Après quatre ans d’inactivité, une nouvelle vie se dessine enfin pour le site de la ferme de Buloyer, à Magny-les-Hameaux. Ce site historique datant du XIIe ou XIIIe siècle, appartenant à l’Agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines et constitué de 8 hectares de terres, était inoccupé depuis le départ des Jardins de Cocagne en 2016.

Finalement, c’est un projet de ferme-école, devant former des jeunes à partir de 15 ans au métier de maraîcher-primeur, qui a été retenu. Le projet, pour lequel la réhabilitation des terres est en cours et doit conduire à une ouverture du futur établissement en octobre 2021, est porté par David Tuchbant, entrepreneur dans l’automobile, et Bruno Aimard, Guyancourtois ayant un diplôme d’ingénieur en sciences et technologies de l’eau en environnement.

« J’ai [notamment] travaillé pour le groupe Saur (spécialisé dans le traitement de l’eau, Ndlr), […] et enfin sur un gros projet à Paris. À un moment donné, le projet s’est arrêté, donc je me suis posé des questions sur le sens que je donnais à ma carrière et ma vie personnelle. L’environnement est prégnant chez moi. J’ai commencé à m’intéresser à tout ce qui était associé à l’agroécologie, l’insertion… J’ai rencontré pas mal de monde, et notamment David Tuchbant, […] qui voulait à titre personnel s’investir dans un projet similaire … »

Ainsi a germé dans leur esprit le projet Graines d’avenir, du nom de l’association qu’ils ont fondée, et qui sera aussi le nom donné à la ferme-école. Avec pour objectif de « mener à un emploi durable » des jeunes dès 15 ans, notamment ceux « en difficulté sociale et/ou scolaire », expose Bruno Aimard. « Le principe pédagogique qui nous semble le plus adapté, c’est les écoles de production (établissements privés d’enseignement technique, à but non lucratif, reconnus par l’État, Ndlr), qui permettent une alternance hebdomadaire de pratique et de théorie en un unique et même lieu, sous statut scolaire, poursuit-il. Donc c’est une troisième voie entre le lycée professionnel, où les jeunes ont parfois encore l’impression de continuer à aller à l’école, et le CFA, où ils ne sont parfois pas assez matures pour trouver un employeur, se retrouver seuls avec un maître d’apprentissage qui est sous la pression de la production. »

Le cursus, en trois ans, et ouvert aux jeunes à partir de 15 ans donc, s’effectuera sous le format pédagogie inversée, c’est-à-dire avec un tiers de théorie et deux tiers de pratique. « L’idée, c’est de créer un écosystème qui permette aux jeunes de vivre le métier de maraîcher-primeur, explique Bruno Aimard, pressenti pour devenir le directeur de la ferme-école. Donc on va les former à un métier et les préparer à un diplôme. » Et un diplôme conférant une double compétence puisque sont délivrés, à l’issue de la formation, le CAP primeur et le titre professionnel d’ouvrier maraîcher.

« L’idée, c’est de créer un écosystème qui permette aux jeunes de vivre le métier de maraîcher-primeur », explique Bruno Aimard, co-porteur du projet et pressenti pour devenir le directeur de la ferme-école.

Sans oublier aussi que la formation offre « des facilités pour leur financer le permis de conduire », permettant ainsi de « les former à un métier, les préparer à un diplôme et au permis de conduire, donc en général, c’est un bon passeport pour l’emploi », selon Bruno Aimard. Les chiffres en attestent puisque d’après la Fédération nationale des écoles de production – et la ferme-école a reçu le label « école de production » -, on compte 90 % de diplômés et près de 100 % d’employabilité dans ces établissements.

Les élèves seront 12 par promotion et encadrés par des professionnels du métier de maraîcher-primeur et des enseignants d’enseignement général. Ils bénéficieront de huit hectares de terres, dont 4 000 m² de serres froides, et plus de 3 000 m² de bâtiments. « On va avoir des salles de cours théoriques, ainsi que des ateliers pédagogiques : que ce soit pour la production, le stockage, la conservation, la transformation, la préparation des commandes, [les] espaces de vente … », résume Bruno Aimard.

