En décembre 2020, la fusée américaine Falcon 9 de SpaceX va mettre en orbite un nano-satellite, l’UVSQ-Sat, développé par le Latmos, un laboratoire basé à Guyancourt relevant notamment de l’Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ). Ce satellite de très petite taille – un cube de 10 centimètres de côté rempli de nouvelles technologies – sera ensuite en orbite à 500 kilomètres du sol afin d’observer des variables essentielles pour la question climatique (voir La Gazette du 4 juin 2019). « Grâce aux nano-satellites, il est possible de révolutionner le domaine spatial en réduisant les coûts et les cycles de développement », annonce la description de cette mission spatiale.

Le projet est mené par le Laboratoire atmosphères, milieux, observations spatiales (Latmos). Ce laboratoire relève de l’UVSQ – qui finance et pilote la mission – mais aussi du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et de Sorbonne université. Il est basé sur deux sites, dont l’Observatoire de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines (OVSQ) à Guyancourt, où une dizaine de personnes travaillent d’arrache-pied sur l’UVSQ-Sat. « Il y a deux choses qui sont importantes pour nous dans ce projet : d’une part l’université a soutenu ce projet dès le début grâce avec un premier budget de lancement, et d’autre part ce projet a un lien important avec les entreprises du territoire », relate Philippe Keckhut, directeur adjoint du Latmos et vice-président de l’innovation de l’UVSQ.

Si le nom du satellite est donc une référence directe à l’université yvelinoise, ce n’est pas sa seule signification. Dans le détail, UVSQ-Sat signifie en effet « UltraViolet and infrared Sensors at high Quantum efficiency onboard a small Satellite », soit en français « capteurs ultraviolet et infrarouge à haute efficacité quantique à bord d’un petit satellite ». C’est fin 2018 que le Latmos, qui est actuellement impliqué dans « une vingtaine de missions spatiales actives » selon son directeur, a véritablement lancé la mission UVSQ-Sat. Et Mustapha Meftah, principal investigateur scientifique de la mission, fait remonter les premières idées à 2009.

« On avait déjà une vision d’essayer de miniaturiser les choses, c’est très important dans le spatial d’être petit, de consommer peu, etc., rappelle Philippe Keckhut, précisant que la miniaturisation permet également de raccourcir le temps de réalisation et de réduire les coûts, ce qui va de pair avec l’aspect suivant. Et est apparue une question scientifique très spécifique qui est principalement la fréquence de revisite : le fait qu’un satellite repasse souvent au-dessus d’un même point [du globe]. Les satellites, actuellement, c’est plutôt une dizaine de jours. De nombreuses questions sur le climat, et la surveillance en général, nécessitent de passer plus fréquemment au-dessus d’un même point. »

C’est ainsi qu’est née l’idée de se lancer dans une constellation de petits satellites. « On a compris que les mécanismes associés à l’urgence climatique pouvaient être complexes, donc qu’il fallait raisonner différemment, complète Mustapha Meftah, qui décrit UVSQ-Sat comme un projet de rupture. Comme on a des paramètres multiples à mesurer et qu’il nous faut une cartographie instantanée de la carte à toutes les heures d’observation, on a compris qu’il nous fallait des constellations de satellites : plusieurs satellites en orbite qui vont faire des mesures simultanées pour restituer l’information. »

Le week-end dernier, l’UVSQ-Sat a été positionné au sommet de la colline d’Élancourt, afin de tester la communication entre le satellite et l’antenne installée sur le toit de l’OVSQ.

L’UVSQ-Sat doit donc être un démonstrateur technologique, et la première étape vers la mise en orbite de plusieurs satellites dans les prochaines années. Mais il n’attendra pas d’être rejoint par d’autres pour faire ses premiers relevés. Les principaux objectifs du nano-satellite du Latmos sont ainsi au nombre de trois.

