« On va faire des annonces fortes pour que Gérald Darmanin nous entende, afin qu’on ne devienne pas Chicago dans quelques années, car on nous aura oubliés sur le bord de la route », lance en colère Joséphine Kollmannsberger, maire de Plaisir (LR), ce lundi 26 avril au matin. Elle rejoindra quelques heures plus tard ses consœurs et confrères des autres communes, lors d’une conférence de presse pour dénoncer le non-renfort de policiers dans la circonscription de police. Celle-ci comprenant Saint-Cyr-l’École, les Clayes-sous-Bois, Villepreux, Plaisir, Bois-d’Arcy, et Fontenay-le-Fleury.

Cette conférence, qui sera suivie d’une lettre cosignée par les six maires des communes concernées, fait suite aux annonces du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin. Le 19 avril, les maires et policiers de la circonscription de Plaisir ont appris qu’une création de 128 postes aurait lieu, en 2021, dans les Yvelines. 23 fonctionnaires seront notamment affectés à la circonscription d’Élancourt, 39 à celle de Saint-Germain-en-Laye, et aucun à celle de Plaisir… Ce qui ne laisse pas indifférents les maires des communes.

« La clé de répartition »

« Il y a de la déception et de l’incompréhension », affirme Jean-Baptiste Hamonic, maire de Villepreux (Modem). Ce sentiment est partagé par la maire de Plaisir, qui est aussi très en colère : « Je suis dans l’incompréhension totale », même si elle reconnaît que les grandes métropoles ont de plus grands besoins qu’eux. Une source policière confie également qu’elle n’en sait pas plus que les autres : « Je suis tout aussi étonnée de l’incapacité qu’on a à avoir une explication sur la répartition. On ne sait pas sur quel référentiel ils ont mené ces renforts. »

Il s’agirait pourtant d’une « répartition géographique […] faite en fonction de formules de calcul utilisées partout en France par la direction générale de police nationale », répond dans un mail la préfecture des Yvelines, sans donner plus d’informations. Cette méthode s’appelle « la clé de répartition », qui se baserait sur de nombreux outils statistiques pour recenser « les faits constatés, les dépôts de plainte, les actes de délinquance, le ratio population et effectifs de police », tente d’expliquer Julien Le Cam, secrétaire régional du syndicat de police Alliance police nationale.

« C’est hyper opaque, poursuit-il. Il y a un moment, il faut sortir des statistiques et coller à la réalité du terrain. Nous, nos statistiques sont vachement faussées et orientées en fait. » En effet, les maires et les effectifs de police ont justement observé ces derniers temps une recrudescence des violences sur le territoire. « Nous avons une montée en puissance des incivilités sévères ces dernières semaines », observe Joséphine Kollmannsberger, en donnant l’exemple des Clayes-sous-Bois où chaque nuit il y a des problèmes de tirs de mortiers et des rodéos moto.

Jean-Baptiste Hamonic fait le même constat : « Je le vois sur Villepreux aussi. On a des tirs de mortiers récurrents et des provocations pour faire venir la police. » Il donne l’exemple du quartier de la Pointe à l’ange où les tirs de feux d’artifice commenceraient de plus en plus tôt en journée, selon lui. Et Plaisir ne fait pas exception. La semaine dernière, les effectifs ont été pris à partie à plusieurs reprises et même plusieurs fois par jour. Le commissariat de la commune a même été visé par une quinzaine de tirs de feux d’artifice le 24 avril vers 23 h. Le lendemain, c’est le CRA qui était dans le viseur. Des mortiers ont été lancés dans la cour.

« Je ne peux que constater une augmentation de ces problématiques, commente la maire de Plaisir. Encore une fois, le terrain est vu comme un bon indicateur. » D’autant plus qu’en face, les policiers peinent à donner une réponse efficace en raison du manque d’effectifs. « Quand la police nationale est mobilisée le week-end sur un tas de sujets prioritaires, c’est vrai que c’est compliqué. Il n’y a pas beaucoup d’agents pour pouvoir être réactifs », observe le maire de Villepreux.

Le département a perdu 300 fonctionnaires

La circonscription de Plaisir aurait donc besoin d’effectifs supplémentaires. Sachant qu’« en deux ou trois ans, on en a perdu une quinzaine », comptabilise une source policière. Selon elle, il y aurait des besoins sur la voie publique pour renforcer les patrouilles. Les groupes judiciaires nécessiteraient plus d’enquêteurs également pour traiter le flux important des affaires. Les fonctions supports sont également concernées par ce manque d’effectifs, selon cette même source.

Mais même s’ils obtenaient ces renforts, ces derniers ne viendraient que remplacer les départs à la retraite et les mutations annuelles. Ils ne seraient pas une véritable « plus-value », selon Julien Le Cam, d’Alliance police nationale. « On est début 2021, ils nous annoncent ça jusque fin 2022, c’est un peu plus d’un an et demi, et au final, nous, il y a rien de nouveau, regrette-t-il. […] [128] arrivées (dans les Yvelines, Ndlr) sur deux ans, c’est ce qui nous arrive en temps normal. » Sachant qu’en six ans, le département a perdu 300 fonctionnaires, selon lui.

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