La première bière que l’on dégustera en terrasse aura une saveur particulière. Et le moment est enfin venu ! Mercredi 19 mai, conformément au plan de déconfinement du gouvernement, les terrasses des bars et restaurants rouvrent, après pratiquement sept mois de fermeture. Autant dire que l’impatience est là, côté clients comme côté restaurateurs.

« On a la patate, confie Damien Bouteloup, salarié-gérant du restaurant Le Tablier, à Montigny-le-Bretonneux. On n’attend que ça, et on va suivre la réglementation. » « On est motivés, on a pris la décision de rouvrir la terrasse dès le 19 », fait de son côté savoir Romain Gicquel, propriétaire de la Ferme de Voisins, à Voisins-le-Bretonneux.

Évidemment, il faudra composer avec une météo qui risque d’être capricieuse. Le jour de la réouverture, des pluies éparses sont prévues. Idem le lendemain. « On est prêts, mais on ne sait pas si on va ouvrir, car il y a un problème de météo », concède Aurélien Lecluyse, gérant du Cozy et du O’Roaster à Plaisir. « On n’est pas fous non plus, on sait bien que l’ouverture tiendra par rapport au temps et à la météo », glisse quant à lui Romain Gicquel.

Composer avec la météo, mais aussi, bien sûr, avec les restrictions sanitaires. Six personnes au maximum par table, interdiction de consommer debout, port du masque obligatoire pour le personnel, mais aussi pour les clients avant le service de leur premier plat et au moment du paiement, nécessité d’aérer régulièrement, et jauge limitée à 50 % de la capacité totale de la terrasse, sauf pour les terrasses de dix tables ou moins, qui devront par contre mettre en place une séparation entre chaque table. Sans oublier le couvre-feu, qui passe toutefois de 19 h à 21 h à partir du 19 mai.

Autant de contraintes, comme pour rappeler, s’il est nécessaire, que si la décrue s’accélère à l’hôpital, le virus est toujours bien là. Ce virus qui a conduit ces professionnels à fermer de nouveau leurs portes en octobre dernier lors de l’entrée en vigueur du deuxième confinement, après déjà plus de trois mois de fermeture de mars à juin 2020 liés au premier confinement. Ils ont donc été réduits à la vente à emporter.

« Depuis le 1er mai de l’année dernière, on a lancé une formule à emporter, précise Damien Bouteloup. On l’a super bien développée, on a beaucoup de clients […] habitués […].On fait beaucoup moins d’horaires, on ne livre que le soir, des produits frais, froids, à réchauffer. [Les clients] sont fidèles, ils ne nous ont pas lâchés. » À la ferme de Voisins, « on a mis en place un système de click and collect depuis le mois de janvier, en retrait sur place ou en livraison », évoque Romain Gicquel, avançant que son restaurant « avait de la demande de [ses] clients, et on avait aussi l’équipe qui était demandeuse, qui avait envie de revenir au boulot ».

Au Cozy – désormais renommé Caffe Moretti avec, en plus de la carte déjà existante, une sélection italienne comportant par exemple « un nouveau concept de focaccia maison, en club sandwich, pizzetta » -, les livraisons et la vente à emporter représentent 10 % du chiffre d’affaires mensuel, selon Aurélien Lecluyse. Un chiffre similaire à la Ferme de Voisins. « Ce n’est pas forcément très rentable, mais ça permet un peu de stopper l’hémorragie, et de remettre tout le monde au boulot, nous, de revoir nos clients, et de revoir et continuer à faire bosser nos fournisseurs, car c’est important de continuer à garder un lien avec tout le monde, il y a tout une chaîne derrière tout ça », affirme Romain Gicquel, soulignant aussi l’importance de « redonner un peu la mémoire du geste » à sa quinzaine de salariés.

Pour la terrasse, il pourra bénéficier d’« une belle cour qui nous sert de terrasse », donc « même avec la jauge, on va pouvoir accueillir encore une cinquantaine de personnes », ajoute-t-il. « Bien sûr, ce n’est pas le top du top (la terrasse accueille plus d’une centaine de personnes en configuration normale, Ndlr), on va être peut-être un peu courts niveau viabilité, admet le restaurateur. Mais je pense que les clients attendent de pouvoir revenir s’asseoir chez nous à nos tables, et nous, on a besoin de refaire bosser nos équipes, et de se relancer, donc on a hâte de redémarrer. » Au Caffe Moretti (ex-Cozy) et au O’Roaster, ce sont « une trentaine de couverts sur chaque restaurant, par service » qui seront dressés, « donc 30 % de notre chiffre d’affaires », d’après Aurélien Lecluyse. Au Tablier, « habituellement, l’été, j’arrive à sortir 70 personnes en terrasse, donc je pense que je pourrai faire 35 ou 40 », indique Damien Bouteloup.

