La journée internationale de l’élimination de la violence à l’égard des femmes aura lieu le 25 novembre. Ce jour-là, le gouvernement en profitera pour annoncer l’ensemble des propositions retenues pendant le Grenelle contre les violences faites aux femmes. Depuis le 3 septembre, des groupes de travail, composés notamment d’associations, ont été constitués sur tout le territoire national, dont celui de Saint-Quentin-en-Yvelines, pour faire des propositions au gouvernement, afin de réduire ces violences. 60 ont déjà été formulées début novembre et dix mesures d’urgence ont déjà été actées. Les associations, œuvrant sur le territoire de SQY, attendent avec impatience la décision de l’État sur les prochaines mesures et les moyens financiers débloqués.

Depuis le début du Grenelle, le nombre de cas de violences conjugales a significativement augmenté. On peut l’observer au vu du nombre croissant d’infractions, et d’interpellations de conjoints suite à des violences conjugales, comme relaté dans nos pages faits divers. Par exemple entre le 4 et le 5 octobre 2019, La Gazette a noté sept cas de violences conjugales dans certaines communes de SQY et cette tendance s’est poursuivie les semaines suivantes.

Les associations notent également une augmentation des signalements de violences conjugales. « Depuis le lancement du Grenelle, on a beaucoup plus d’appels de femmes. C’est très notable », affirme, catégorique, Julie Mottier, responsable du service d’aide aux victimes au sein de l’association Développement ignymontain de rencontres et d’entraide (Dire). Lucie Robin, Directrice de l’association CIDFF des Yvelines (le Centre d’information sur les droits des femmes et des familles) est du même avis : « On a constaté une augmentation des signalements, surtout après le Grenelle, [venant] de familles, d’amis, de voisins qui ont entendu quelque chose. On en voyait moins avant. » Alors s’agit-il d’une recrudescence des violences conjugales ou d’une libération de la parole ?

Entre le 4 et le 5 octobre 2019, La Gazette a noté sept cas de violences conjugales dans certaines communes de SQY et cette tendance s’est poursuivie les semaines suivantes.

Selon les chiffres du CIDFF, l’augmentation du nombre de signalements est incontestable. En 2018, 1 133 femmes victimes de violences conjugales dans le département des Yvelines ont été informées, dont 128 habitantes de SQY, selon les informations de la directrice. Et au 30 septembre 2019, l’association a déjà enregistré 1 284 femmes dont 157 à SQY, soit une augmentation de 18,48 % au sein de l’agglomération, alors que l’année n’est pas terminée.

Mais il est difficile de trancher entre une recrudescence des violences conjugales et une libération de la parole, selon les associations qui penchent plutôt pour la deuxième hypothèse. « Il y a eu une meilleure communication (sur le numéro 3919, Ndlr) », explique Julie Mottier, qui pense que cette campagne a foncièrement joué un rôle dans cette libération de la parole. Fabienne Boulard, la major de police, également cheffe du bureau de formation générale – où sont notamment dispensées des formations sur les violences conjugales aux policiers – ne croit pas en une recrudescence. « En début de carrière, je me souviens qu’on intervenait déjà beaucoup sur des différends familiaux. Mais maintenant, la parole s’est libérée et les gens dénoncent plus », affirme-t-elle.

Au-delà de la campagne de communication, c’est surtout la multiplication des outils mis à disposition des femmes victimes, qui contribue à libérer leur parole, comme le souligne Frédérique Martz, directrice générale et cofondatrice de l’association Women safe, qui intervient à SQY dans le cadre de l’accueil des femmes et enfants victimes.

Cette association, créée en 2014 a réuni dans une même structure la médecine et la justice, afin de simplifier les procédures et les déplacements de ces femmes. « Une infirmière va faire un entretien à 360 degrés (avec la victime, Ndlr). […] Elle va ensuite l’orienter vers le juriste, et le psychologue. […] On a également une permanence avec les avocats du barreau de Versailles, […] qui vont étudier son dossier et préconiser des actions. »

À Guyancourt, la mise en place, il y a un an, de la plateforme de signalement des violences sexuelles et sexistes a également aidé la parole des victimes à se libérer. Environ 5 000 signalements ont déjà été enregistrés, selon un article de yvelines-info.fr, datant du 23 octobre. Ce tchat est accessible sur le site national service-public.fr/cmi. 16 policiers et une psychologue prennent en charge les victimes sept jours sur sept et 24 heures sur 24.

