« Un moteur, c’est joli, mais une table, en plus, c’est utile. » C’est ainsi qu’Alain Gervasoni redonne une seconde vie aux moteurs des belles voitures italiennes. Ce Villepreusien aujourd’hui à la retraite, ex-technicien aéronautique et commercial dans l’automobile, fabrique depuis plus de dix ans du mobilier, notamment des tables basses, à partir de moteurs de voitures de sport de la Botte, principalement des Ferrari, dont il est un inconditionnel, comme l’avait révélé l’Echo républicain le 25 mai dernier.
« Je n’ai jamais été mécanicien, je démonte et remonte les moteurs Ferrari par passion. Mais pour de la déco, je ne suis pas capable de faire des réglages moteur », confie-t-il lors de notre rencontre dans les locaux de la sellerie Aspi, à Buc, où trône d’ailleurs une table basse conçue par ses soins, avec un moteur, une fois n’est pas coutume, de Fiat 500 Abarth.
« J’ai côtoyé des grands collectionneurs de Ferrari, et ces personnes avaient toujours à côté de leur bureau un moteur en décoration, poursuit celui qui a créé son entreprise, Gervadino, et possède lui-même quelques anciennes voitures prestigieuses. J’ai trouvé ça sympa, et j’ai toujours dit qu’un jour, j’aurai un moteur Ferrari, même si je n’ai pas de Ferrari. […]. Un moteur, c’est bien, mais j’ai eu l’idée aussi de faire une table. »
Une telle réalisation nécessite plusieurs étapes. La première est la plus difficile : trouver les moteurs. « Un moteur Ferrari en état pour fonctionner, ça vaut quand même très cher, concède Alain Gervasoni, qui travaille sur des V6, V8 et même des V12. C’est très difficile de trouver des moteurs. […] Et ce n’est pas forcément en France, j’ai été en Belgique, en Italie, un peu partout en Europe, il ne faut pas avoir peur de faire des kilomètres. » Et, lorsqu’il trouve les moteurs, ils sont d’occasion, fournis le plus souvent par des particuliers.
Une fois le moteur déniché, il faut procéder à son « démontage, entièrement jusqu’à la moindre rondelle, et après, c’est du nettoyage, sablage, peinture… », énumère le Villepreusien, qui ajoute qu’il faut, au total, « un petit mois pour concevoir le mobilier ». Avec parfois quelques imprévus, « surtout lorsque le moteur n’est pas complet, précise-t-il. Et de toute façon, il y a un peu de modifications. Je mets des roulettes en-dessous des carters d’huile, pour pouvoir déplacer les moteurs. » Les moteurs sont aussi « vidés entièrement et peints à l’intérieur, pour le poids et l’odeur », ce qui ramène leur poids à « à peu près 70 kg », selon Alain Gervasoni.
Quant aux plateaux de verre composant également les tables, il se les fait livrer par un miroitier. Le produit final est vendu à un prix qu’Alain Gervasoni gardera secret. « Tout dépend des moteurs […], et du prix d’achat », indique-t-il, se contentant de donner un vague ordre de grandeur : « plusieurs milliers d’euros ». Ensuite, cela dépend également des négociations avec le client : « La personne consulte mon site internet [gervadino.com]. Suite à ça, elle m’appelle, et on détermine ça ensemble (le prix, Ndlr). Après, soit la personne vient le chercher sur place, soit je l’envoie un peu partout dans le monde. »
Car sa clientèle est internationale. Une clientèle « aisée », sans pour autant qu’il y ait un profil-type, évoque-t-il. « Le seul point commun, c’est que chaque client veut un objet unique, affirme Alain Gervasoni. Tout ce que je fais, c’est souvent des pièces uniques. Ils ont la fibre Ferrari. Souvent, ils n’ont pas de Ferrari, mais ils aiment la marque et veulent un objet déco que leur entourage n’aura pas. »
Il réalise néanmoins aussi quelques créations plus accessibles, comme des « décorations murales à des ‘‘petits prix’’, toujours avec des bases de pièces Ferrari », et aussi des « petits objets comme des rétroviseurs de Ferrari […] sur un socle carbone », des « pots à crayons avec des sorties d’échappement… », liste l’ancien responsable commercial. Certaines d’entre elles ont été présentées au Retromobile, salon international de voitures anciennes qui a lieu chaque année à Paris. Comptez tout de même « 350 euros » minimum pour ces objets, bien qu’Alain Gervasoni estime qu’il faut « essayer de satisfaire un petit peu tout le monde ». Quant à lui, il assure parvenir à vivre de ses réalisations, mais « c’est tout juste », tempère-t-il.