« On repart à zéro. » Les mots de Michel Guillo, élu syndical Sud Hachette, illustre à la fois le flou et l’inquiétude dans lesquels se retrouvent de nouveau les salariés du site de Maurepas-Coignières du géant de l’édition. Hachette prévoyait en effet un déménagement de cette implantation d’ici 2026-2027.

C’est d’abord la commune d’Allainville, dans le Sud des Yvelines, qui était pressentie pour accueillir ce site logistique de distribution de livres, avant que le groupe se tourne vers Germainville, en Eure-et-Loir. Finalement, Arnaud Lagardère, PDG d’Hachette livre, a, lors de ses vœux au personnel, le 12 janvier dernier, annoncé l’annulation du projet d’installation à Germainville. Toujours lors d’une cérémonie de vœux, mais ceux de SQY cette fois, le 25 janvier, le président de l’Agglomération, Jean-Michel Fourgous (LR), avait déclaré que Hachette allait « moderniser son site à Maurepas pour continuer son aventure à SQY ».

L’abandon de l’option Germainville serait donc une bonne nouvelle pour la zone d’activités de Maurepas-Coignières et pour le territoire de SQY. Mais la prudence reste de mise. Depuis la prise de contrôle en novembre dernier de Lagardère, maison mère du groupe Hachette, par Vincent Bolloré et même avant, l’heure est certes désormais à repenser le projet d’ensemble plus qu’a annoncer un départ vers une autre commune. Mais rien n’est moins sûr d’ici quelques années.

« Depuis avril dernier, nous avons été soucieux des dérapages financiers du projet. C’est une saine décision de gestion de l’arrêter pour mieux le repenser sans réduire pour autant nos ambitions de développement », nous indiquait Hachette par courriel, fin janvier. Du côté des syndicats, s’il affirme n’en savoir « pas plus », Michel Guillo nous donne malgré tout quelques précisions. « Ils passaient de 150 à 350 millions d’euros une fois chiffré, donc le projet aurait été explosé », confie l’élu Sud Hachette.

« Ça a été annoncé de but en blanc, ça a été assez brutal », estime-t-il. Chez les 500 à 600 salariés du site, l’heure est plutôt à la préoccupation. « Les salariés sont inquiets et ne savent pas ce qui va se passer. Ils avaient commencé à se projeter en se disant ‘‘Ça y est, c’est Germainville’’, car on était début janvier [2024], donc le délai de purge était passé (la modification du permis de construire avait été demandée par Hachette, mais il y avait un droit de regard dessus par les habitants, et ils avaient jusqu’au 25 décembre pour se prononcer, après ce délai le promoteur pouvait lancer les travaux). Et du jour au lendemain, on leur coupe l’herbe sous le pied et on leur dit ‘‘Non, en fin de compte, ça ne se fait plus là’’. Et là, on repart à zéro », témoigne Michel Guillo rappelant que le projet de modernisation date de fin 2019.

Pour les salariés, qui vivent majoritairement autour de SQY, voire à Paris ou Palaiseau pour certains, rester à Maurepas serait une préférence. « Dans l’immédiat, les gens sont rassurés, mais pour plus tard…. , se méfie Michel Guillo. Ils (Hachette, Ndlr) vont reprendre des investissements sur le site de Maurepas le temps de finaliser le projet. Mais à date, ils n’ont pas prévu de rester forcément à Maurepas. »

Satisfaction et prudence aussi dans les mots du maire DVD de Maurepas, Grégory Garestier : « C’est une bonne nouvelle pour Maurepas et Coignières. Pour autant, il faut rester vigilants, car c’est une entreprise qui aussi, accuse son âge, a besoin d’être restructurée, rénovée. S’ils peuvent rester sur Maurepas et Coignières et engager des fonds pour rénover le bâtiment existant, tant mieux. […] Après, s’ils ont une volonté de déménager et rester sur SQY, […] on les accompagnera pour déménager sur SQY. L’objectif, c’est qu’on garde quand même ce fleuron sur le territoire. »

Son collègue coigniérien, Didier Fischer (DVG), partage ce sentiment, avec peut-être une pointe de pessimisme en plus : « Pour nous, c’est plutôt une bonne nouvelle qu’ils restent, mais je ne me fais pas non plus d’illusion démesurée, dans la mesure où ils ont besoin de moderniser leur outil. […] . Il y a un travail [de SQY], pour essayer de rechercher des lieux, mais c’est compliqué de trouver 17 ha aujourd’hui. Je pense qu’ils sont dans une logique qui n’est pas celle de rester. Quand ils ont annoncé qu’ils n’allaient pas à Germainville, j’ai eu les responsables au téléphone, et ils m’ont laissé entendre qu’ils étaient en recherche d’autre chose […] et que ça allait décaler le projet. […] Mais peut-être que d’ici là, on aura trouvé un terrain à SQY, mais c’est compliqué. On avait un terrain en L à Trappes, mais ça avait un coût à mon avis plus élevé que l’installation à Germainville. »

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