Il paraît confiant sur l’avancée du projet : « On est en train de mettre en place du compost pour pouvoir semer des engrais verts bio avant l’hiver. Ensuite, il va y avoir les démarches administratives, la réhabilitation de certains locaux pour les mettre aux normes [Établissements recevant du public], et le recrutement des différentes personnes. » Il ajoute qu’« une démarche sur la conversion avec un certificateur » est actuellement menée pour certifier que les terres « répondent au cahier des charges agriculture biologique » et qu’« à priori, il n’y aurait pas de souci pour faire de la production de fruits et légumes bio dès la première année ».

Le coût du projet n’a pas encore été défini, selon Bruno Aimard. « On est en train de travailler avec un géomètre, un bureau d’études, et un architecte, c’est en cours », précise-t-il, rappelant toutefois que dans le modèle économique d’une école de production, un tiers des revenus viennent des ventes réalisées par les élèves. Ce modèle prévoit aussi des subventions de la Région. Des partenaires privés, comme le groupe Saur, envisagent également de soutenir le projet, tandis que les terres sont réhabilitées depuis fin août dans le cadre d’un chantier d’insertion porté et financé par l’agence départementale Activity. Des subventions de SQY sont aussi au programme.

L’Agglomération, qui restera propriétaire des lieux, a d’ailleurs voté plusieurs points concernant la ferme-école lors du conseil communautaire du 8 octobre, et notamment l’attribution d’une subvention de 25 000 euros à Graines d’avenir. « Le projet innovant d’agroécologie porté par l’association Graines d’avenir a été retenu compte tenu de sa capacité à donner une nouvelle impulsion au site de Buloyer autour d’un concept ambitieux, innovant et porteur de sens », peut-on lire sur les documents du conseil.

Du côté de Magny-les-Hameaux, on se réjouit aussi de la réhabilitation de ce site. « On vient de loin, glisse le maire de la ville, Bertrand Houillon (Génération.s). Il a fallu beaucoup de discussions, parfois houleuses, avec l’Agglomération, notamment dans une période où l’Agglomération semblait avoir pris la décision de vendre au plus offrant ce patrimoine, et avec forcément […] une forte interrogation sur la continuité agricole de ce lieu. On est intervenus fortement pour empêcher une vente. On avait déjà fait un certain nombre de propositions auparavant […], avec un certain nombre de projets qui avaient été présentés à l’Agglomération et qui étaient tous refusés au fur et à mesure, et on a fini par se mettre d’accord finalement, sur ces objectifs-là de pérennité agricole, d’insertion, de local et de tourisme local. »

Le projet ne fait pourtant pas l’unanimité. Dans un communiqué, SQY’Pousse, réseau de 31 associations saint-quentinoises et de 31 membres individuels réunis autour de l’agriculture et de l’alimentation, qui s’est beaucoup mobilisé sur le devenir du site, se félicite certes de « la remise en état des 4 000 m² de serres qui commençaient à partir à tout vent, de l’apport de compost bio dans des terres en friche depuis 2016 » et de ce « projet de cette école […] de la seconde chance tournée vers l’agriculture ». Mais le collectif déplore « que la primeur ait été donnée à l’enseignement privé aux dépens de l’enseignement public », « que les deux cofondateurs […] viennent d’une toute autre filière que celle de l’agriculture », ou encore « qu’aucun appel à projet public n’ait été lancé sur la valorisation de ce lieu historique, contrairement à ce qui avait été écrit et promis » par SQY.

SQY’Pousse regrette aussi « que le projet ne mentionne pas pour ses futurs débouchés de produits agricoles le réseau très dense et développé des Amap et épiceries participatives qui maille notre territoire », « que cette ferme école formera des promotions de 12 élèves sur trois ans, ce qui est très peu [et] qu’en conséquence, il resterait de l’espace inoccupé qui pourrait permettre l’installation de porteurs de projet supplémentaires », ou encore « que le maire de Magny-les-Hameaux n’ait jamais été consulté dans la phase décisionnelle ».

Un dernier point que semble réfuter Bertrand Houillon. « On a étroitement collaboré avec les porteurs de projet suite à la proposition de l’Agglomération, qui nous [les] a présentés, et avec lesquels on avance aujourd’hui pas à pas. Donc, je n’ai aucune inquiétude, on a le lien direct », assure-t-il. Et l’élu de conclure à propos de la future ferme-école : « J’invite tout le monde à participer à ce beau projet, qui sera un vrai marqueur pour l’économie sociale et solidaire sur l’agglomération, mais aussi pour le développement de l’agriculture, […] c’est un projet marqueur pour l’avenir du territoire. »