« Ce n’est pas la crise qui a tué, c’est les politiques qui n’ont pas su mettre l’argent là où il fallait », affirme, en colère, Hélène, infirmière en hôpital de jour pour adultes au service psychiatrique du centre hospitalier de Plaisir. Le 16 juin au matin, ils sont une trentaine, issus du personnel de santé de l’hôpital à manifester sur le rond-point situé entre l’hôpital gérontologique et médico-social de Plaisir et le centre hospitalier Charcot, qui forment depuis 2018 le centre hospitalier de Plaisir.

La manifestation d’envergure nationale, également organisée à Plaisir par l’intersyndicale, réunissait les syndicats Sud Yvelines, FO et la CGT. Au gré des klaxons en guise de soutien, les manifestants arrêtent les voitures au niveau du rond-point, pour leur donner des tracts. Leurs principales revendications sont d’ordre national : une meilleure reconnaissance de leurs métiers, qui se traduit par une revalorisation des salaires, une reconnaissance du Covid-19 comme maladie professionnelle, ou encore une même prime pour tous, selon les différents manifestants interrogés.

« On demande 400 euros d’augmentation pour toute la communauté hospitalière », affirme Valérie Louise, infirmière en psychiatrie, représentante de Sud à l’hôpital de Plaisir et secrétaire départementale du syndicat. Le personnel soignant veut être payé à sa juste valeur. « On ne cherche pas l’aumône », nuance Christophe Ory, infirmier et membre du bureau FO au centre hospitalier. Ce dernier voudrait que les salaires des infirmiers soient au même niveau que ceux en Europe : « On est sous-
estimés par rapport aux autres pays européens. »

Alors, une simple prime ne semble pas leur suffire. Promise aux agents employés par les établissements hospitaliers, toutes catégories professionnelles confondues, elle a été actée par le gouvernement suite aux décrets des 14 mai et 12 juin. « Je ne suis pas pour la prime, je m’attendais à une revalorisation salariale. C’est une prime pour calmer les soignants », conteste Christophe Ory. Valérie Louise tempère : « La prime, on va la prendre, on n’aime pas ça car ça divise les gens et on sait qu’il y aura des exclus. »

En effet, d’un montant de 1 500 euros, celle-ci ne s’appliquera pas de la même manière à tous les professionnels. Si, entre le 1er mars et le 30 avril, les agents ont été absents entre 15 et 30 jours – pour garde d’enfant, accident du travail ou pour toute autre raison qui n’aurait pas « une présomption d’imputabilité au COVID-19 » – ils percevront 750 euros. S’ils ont été absents au-delà, ils ne toucheront rien.

Seuls ceux qui ont été présents en télétravail, en arrêt-maladie avec « une présomption d’imputabilité » au coronavirus, en congé annuel ou en RTT durant l’intégralité de la période, pourront en bénéficier en intégralité, selon Légifrance et le communiqué de l’intersyndicale. Mais les manifestants souhaitent que cette prime soit la même pour tous.

Contacté par la rédaction, le centre hospitalier de Plaisir a déclaré, dans un courriel, appliquer le décret selon les conditions définies. « Le CH de Plaisir versera cette prime dès ce mois de juin à l’ensemble des agents qui y sont éligibles selon […] les deux décrets du 14 mai et du 12 juin 2020 », affirme Guillaume Girard, directeur délégué de l’hôpital. Et d’ajouter : « Ces deux textes [évoquent] une présomption d’imputabilité au Covid en cas d’arrêt maladie, durant cette période, sans possibilité d’en apporter la preuve faute de recours à un test. » Ce qui veut dire que même si l’aide-soignant ne peut pas prouver qu’il a eu le coronavirus, il pourra tout de même toucher la prime dans son intégralité.

Mais la direction est jugée « frileuse » sur un autre point, selon les dires de Valérie Louise, secrétaire départementale de Sud, en faisant référence à la reconnaissance du coronavirus comme maladie professionnelle. Dans l’attente d’un décret promis par le ministre de la santé, Olivier Véran, les syndicats se sont entretenus à ce sujet avec la direction, le 15 juin.

« Ce qui nous intéresse, c’est la reconnaissance du Covid-19 comme maladie professionnelle, car il y a eu des infections qui risquent d’entraîner des séquelles et les soins risquent d’être onéreux. La société doit les prendre en charge. Surtout qu’on n’a pas encore répertorié tous les symptômes et le post traumatisme », explique Christophe Ory. En attendant, Guillaume Girard a déclaré attendre « le texte réglementaire qui va permettre cette reconnaissance du Covid-19 comme maladie professionnelle et l’appliquera ».

Le jour de carence est une autre protestation des manifestants. Les agents hospitaliers malades avant le 23 mars ont dû conserver ce jour et ils n’ont donc reçu ni indemnités journalières, ni salaire. « Alors que ce sont ceux qui n’ont pas été du tout protégés en cette période », indique le tract de l’intersyndicale. Seulement après le 23 mars a été décidé de suspendre ce jour de carence dans le cadre de la loi d’urgence, selon le site officiel de l’administration française. Encore une fois, le personnel soignant manifeste son désaccord. Il aurait préféré que le jour de carence soit suspendu pendant toute la période.

Au-delà de toutes ces revendications nationales, un problème de fond prédomine depuis plusieurs années : le manque de moyens au sein de la communauté hospitalière. « Ça fait des années qu’on dit que s’il n’y a pas plus de moyens, il y aura une catastrophe », prévient Valérie Louise.

Hélène, l’infirmière en hôpital de jour pour adultes, est démoralisée. « Je suis en colère car on ne peut plus faire notre travail depuis de nombreuses années, on ne peut plus accueillir des patients dans de bonnes conditions, […] ne pas les laisser attendre des heures dans les couloirs des urgences. Il faut remettre de l’humain dans les hôpitaux. » Ce rassemblement n’est pas le seul à avoir eu lieu à SQY. À La Verrière, le personnel soignant s’est aussi mobilisé.