Certains préfèrent attendre le 9 juin

Même avec peu de couverts, même avec une rentabilité limitée, ces établissements, comme d’autres dans le département et dans le pays en général, souhaitaient réaccueillir du public, comme l’explique Philippe Pain, président de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie des Yvelines (UMIH 78) : « Les gens, moralement, en ont marre, ils veulent retravailler. Donc même ceux qui pensent que ça ne va pas être rentable, ils vont quand même rouvrir, car ils n’en peuvent plus. »

Néanmoins, il tempère et affirme aussi entendre « de plus en plus » de restaurateurs qui préfèrent attendre le 9 juin ou « qui hésitent ». Le 9 juin, c’est-à-dire lorsque les terrasses pourront accueillir des clients à 100 % de leur capacité (mais tout en maintenant la règle de six personnes maximum par table) et que le service sera également possible en intérieur avec des jauges à 50%, et toujours des tables n’excédant par six clients. Et de poursuivre : « Il y a des restaurateurs qui ne peuvent pas s’en sortir, même avec leurs terrasses, donc ils préfèrent quand même rester fermés et ouvrir le 9 juin quand tout sera ‘‘libre’’. »

Le président de l’UMIH 78 se montre également mécontent de la jauge à 50 %, qu’il estime avoir été annoncée beaucoup trop tard par le gouvernement. « C’est le coup de massue. C’est un gros problème, car les restaurateurs étaient restés sur le protocole habituel », estime-t-il. D’autres relativisent, comme Romain Gicquel. « C’est une surprise dans le sens où ils ne l’avaient pas annoncé au début. Maintenant, […], je me doutais bien qu’on n’allait pas nous relâcher comme ça », estime le propriétaire de la Ferme de Voisins. D’autres restaurants interrogés ne sont eux pas concernés, car ils ont dix tables ou moins. C’est le cas du O’Roaster et du Caffe Moretti.

Ils se montrent en revanche unanimes sur les aides versées, qui ont permis de traverser cette période, comme le fonds de solidarité, mais aussi des aides de la Région et du Département. Sans oublier bien sûr le chômage partiel qui a permis à ces restaurateurs de ne pas se séparer de personnel. « Le chômage partiel a vraiment aidé. Donc il n’y a pas eu de licenciements », assure Aurélien Lecluyse, qui a une vingtaine de salariés au Caffe Moretti et une dizaine au O’Roaster, en plus d’un restaurant à Crespières. Il révèle avoir néanmoins eu trois salariés qui ont opté pour un « changement de vie » et sont donc partis d’eux-mêmes : « Ils ont goûté à la vie familiale à la maison et à ne pas travailler le soir, ça joue. »

Il y a également le Prêt garanti par l’État (PGE), « mais ça, ce n’est pas une aide, il va falloir rembourser », rappelle Philippe Pain, qui aimerait que les échéances du PGE soient repoussées, estimant que « pas avant 2023 ou 2024, il faudrait commencer à rembourser ». « Les aides de l’État sont quand même importantes […]. On est un des pays qui a le plus aidé le commerce », pense le président de l’UMIH 78.

Il s’inquiète néanmoins de l’après-aides, une fois que celles-ci ne seront plus versées. « Tout le monde est sous perfusion, constate-t-il. Le fonds de solidarité est jusqu’à fin mai, donc on verra vraiment à partir du 1er juin […] ce que ça va donner, et si les restaurateurs peuvent vraiment recommencer un cycle pour s’en sortir. Le PGE va être repoussé, on l’a fait repousser d’un an pour les remboursements. […] Le chômage partiel va perdurer, mais avec des pourcentages qui vont baisser au fil des réouvertures. » Et d’ajouter : « Pour les faillites, on verra ça en septembre ou octobre. » Mais il se montre assez pessimiste : « De toute façon, [la question n’est pas] s’il y en aura ou pas, mais combien. »

Mais pour l’instant, l’heure est à l’impatience, qui va bientôt laisser place à la satisfaction de retrouver du monde assis à table. Et malgré les incertitudes climatiques, les réservations ne se sont pas fait attendre. « Pour l’instant, on part sur un complet mercredi » (le 19, Ndlr), nous informait le gérant du Tablier la semaine dernière. « On a déjà de la réservation », abonde Romain Gicquel, à la Ferme de Voisins, qui tient à rassurer : « On sait ce que l’on fait sanitairement parlant ». Beaucoup ont hâte, même de manière restreinte. En attendant un allègement des contraintes le 9 juin et une « vraie » réouverture en pleine capacité, dehors comme dedans, le 30 juin.

Déconfinement : ce qui rouvre le 19 mai

Outre la réouverture des bars et restaurants en terrasse, ce mercredi 19 mai est un grand jour en matière de déconfinement en France, avec la réouverture, sous un protocole sanitaire strict, de nombreux lieux accueillant du public.
Culture
– musées : jauge de 8 m2 par personne.
– cinémas et salles de spectacles : jauge à 35 %, plafond de 800 spectateurs.
Commerces « non essentiels »
– un client à la fois dans les enseignes de moins de 8 m2, et minimum de 8 m2 par client pour les magasins ayant une surface plus importante.
– pour les marchés couverts, 8 m² par client. 4 m2 pour les marchés en extérieur.
Cérémonies religieuses et mariages civils
Pour les mariages, un siège sur trois, en quinconce entre chaque rangée. Pour les enterrements, 50 personnes maximum.
Équipements sportifs (stades, piscines)
Pour la pratique, réservés aux publics prioritaires comme les scolaires. Pour le public, jauge à 35 % et plafond de 1 000 spectateurs.