Une convention pour l’accueil et la prise de plainte des victimes de violences conjugales a été signée le 13 février au centre hospitalier André Mignot de Versailles (CHV), entre les hôpitaux du Groupement hospitalier de territoire Sud Yvelines et la police nationale. Le ministre de l’intérieur, Christophe Castaner, était pour l’occasion présent, dans le cadre d’un déplacement dans les Yvelines sur le thème de l’accueil et de la prise en charge des femmes victimes de violences sexuelles et sexistes. Le locataire de la place Beauvau a notamment insisté sur l’importance que ces « conventions avec les hôpitaux » soient signées « partout en France » pour « permettre aux victimes de porter plainte aussi à l’hôpital et que, à ce moment-là, la preuve soit conservée ».

Cette convention a ainsi acté une mise en œuvre au centre hospitalier de Versailles. « Il y a une période probatoire où on forme les gens, mais c’est mis en place à partir de la signature, fait savoir Jean-Marc Ben Kemoun, psychiatre, pédopsychiatre et médecin légiste au CHV. Référent du dispositif au sein de l’établissement, il est accompagné d’une équipe d’« une petite dizaine » de personnes, parmi lesquelles « une sage-femme, une directrice-adjointe, une assistante sociale ou encore une psychologue », indique-t-il.

Ces professionnels sont formés à la prise en charge des victimes de violences conjugales, et vont eux-mêmes étendre la formation. « Nous allons former le personnel, affirme le praticien. On a une première journée de formation le 3 mars et on va tourner dans les différents services pour que les gens soient plus vigilants et surtout meilleurs détecteurs. »

Des premiers chiffres encourageants mais des points à améliorer

Dans le cadre de la visite de Christophe Castaner le 13 février à la DDSP, à Viroflay, sur le thème de la lutte contre les violences conjugales, ont été dévoilés les premiers résultats des audits d’accueil de victimes de violences conjugales effectués dans les commissariats et gendarmeries entre septembre et décembre 2019. Confiée à l’IGGN et l’IGPN, l’étude porte sur plus de 600 cas : 411 unités et 235 victimes en gendarmerie, et 40 sites et 400 victimes dans la police nationale. « Le premier ministre avait fixé un objectif de 400 sites et 500 victimes, donc vous êtes au-delà », a souligné le ministre de l’intérieur.

Selon les éléments dévoilés par l’IGPN et l’IGGN, 90 % des victimes se déclarent satisfaites de l’accueil qui leur est réservé dans les services. « Concernant la discrimination ou les préjugés ressentis, on est sur un pourcentage inférieur à 2 % des victimes », tandis que « 90 % des victimes n’ont pas enregistré de difficulté particulière pour déposer plainte », ajoutent les deux services d’inspection.

S’il salue le fait que « la parole se libère », Christophe Castaner a néanmoins rappelé que « nous devons aller plus loin dans l’évaluation, dans l’action ». D’ailleurs, 15 % des victimes trouvent le niveau de confidentialité des locaux d’accueil insuffisant, ce que l’IGPN et l’IGGN ont mis en avant comme piste d’amélioration. Parmi les autres axes de progrès, on retrouve les informations obtenues par la victime au cours de l’enquête, et une information sur les associations d’aide aux victimes non systématiquement fournie, pour 1/5 d’entre elles.

« Beaucoup de femmes se présentent, victimes de violences, et n’en parleront pas, donc c’était important à la fois de former le personnel soignant à la détection, et de dire aux femmes que l’on portera leur message, qu’elles seront protégées sur le lieu de l’hôpital et qu’on les accompagnera dans la rencontre avec les policiers », estime le Dr Ben Kemoun.

Et d’ajouter : « Les personnes […] se présentent aux urgences, elles nous parlent de la violence conjugale, et à partir de là, on va [leur] proposer de [les] garder dans une chambre dédiée […] le temps que le policier arrive pour prendre sa plainte, et entre-temps, on soigne s’il y a à soigner, physiquement, psychologiquement, … »

La mise en place de ce type d’accueil devrait rapidement s’étendre aux autres hôpitaux du Groupement hospitalier de territoire Sud Yvelines, parmi lesquels le centre hospitalier de Plaisir. « Avec un peu de recul car il faut les rencontrer, qu’un référent soit nommé, que les choses se mettent en place, mais je pense que d’ici un ou deux mois, ça fonctionnera aussi [dans les autres hôpitaux du groupe], confie Jean-Marc Ben Kemoun. J’espère avoir dès la fin des vacances [de février] des contacts pour qu’il y ait quelque chose qui soit commun à ce groupement hospitalier. »

Et d’annoncer que ce type d’initiative pourrait même ensuite se conclure à l’échelle des Yvelines. « J’ai des liens avec mes confrères du Nord [Yvelines], assure le médecin. Je pense que c’est quelque chose qui va s’uniformiser au niveau du département. » Les établissements du Groupement hospitalier de territoire Sud Yvelines sont déjà pionniers en la matière puisque ce sont les premiers en Île-de-France à signer la convention, avance-t-on du côté du groupement hospitalier.

Au commissariat de Trappes, un pôle pour soutenir, informer et orienter les victimes

En place depuis une dizaine d’années, le pôle psychosocial du commissariat de Trappes œuvre à soutenir et accompagner les victimes de violences, en complément du prisme judiciaire. La moitié des cas traités sont des violences conjugales. Une psychologue, deux intervenantes sociales, deux délégués à la cohésion police-population, un agent administratif chargé de l’accueil et de l’orientation des victimes et une juriste de l’association Dire (Développement ignymontain de rencontres et d’entraide), œuvrent au sein de ce pôle.

« Nous accueillons les victimes dans un lieu sécurisant et confidentiel, affirme Vanessa Gregoris, intervenante sociale du pôle, devant le ministre de l’intérieur à l’occasion de sa venue à la DDSP, à Viroflay, le 13 février. On leur apporte une écoute. Cette écoute nous permet de repérer les problématiques que rencontrent les personnes […]. En fonction des problématiques, nous les informons sur l’emploi des dispositifs d’aides, des informations liées aux demandes de logement, aux démarches, etc. puis nous les orientons vers les partenaires du territoire […] et dans les services de police. »

Une psychologue peut également prendre en charge les victimes, ce qui « débute par une évaluation […] de la dangerosité de la situation, mais également de tout ce qui est psychotraumatisme, […] du potentiel processus d’emprise », expose Caroline Querleu, psychologue du commissariat. Est ensuite assuré un soutien psychologique de la victime, une information « sur les mécanismes du psychotraumatisme » qu’elle subit et une aide à « l’accès à la judiciarisation », car « de plus en plus souvent, des femmes se présentent en n’ayant pas encore déposé plainte, […] il y a une crainte du dépôt de plainte », ajoute-t-elle.

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