Les étudiants sont enfin retournés sur les bancs de l’université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ), en début de semaine dernière. Alors que certains étudiants avaient déjà repris quelques semaines auparavant. « C’était un besoin, car ça devenait long », témoigne, soulagé, Hamdi, étudiant étranger en première année de droit à l’UVSQ. Le 11 février, à midi, il sort tout droit du restaurant Vauban à Guyancourt, où il a pu bénéficier du repas à un euro, généralisé à tous les élèves depuis décembre. « C’est très pratique quand on a cours toute la journée jusqu’à 18 h et qu’on habite pas loin », affirme l’étudiant originaire de Tunisie. Hamdi est en présentiel une semaine sur deux.

En première année de droit, les Travaux dirigés (TD) sont hybrides et les classes sont divisées en deux groupes. La première semaine, l’un a cours avec le professeur en présentiel, pendant que l’autre groupe suit le cours en direct depuis son ordinateur. Et la semaine d’après ils alternent, selon les explications d’Hamdi. En revanche, les cours magistraux restent à distance. Mais cette pratique ne s’applique pas à tous les Unités de formation et de recherche (UFR) et à toutes les niveaux d’études. « Afin de s’adapter au mieux aux spécificités et contraintes de chaque formation […], chaque institut et unité de formation et de recherche est autonome pour définir une organisation la plus appropriée du retour en présentiel des étudiants », explique Christine Etchemendigaray, vice-présidente de la formation, de la vie universitaire et numérique, à l’UVSQ.

Au maximum 20 % des étudiants sur place

Par exemple, en sociologie, les étudiants en licence une, deux et trois, ont cours en présentiel entre une journée et une demi-journée par semaine, selon Muriel Mille, enseignante chercheuse en sociologie. Ces adaptations font suite aux annonces du gouvernement en janvier dernier. Lors d’une visite à l’université Paris-Saclay, Emmanuel Macron avait annoncé une reprise des cours en présentiel un jour sur cinq, soit « la présence simultanée d’au maximum 20 % des étudiants sur chacun des sites, associée au respect de la jauge de 50 % des capacités d’accueil de chaque salle et amphithéâtre », précise la vice-présidente de l’UVSQ.

Sachant que les première année ont déjà repris les cours en présentiel fin janvier. Et « dans certaines disciplines comme les sciences, la santé, ou les formations techniques dans les IUT, les travaux pratiques avaient déjà repris en petits groupes il y a quelques semaines, par roulement », illustre Christine Etchemendigaray. Mais tout le monde n’a pas encore accès au présentiel. « J’ai des amis qui sont en langue étrangère et qui ne peuvent pas revenir », constate Hamdi. Juste après lui, devant le restaurant de Vauban, deux étudiantes doublantes en première année de médecine racontent à regret ne pas être concernées par la reprise physique des cours. « On l’attendait ce retour. On voulait faire nos concours blancs pour revoir les gens et généralement, il y a une bonne ambiance », déplore Lise. « Là, on est venus le premier jour en septembre et le jour du concours, c’est tout », se rend compte Camille.

Mais si l’UVSQ n’ouvre pas ses portes à tous ses étudiants, c’est en partie en raison d’un manque d’espace, de salles de cours ou d’impossibilités en termes d’emploi du temps. Rien que dans les bâtiments d’Alembert et Vauban, coexistent l’UFR des lettres, langues et histoire, la gestion, et l’UFR des sciences sociales, selon Muriel Mille. En respectant les restrictions d’accueil, il n’y a pas assez de place pour accueillir tout le monde. Cette situation est difficilement vécue par les étudiants et leur santé mentale en pâtit. « On a l’impression qu’on est isolés », renchérit Camille. Et l’UVSQ en a conscience. « Il apparaît clairement que les étudiants vivent très difficilement la crise sanitaire », reconnaît la vice-présidente. Pour en rendre compte, la fédération des associations étudiantes de l’UVSQ, Interassos, a réalisé un sondage sur l’état d’esprit des étudiants et leur rapport aux études.

S’adressant à tous les élèves de l’UVSQ, dont ceux affectés au campus de Guyancourt, il a été réalisé entre le 1er et le 6 décembre dernier. 819 réponses ont été enregistrées sur les 19 000 étudiants que comptent les cinq campus de l’UVSQ, sachant que la moitié des réponses viennent du campus de Guyancourt, qui compte au total 9 000 étudiants. Bien que la représentativité du sondage ne soit pas suffisante, il est déjà évident que sur ce nombre de réponses restreint, la santé mentale des étudiants se fragilise et qu’elle a des répercussions sur leur motivation au travail. 40 % des répondants affirment ne pas savoir s’ils vont aller au bout de leur année et 28 % pensent qu’ils ne la valideront pas, selon les résultats obtenus.

« Avec 8 heures de visio par jour, c’est dur »

Les conditions d’études semblent jouer un rôle important dans ce changement d’état d’esprit. À la question « as-tu déjà pensé à arrêter tes études à cause des conditions d’études dues à la crise sanitaire ? », 30 % des interrogés ont répondu oui. « Ce résultat sous-entend qu’avoir beaucoup de cours en zoom, de ne plus assister aux TD en présentiel, tout cela conduit les étudiants à plus d’isolement dans leur logement », constate Armelle Debreuil, étudiante en troisième année de médecine, à l’origine du sondage. Le décrochage scolaire semble inévitable pour certains. 25 % des répondants au sondage auraient déjà décroché (même si, chaque année, un certain nombre d’étudiants en licence 1 décrochent). « Au premier semestre c’était compliqué. Certains avaient du mal à suivre. En même temps, avec 8 heures de visio par jour c’est dur. Ils n’ont pas toujours des pièces à eux, un ordinateur personnel ou une bonne connexion wifi. […] Cela crée des inégalités », observe Muriel Mille.

L’UVSQ n’a pas de données spécifiques sur le sujet, mais elle confirme : « Certains ont des difficultés à suivre leur formation en tout distanciel, parfois sans interactions sociales et ils peuvent se retrouver démotivés », indique Christine Etchemendigaray. Alors, le retour à l’université pourrait en soulager quelques-uns. 76 % des interrogés veulent revenir mais une majorité d’entre eux le souhaitent, à condition que la situation sanitaire le permette. « Certains étudiants ont des problèmes de santé ou […] habitent loin et ne peuvent revenir pour un seul cours », constate Muriel Mille.

L’engouement du retour n’est donc pas si évident. Par exemple, à l’Institut d’administration des entreprises de Versailles (ISM-IAE-UVSQ), qui regroupe cinq masters, un questionnaire a été envoyé aux étudiants concernant leur retour, selon Antoine Riffoneau, en master 2 management et communication des organisations. 85 % des étudiants ont répondu et 62 % ne seraient pas favorables à un retour sur site.