis le début cette campagne pour les élections régionales.
Deux camps semblent s’opposer dans leur choix de communication, lorsqu’il s’agit d’exposer les mesures phares de leur programme. La liste EELV et Génération.s, qui a pour tête de liste dans les Yvelines Ghislaine Senée (EELV), derrière Julien Bayou (EELV), défend « une alternative écologique et sociale ».
Lorsque La Gazette interroge Deynaba Diop (PS), adjointe aux Mureaux, et tête de liste dans les Yvelines derrière la candidate Audrey Pulvar (SE), celle-ci présente des mesures d’écologie sociale. « Bien sûr il faut s’occuper de l’urgence climatique, mais cela ne peut se faire sans tenir compte de l’urgence sociale », affirme la candidate au PS, qui mentionne tout de même le souci de l’insécurité dans les transports.
Nelly Dutu (PCF), l’ancienne maire de La Verrière et tête de liste dans les Yvelines pour le Parti communiste français et La France insoumise, derrière Clémentine Autain (LFI), préfère mentionner en premier lieu la nécessité de créer « un choc de solidarité ». Elle évoque aussi dans un second temps la transversalité de la protection de l’environnement dans toutes les décisions.
Jean-Pierre Mercier (Lutte ouvrière), tête de liste dans les Yvelines, derrière Nathalie Arthaud, défend plutôt un programme électoral de combat social avant d’estimer que le vrai écologiste est « un communiste révolutionnaire ».
À l’inverse, la présidente sortante de Région, Valérie Pécresse (Libres !), aussi tête de liste dans les Yvelines, a fait de la sécurité son fer de lance dans cette campagne. Lors de sa conférence de presse le 20 mai, sur « l’acte deux de la révolution des transports », elle parle de la sécurité comme d’« un sujet majeur », qu’elle souhaite renforcer dans les transports.
De même, Aurore Berger (LREM), député des Yvelines et deuxième sur la liste dans le département, derrière le député Jean-Noël Barrot (Modem), évoque en premier lieu la nécessité de créer « une police régionale dans les transports ». Elle aussi fait référence aux départs des Franciliens en raison d’un phénomène de délinquance en augmentation en Île-de-France. Pour autant, cela ne l’empêche pas d’aborder aussi les problématiques et mesures sociales et environnementales, même si la sécurité semble être mise plus en avant.
En revanche, pour le Rassemblement national, avec comme tête de liste dans les Yvelines Laurent Morin (RN), derrière Jordan Bardella, la campagne est entièrement axée sur la sécurité, « dans la mesure où il y a une accélération des faits dans la région Île-de-France, qui concentre les problèmes sécuritaires et notamment dans les transports », justifie-t-il. Laurent Morin fait aussi référence aux attaques de commissariats et aux derniers attentats islamistes dans le département.
Pourtant, la sécurité n’est pas une compétence directe de la Région. Seuls les transports, les lycées et l’enseignement supérieur, la formation professionnelle, le développement économique, l’aménagement du territoire et la gestion des programmes européens constituent ses compétences exclusives, comme l’énumère le site internet de Régions de France.
Alors, pour s’intégrer dans leur programme, la sécurité est diluée le plus souvent dans les mesures sur les lycées et les transports. Dans sa conférence de presse, Valérie Pécresse annonce par exemple pour le prochain mandat le recrutement de 1 000 agents de sécurité en plus dans les transports. Sachant que leur nombre a déjà quintuplé pendant les six dernières années, fait le bilan Othman Nasrou (Libres !), deuxième sur la liste des Yvelines. En plus, elle compte ajouter 100 équipes de maîtres-chiens.
Elle promet également la création d’un centre unique de commandement opérationnel, qui va réunir l’ensemble de la police nationale, la sûreté ferroviaire et bien d’autres dans le même lieu. « C’est le lancement d’une police des transports. Il y aura 80 000 retours caméra […] Toutes les forces de l’ordre seront géolocalisables », explique-t-elle.
La présidente sortante plaide également pour lutter contre le terrorisme en autorisant la reconnaissance faciale dans les transports. « On n’a pas le droit dans les transports en commun, et je pense que ce serait nécessaire pour avoir la même sécurité que dans les avions », justifie-t-elle.
La liste LREM-Modem souhaite également créer une police régionale dans les transports, afin de favoriser la coordination avec les forces de l’ordre. Ce dispositif s’accompagnerait de vidéoprotection dans les lignes. Jean-Noël Barrot évoque aussi la création d’un poste de délégué à l’anti-terrorisme et la création d’une académie de la police municipale pour lutter contre « les difficultés de recrutement ».
Le Rassemblement national, lui, veut aussi renforcer cette présence dans les transports. « On souhaite deux équipes de deux agents armés dans toutes les gares d’Île-de-France. Au total il y en aura 1 000 », expose Laurent Morin.
Les lycées sont également dans le viseur du volet sécurité. Jean-Noël Barrot demande des vidéos de protection aux abords des établissements des lycéens, tout comme le Rassemblement national, qui souhaite renforcer ce réseau de surveillance. Othman Nasrou annonce le doublement des brigades régionales de sécurité, qui interviennent déjà dans certains lycées à la demande des chefs d’établissement. « Il y a eu mille interventions depuis leur création », précise-t-il, en ajoutant les 1 200 opérations de sécurisation des lycées, comme l’installation de clôtures. « Et on va continuer », promet-il.
