Les ondes électromagnétiques commencent à faire parler d’elles aux Clayes-sous-Bois. Particulièrement depuis la diffusion, le 12 novembre sur France 2, de l’émission Complément d’enquête intitulée « 5G : l’onde d’un doute ». Une partie du magazine est en effet consacrée à Atos, aux Clayes-sous-Bois : si le site clétien de l’entreprise n’est aucunement concerné par la 5G, il y est fait état d’un nombre anormal de décès des suites d’une forme rare de cancer du cerveau, questionnant leur lien avec les nombreuses sources de rayonnement électromagnétique sur place. Une enquête sanitaire est actuellement en cours pour faire la lumière sur ce dossier, qui a été évoqué lors du dernier conseil municipal.

Le reportage de France 2 décrit ainsi le bâtiment d’Atos, situé rue du Gros Caillou, anciennement Bull, comme « cerné par trois antennes relais ». « Atos, c’est un géant mondial du numérique, poursuit Complément d’enquête. En plus de l’environnement extérieur, on trouve donc, à l’intérieur du bâtiment central, des salles informatiques, des serveurs en pagaille et de grosses alimentations électriques : de nombreuses sources de rayonnement électromagnétique. »

L’émission révèle alors qu’entre 2015 et 2019*, « un nombre inexpliqué » de cancers du cerveau ont été diagnostiqués chez plusieurs salariés ou ex-salariés du site clétien d’Atos, « tous avec la même pathologie : des gliomes ». D’après le reportage, une information qui nous a été confirmée, sept cas sont à ce jour avérés, dont six sont décédés*. Suite à la publication de cet article, Atos nous indique que les cancers n’ont pas tous été diagnostiqués entre 2015 et 2019, certains l’ont été avant cette date : « il convient de signaler que certains des collaborateurs touchés avaient quitté la société dès 2002. »*

Au fil de ses interviews, le reportage de France 2 liste les différentes sources d’ondes électromagnétiques auxquelles auraient donc pu être exposés les salariés : les trois antennes relais, le temps quotidien passé au téléphone et dans des salles informatiques remplies de serveurs.

Un médecin du travail, interrogé par Complément d’enquête, explique avoir été surpris par ce nombre de cas « parce que l’incidence des gliomes en France est de cinq à six pour 100 000, et qu’on arrive à sept pour 1 000, […] c’est quelque chose d’assez rare ». Mais Atos souligne de son côté que cette prévalence n’est pas correct car elle se base sur une population fixe, alors que les salariés « vont et viennent, c’est donc une population qui est de beaucoup plus que 1 000 ».*

Dans le reportage, le docteur fait l’hypothèse que la cause de ces gliomes serait les ondes électromagnétiques, n’ayant réussi à identifier aucun autre facteur de risque.

Mais, dans la suite du reportage, un responsable d’Atos explique que « le lien n’est pas fait parce que nous n’avons pas la certitude que nos collaborateurs sont exposés » et qu’il n’existe pas de consensus sur l’origine des gliomes. Le représentant d’Atos ajoute que des mesures réalisées par un bureau de contrôle « confirment que les lieux de travail, sur l’ensemble du campus, présentent des valeurs de champs électromagnétiques qui sont bien en deçà des valeurs limites d’exposition ».

Mais c’est un autre chiffre qui a retenu l’attention de plusieurs Clétiens et habitants des villes voisines. Dans le reportage, le médecin du travail indique avoir contacté neufs généralistes des Clayes qui lui auraient fait état d’« une dizaine » de patients décédés d’un gliome ou en ayant un, dans les communes de Plaisir, Villepreux et les Clayes-sous-Bois.

Suite à la diffusion de ce reportage, Nicolas Hue (Génération.s), élu d’opposition aux Clayes-sous-Bois, nous a informés avoir demandé une enquête sanitaire au préfet, à l’Agence régionale de santé (ARS), à l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), ainsi qu’à l’Agence nationale des fréquences (ANFR).

« Des habitations, des commerces, des entreprises, des écoles sont sur ce périmètre et il nous paraît plus qu’incompréhensible qu’aucune mesure à l’extérieur de l’entreprise n’ait été prise, au regard du principe de précaution communément admis en matière sanitaire », dénonce Nicolas Hue, regrettant que les habitants « n’aient pas été informés de ces faits au moment où ceux-ci ont été portés à la connaissance des autorités ». L’élu d’opposition a justement fait une proposition de vœux à ce sujet lors du conseil municipal du 30 novembre.

Cet échange en conseil municipal a été l’occasion pour le maire des Clayes-sous-Bois, Philippe Guiguen (DVD), de faire état des informations « factuelles » à sa disposition, estimant que ce sujet « est à la fois sensible, très important, très compliqué, et nécessite de notre part tout sauf une position politicienne ». C’est donc en décembre 2019 que la maire de l’époque a pour la première fois été mise au courant du sujet par une délégation d’Atos, raconte Phlippe Guiguen, en ayant quant à lui été informé en juillet dernier, suite à son élection.

À l’occasion de cette première réunion de décembre 2019, « les représentants d’Atos ont signifié à la municipalité qu’avait été diligentée une enquête », avec la composition d’un Groupe d’alerte en santé travail (Gast), précise l’édile. D’après Santé publique France, ces Gast sont notamment composés d’un médecin inspecteur du travail, d’épidémiologistes et d’un médecin de la Consultation de pathologie professionnelle. Il devait être mis en place au premier trimestre 2020, mais la crise sanitaire a perturbé le calendrier.

À l’issue du premier confinement, le 13 mai, la maire « a saisi le directeur de l’ARS ainsi que le préfet en demandant de prendre toutes les mesures d’investigations qui seront jugées nécessaires », poursuit le maire actuel, qui a, quant à lui, reçu une délégation d’Atos en septembre 2020. L’entreprise lui a alors confirmé la reprise du travail du Gast : « Et j’ai conclu avec eux que dès qu’ils auraient des informations, une nouvelle réunion serait programmée. »

Philippe Guiguen s’est engagé à communiquer « toutes les informations dès que nous les aurons ». La Ville a d’ailleurs détaillé l’historique de cette affaire dans une longue publication sur sa page Facebook. « C’est une situation préoccupante sur laquelle on a besoin d’avoir des réponses précises, et personne n’est en mesure de donner des réponses précises aujourd’hui, nous a confié le maire, qui attend donc le retour du Gast. Mais des antennes, il y en a partout sur les territoires, c’est là où, avant toute confusion, avant toute interprétation, il faut avoir ces conclusions pour ne pas affoler la population à tort. Par contre, s’il y a quelque chose, c’est là où il y aura des mesures à prendre. »

Par ailleurs, le maire indique qu’aucune nouvelle antenne-relais n’a été installée aux Clayes-sous-Bois depuis 2018 et informe qu’il a souhaité imposer un moratoire sur toute nouvelle implantation, même s’il est juridiquement compliqué pour une Ville de les empêcher. Sollicitée, Atos ne nous a pas répondu avant la mise sous presse de cette édition.

* Article mis à jour le 08/12/2020 à 16h30 : Atos a souhaité apporter des corrections à des affirmations présentes dans l’article initial. Ces corrections concernent le nombre de décès, pour lequel nous nous étions trompés. Elles concernent également les dates des cas diagnostiqués et la prévalence.

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