Le premier est de mesurer le flux infrarouge émis par la Terre et le flux solaire qu’elle réfléchit, qui sont « directement liés à la température de la planète et à son échauffement », précise Mustapha Meftah. Le deuxième objectif est l’étude de « l’influence de l’éclairement solaire sur la variabilité du climat régional », afin de déterminer s’il s’agit d’un facteur « à prendre en compte dans la prévisibilité du climat à l’échelle décennale ».

Le troisième objectif ne concerne pas le climat, mais symbolise les partenariats locaux qu’a réussi à nouer le Latmos dans le cadre de cette mission. « Ce qui est nouveau est qu’on a associé des industriels, et du coup on a un satellite qui est un peu le modèle de ce qu’on souhaite faire un peu plus tard : utiliser les synergies public-privé, pour financer le projet, pour répondre à des questions scientifiques, mais aussi à des applications que peuvent nécessiter les industriels », détaille le vice-président de l’UVSQ. En l’occurrence, l’UVSQ-Sat va permettre de tester dans l’espace un capteur de santé, placé sous la responsabilité de la société yvelinoise Carta-Rouxel, qui pourrait intégrer un jour des combinaisons de spationautes.

Autant de données qui seront donc mesurées par ce satellite cubique de seulement 10 centimètres de côté, conçu à Guyancourt. « Ça nous fait 1,2 kilogramme de haute technologie dans un volume d’un litre », résume Mustapha Meftah. L’un des autres avantages de cette petite taille est que le satellite peut être embarqué dans une fusée dont il n’est pas l’objet principal du lancement, en tant que « passager supplémentaire », comme le décrit le directeur adjoint du Latmos. L’UVSQ-Sat rejoindra ainsi l’orbite terrestre à bord du lanceur Falcon 9 de la société SpaceX, dont le décollage est prévu le 18 décembre 2020 depuis la base américaine de Vandenberg en Californie.

« En deux ans, on est passé d’une idée initiale à la phase de réalisation pour avoir un produit fini », apprécie Mustapha Meftah, satisfait de ce temps court dans le domaine spatial. Il y a deux semaines, l’UVSQ-Sat était soumis à des tests thermiques. Le week-end dernier, il a été positionné au sommet de la colline d’Élancourt, point naturel culminant de l’Île-de-France, afin de tester la communication entre le satellite et l’antenne installée sur le toit de l’OVSQ, d’où sera également récupéré le signal radio de l’UVSQ-Sat, une fois ce dernier dans l’espace. Pour les signaux radio, le Latmos a reçu l’aide du radio-club amateur de Saint-Quentin-en-Yvelines, le F6KRK, témoignage supplémentaire de la volonté de « construire avec le savoir-faire du territoire », souligne Philippe Keckhut.

Mais cette mise en orbite devrait donc être une première étape. Comme précisé plus tôt dans cet article, le Latmos souhaite être en effet l’initiateur de la mise en place d’une constellation de nano-satellites, qui permettrait une bonne couverture géographique à un coût moins élevé. « L’UVSQ-Sat, c’est un démonstrateur technologique qui va devoir valider certains paramètres et nous permettre d’imaginer demain », souligne le principal investigateur de la mission. Et « demain » est déjà programmé puisque deux futurs satellites, respectivement deux et trois fois plus gros qu’UVSQ-Sat, sont à l’étude au Latmos avec des partenaires tels que l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (Onera) ou le Centre national d’études spatiales (Cnes). Un dont le lancement est espéré pour fin 2021-début 2022 et l’autre à l’horizon 2025.

« Idéalement, la constellation nécessiterait 100 satellites, mais si on en avait dix simultanés en orbite, on aurait déjà bien avancé par rapport à ce qui existe aujourd’hui, avance Philippe Keckhut. Pour l’instant, on est à une étape de démonstration. Après, le modèle va évoluer. Nous, on démontre les prototypes et le concept, mais après, il faut trouver d’autres organisations. Ce ne sont clairement pas les laboratoires qui vont faire. »

CREDITS PHOTOS : Latmos