Mais le volet sécuritaire n’a pas le monopole de toutes les mesures vouées aux transports et aux lycées. Valérie Pécresse souhaite par exemple doubler l’offre de trains avec l’arrivée du Grand Paris express. « D’ici 2025, il n’y aura plus de bus roulant au diesel », ajoute Othman Nasrou, qui prévoit aussi un transilien 100 % électrique d’ici 2025, l’augmentation des pistes cyclables ou encore un ticket à prix unique de 4 euros pour se déplacer en Île-de-France.
La liste LREM promet quant à elle la gratuité des parkings aux abords des gares. « Les tarifs ne sont pas les mêmes d’une gare à une autre. Il y a un problème d’égalité. Et c’est un coût qui n’est pas négligeable pour les familles », explique Aurore Berger, qui souhaite encourager l’usage des transports en commun. Du côté des lycées, les deux listes veulent poursuivre la rénovation des établissements.
Néanmoins, les autres candidats, issus des familles politiques à gauche de l’échiquier politique, ne mentionnent quasiment pas la sécurité dans leurs mesures. L’écologie sociale est au centre de leur communication et c’est l’axe transversal de leurs principales propositions.
Pour les lycées par exemple, la liste EELV-Génération.s, celle du PS et celle du PCF-LFI se retrouvent sur beaucoup de points mêlant l’écologie et le social, malgré leur refus de présenter une liste unique. Ainsi, Audrey Pulvar s’engage à alimenter les cantines de produits bio et locaux. Julien Bayou défend la même idée, avec Morgan Jasienski, colistier sur la liste des Yvelines, qui affirme, lors d’une conférence de presse, avoir l’objectif que 100 % des aliments dans les cantines des lycées soient bio et de proximité. « C’est une mesure au carrefour du social et de l’environnement. On va du champ à l’assiette », affirme-t-il. Enfin, Nelly Dutu promet qu’en six ans, 80 % de l’alimentation dans les cantines sera bio.
Sa liste veut d’ailleurs aller plus loin en promettant, comme première mesure du mandat, la gratuité des cantines dans les lycées pour la quatrième tranche du quotient familial, selon l’ancienne maire de La Verrière. Quant à Lutte ouvrière, Jean-Pierre Mercier veut « inverser la tendance » en augmentant le nombre d’agents et de personnels enseignants, comme les infirmiers et les assistants sociaux. Il souhaite également agrandir les établissements.
Sachant que seulement cinq lycées sur les 14 annoncés ont été créés depuis l’arrivée de Valérie Pécresse à la présidence de la Région. « Le bilan est catastrophique », lâche Ghislaine Senée, qui tente d’alerter sur l’urgence de la rénovation énergétique des établissements et la création de nouveaux.
Sur la compétence régionale des transports, leurs idées vont dans le même sens encore une fois, afin de promouvoir la solidarité et la lutte contre le réchauffement climatique. Nelly Dutu annonce la gratuité des transports pour les moins de 25 ans et pour les bénéficiaires des minima sociaux. Une mesure qui devrait s’appliquer dans les six premiers mois, s’ils accèdent à la présidence.
C’est également la première mesure du programme d’Audrey Pulvar : « La gratuité progressive des transports en commun, qui concernera d’abord les moins de 18 ans dans toute l’Île-de-France, puis les demandeurs d’emploi ayant entre 18 et 25 ans, puis les personnes en situation de handicap, etc. » Lutte ouvrière défend également la gratuité des transports.
L’aménagement du territoire, et notamment le financement des logements sociaux, est une autre mesure qui revient régulièrement dans le programme des différentes listes. « Dans les Yvelines, il y a 19 communes qui ne respectent pas la loi Solidarité et renouvellement urbains (SRU), (qui impose un certain pourcentage de logements sociaux par ville, Ndlr) », pointe Nicolas Hue (DVG), conseiller municipal aux Clayes-sous-Bois et colistier sur la liste EELV-Génération.s.
Selon lui, 73 % des Franciliens peuvent y prétendre. Mais Valérie Pécresse « a baissé l’aide aux logements sociaux et nous voulons reporter cette aide [sur plusieurs] aménagements pour aider la construction de logements et les rendre [très peu] énergivores », présente-t-il. Nelly Dutu propose quant à elle 30 000 créations de logements sociaux par an, « pour rétablir l’équilibre. […] Il y a 720 000 personnes qui sont en attente d’un logement social », affirme-t-elle.
Mais la liste de Julien Bayou souhaite aller plus loin dans l’aménagement du territoire. Les candidats souhaitent développer le polycentrisme en Île-de-France. Il s’agit de « redévelopper des centres actifs partout sur l’ensemble du territoire et se déplacer plus facilement », explique Benoît Hamon, deuxième sur la liste EELV de Ghislaine Senée dans les Yvelines. Il fait référence au rapprochement des services, des transports et des métiers des habitations, pour éviter des temps de trajet de plusieurs heures.
Ainsi, il n’y a plus qu’à attendre les dimanches 20 et 27 juin pour savoir quel programme et quelle ambition remportera les élections régionales.