L’objectif est d’amener ces personnes à s’exprimer avant d’entreprendre des démarches physiques. Une aubaine pour la major de police Fabienne Boulard, qui reconnaît que les femmes ont parfois du mal à se confier à l’accueil des commissariats, par souci de confidentialité. « Quand il y a 15 personnes à l’accueil vous faites demi-tour », reconnaît la cheffe du bureau de formation générale.

Les associations et la major de police se félicitent également de l’augmentation des professionnels formés, qui sont régulièrement en contact avec les victimes. La parole de ces dernières n’est pas toujours très « audible », selon la directrice de Women safe, d’où l’importance de ces formations pour mieux les comprendre et faire entendre leur souffrance. Les policiers sont parmi les premiers concernés. Fabienne Boulard annonce lancer une nouvelle formation pour sensibiliser les fonctionnaires à l’accueil, lorsque ces femmes franchissent les portes du commissariat. « Des fois, les policiers laissent planer le doute car ils verbalisent mal », confie-t-elle.

À Guyancourt, la mise en place, il y a un an, de la plateforme de signalement
des violences sexuelles et sexistes a également aidé la parole des victimes
à se libérer. Environ 5 000 signalements ont été enregistrés.

Ces formations aident aussi les réseaux d’aide aux victimes à mieux fonctionner, comme le souligne Lucie Robin, la directrice du CIDFF, qui constate une augmentation du nombre de réseaux sur le département. À SQY, en plus du CIDFF, qui dispose d’une permanence juridique, psychologique, et d’un accompagnement au retour à l’emploi, d’autres réseaux sont également engagés dans l’aide aux victimes. Le réseau Vif (violence intrafamiliale), la Dire, Women Safe ou encore l’Étincelle, le centre d’accueil de jour, en font partie. L’augmentation de ces services contribue à la libération de la parole.

Mais encore faut-il qu’ils communiquent et travaillent ensemble pour assurer un accompagnement simple et complet aux victimes. « Le problème, c’est que chacun fait tout de son côté. Tout le monde se gargarise de ce qu’il fait. Mais il faut arriver à travailler tous ensemble », regrette la major de police. Frédérique Martz, de Women safe pointe également le manque de collaboration, qu’elle lie au manque de moyens des associations. « Si je pouvais embaucher dix infirmières, on pourrait réseauter, être sur le terrain, rencontrer les différents acteurs. Mais ça demande du temps, souligne-t-elle, on est déjà écrasé par le travail ». Des progrès restent à faire.

Même si, à Saint-Quentin-en-Yvelines, les associations travaillent relativement ensemble et sont complémentaires. Elles interviennent chez les unes et les autres sous forme de permanences. « Notre juriste intervient à l’Étincelle, à Women Safe, aux commissariats de Plaisir et de Trappes mais également en MJD (Maison de la justice de droit, Ndlr) ainsi que nos psychologues », illustre Julie Mottier, responsable du service d’aide aux victimes au sein de la Dire.

Les associations ont beaucoup d’autres idées pour renforcer l’accompagnement de ces femmes victimes et pour les aider à parler. Mais le manque de moyens les freine dans leurs démarches. « On a plein d’idées mais on est rapidement bloqué par l’aspect financier » souligne Julie Mottier, de la Dire.

De nouveaux services se mettent quand même en place progressivement, notamment pour limiter les déplacements des femmes entre les différents services, lorsqu’elles décident de parler. La chargée de mission départementale aux droits des femmes et à l’égalité entre les hommes et les femmes, Marielle Savina, a annoncé l’expérimentation de prises de plaintes au sein des hôpitaux sur TV78. L’objectif étant d’éviter aux femmes de se déplacer jusqu’au commissariat, après l’avis médical, chose qu’elles pourraient ne pas faire. Mais « les hôpitaux sont déjà surchargés », déclare, mitigée, Frédérique Martz.

La prise en charge de taxi, aussi appelée « bons taxis » a également été évoquée sur la chaîne yvelinoise. Il s’agirait de mettre à disposition des femmes, des taxis leur permettant d’aller d’un service à un autre, leur évitant ainsi de rebrousser chemin. Toutes ces idées semblent vouloir faciliter la libération de la parole et la prise en charge de ces femmes.

Pour ce faire, les associations ont donc besoin de plus de moyens. Elles attendent beaucoup de ce Grenelle, surtout que lors de l’annonce des 60 propositions, aucun chiffre n’avait été précisé, selon un article du Monde, datant du 29 octobre. Le premier ministre avait considéré que ce n’était pas « le sujet essentiel », selon le média national.