Trois universités, quatre grandes écoles, 9 000 enseignants-chercheurs et quelques 65 000 étudiants. Le compte à rebours est lancé pour la création de l’université Paris-Saclay, établissement public en gestation depuis plus de 10 ans, et dont les instigateurs espèrent qu’il deviendra un poids lourd de l’enseignement supérieur à la reconnaissance internationale. Prévu pour se concrétiser au 1er janvier 2020, date de la création officielle de Paris Saclay, le projet rassemble l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ), l’université Paris-Sud, l’université d’Evry, l’institut d’optique graduate school, les écoles Centralesupélec et AgroParisTech et l’ENS Paris Saclay.

Les établissements travailleront en étroite collaboration avec sept instituts de recherche parmi lesquels l’INRA et le CNRS. Le projet prévoit la mutualisation des offres de formation et la mise en commun des moyens des entités, rassemblant par là-même 9 000 enseignants-chercheurs et 65 000 étudiants sous une seule bannière. Si une partie du campus de l’université Paris-Sud devra se déplacer depuis Cachan jusqu’au plateau de Saclay, les campus yvelinois de l’UVSQ resteront à leur place.

Mardi 12 février, sur le site parisien d’AgroParisTech, les présidents et directeurs des établissements prenant part à l’aventure se sont rassemblés pour dévoiler les grandes lignes de ce projet de plus d’un milliard d’euros, qui prévoit pour 2025 la fusion de l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines dans l’ensemble Paris-Saclay. Éclatée sur les différents campus des établissements, l’université siégera sur le plateau de Saclay, à 20 kilomètres de Paris.

Le projet ne date pas d’hier, puisque la création de l’université Paris-Saclay a débuté en 2006. 100 % des doctorats des universités sont mutualisés depuis 2015 et 70 % des masters proposés par l’UVSQ sont eux aussi labellisés « Paris Saclay ». « C’est une université qui s’inscrit aujourd’hui dans le cadre du dispositif expérimental prévu par l’article 28 du projet de loi pour un État au service d’une société de confiance », indique Sylvie Retailleau, présidente de l’université Paris-Saclay. Les universités, parmi lesquelles l’UVSQ, seront associées à Paris-Saclay en 2020 par une convention qui prévoira notamment leur trajectoire d’intégration pour 2025, date de la fusion.

« La marque université de l’UVSQ est donc destinée à disparaître, remplacée par celle de Paris Saclay », explique Alain Bui, président de l’UVSQ. Les cinq campus et 39 structures de recherche de l’UVSQ, répartis entre Versailles, Saint-Quentin-en-Yvelines, Velizy, Rambouillet, Mantes-la-Jolie et Mantes-la-Ville, comptant pas moins de 20 000 étudiants, vont donc progressivement passer sous l’égide de l’université Paris-Saclay.

L’UVSQ, un des membres fondateurs de Paris-Saclay, sera liée par convention à la nouvelle université dès 2020.

« La stratégie de l’université définira les orientations de recherche et de formation pour répondre à sept défis sociétaux, a détaillé Sylvie Retailleau lors de la présentation du projet le 19 février. La santé et le bien-être, l’énergie, le climat et l’environnement, la biodiversité, la transformation numérique et l’intelligence artificielle, les transports et mobilités, l’aéronautique et le spatial et le renouveau industriel. » Pour cela, l’université comprendra entre 12 et 15 graduate schools, filières qui vont rassembler par thématiques les 45 formations de masters et les doctorats.

Les graduate schools sont elles-mêmes divisées en trois pôles majeurs : les sciences de la vie et la santé, les sciences de la vie et l’ingénierie, et les sciences humaines et sociales. « Il y a déjà aujourd’hui des ‘‘schools’’, explique Alain Sarfati, président de l’université Paris-Sud. Ces outils ont permis le décloisonnement et la mutualisation entre nos établissements […] ce sera une très grande université, avec un très large spectre disciplinaire, quand on a autant de disciplines il faut s’organiser. »

Concernant le premier cycle de l’enseignement supérieur, qui comprend les licences, licences professionnelles et DUT, les formations seront divisées en deux branches. « Les licences de l’université sont destinées à des étudiants prêts à s’engager dans des études longues et très exigeantes, prévient Alain Sarfati. La première branche proposera entre 15 et 20 double diplômes sélectifs basés sur des licences pluridisciplinaires […]. Les double diplômes pourront être par exemple ‘‘économie et maths’’, ‘‘droit et innovation’’, ‘‘physique et chimie’’.»

La deuxième branche prévoit la création d‘une école universitaire de premier cycle, avec des licences monodisciplinaires, des DUT et licences professionnelles, et une licence « Villebon-Charpak » destinée aux étudiants motivés mais rebutés par l’enseignement « classique ». Pour attirer étudiants et enseignants vers ses formations et laboratoires, les promoteurs de Paris Saclay ne cachent pas leur ambition de se forger une place dans le haut des classements universitaires internationaux.

«  L’objectif de notre université est d’entrer dans le classement de Shanghai (qui répertorie les 500 meilleures universités du monde, Ndlr) l’année même de sa création, en 2020, explique ainsi Gilles Trystam, le directeur d’AgroParisTech. De figurer très rapidement dans le top 20 des principaux classements mondiaux. » Une ambition partagée par ailleurs par Jean-Michel Fourgous, qui affichait dans le SQY Mag d’octobre 2018 son espoir de voir Paris Saclay devenir « le MIT à la française ». Dans sa course à la reconnaissance académique, l’établissement peut se reposer sur les acquis de ses membres constituants : l’UVSQ figure ainsi dans le classement 2019 du Times higher education pour 2019 et dans le top 20 des meilleures universités françaises dans le classement de Shanghai de l’année 2018.

Mardi 12 février, les présidents et directeurs des établissements prenant part
à l’aventure se sont rassemblés pour dévoiler les grandes lignes de ce projet.

Paris-Saclay, qui collabore avec plusieurs instituts de recherche, compte également sur une batterie de chercheurs reconnus pour booster sa cote de popularité. Comme le rappelle Pierre Paul Zalio, président de l’ENS Paris Saclay, « l’université compte 42 highly cited reseachers (chercheurs hautement cités dans des études, Ndlr), ce qui devrait la positionner dans cette catégorie en première université française et quatrième université européenne ». Pour attirer les étudiants internationaux, 30 parcours de master internationaux seront inscrits dans le catalogue de la faculté, et l’université a passé « 55 accords internationaux qui sont très structurants avec des établissements internationaux, […] ceci s’ajoutant aux accords internationaux existants dans les écoles membres et organismes », énumère Pierre-Paul Zalio. Pour rappel, l’UVSQ compte 220 accords internationaux.

Le territoire d’implantation devrait jouer un grand rôle dans la relation entre monde académique et monde professionnel, l’université devant ainsi être « adossée à un cluster d’entreprises innovantes » explique Sylvie Retailleau. « L’un des atouts majeurs de Paris-Saclay est la richesse de son territoire et de ses campus, détaille Alain Bui. C’est un territoire qui combine des enjeux, sociétaux, environnementaux, d’innovation, points de convergences majeurs avec les défis sociétaux de Paris-Saclay et de sa stratégie […]. L’université formera ainsi un réseau de campus cohérents et complémentaires qui s’enrichit des acteurs du territoire ».

A l’inverse, le président de l’UVSQ prévoit que les entreprises du territoire pourront profiter des travaux de recherche et des étudiants formés. Les campus yvelinois de l’UVSQ ne seront donc pas amenés à déménager vers le plateau de Saclay, et Alain Bui prévoit même « plus de moyens et d’étudiants » sur ces centres. Durant la présentation du mardi 19 février, l’ensemble des présidents et dirigeants d’établissements ont renouvelé leur soutien à la construction de la ligne 18, censée desservir SQY et Versailles, et à la prolongation de la ligne de RER B qui devraient « faciliter le lien avec Paris et entre les campus », conclut Pierre-Paul Zalio, qui note toutefois que « notre éloignement de Paris est aussi notre chance de construire un vrai campus. On fabrique une ville, c’est une aventure urbaine ».

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