Comptez entre 15 et 20 euros pour une serviette menstruelle lavable, entre 15 et 30 euros pour une cup, 30 euros la culotte lavable, ou encore 6 euros la boîte de 16 tampons bio. Avoir ses règles représente un budget. Sachant que « des études montrent que le coût moyen des protections périodiques sur la vie d’une femme est de 10 000 euros », démontre Fabienne Misguich, vice-présidente déléguée à la vie universitaire, à l’Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ).

Des étudiants en médecine de l’UVSQ se sont saisis du problème et viennent d’obtenir un financement de 14 662 euros, accordé par le Crous et l’UVSQ. Ils vont pouvoir acheter et distribuer des protections menstruelles à environ 4 500 étudiantes. « On est plus de 18 000 étudiants à l’UVSQ, soit environ 9 000 femmes. On a estimé qu’environ la moitié étaient dans une situation précaire (une supposition pour estimer un nombre de protections périodiques à distribuer, Ndlr)** », explique Manon Viltard, l’une des étudiantes en troisième année de médecine à l’UFR Simone Veil de Montigny-le-Bretonneux, pilotes du projet. Cet argent permettra également à ces jeunes femmes de confectionner elles-mêmes leurs serviettes réutilisables avec des machines à coudre, au sein de l’épicerie solidaire Agorae. Quant à la distribution gratuite, elle devrait avoir lieu en mai ou juin 2020.

À l’origine du projet se trouve l’association Paris ouest étudiants en médecine solidarité (Poemes). Celle-ci a lancé en amont un sondage sur la précarité périodique, « pour, derrière, avoir des chiffres forts afin d’obtenir un financement », explique Charlotte Laurent, membre de l’association et également étudiante en troisième année de médecine à l’UFR Simone Veil. Avec Manon Viltard, elles pilotent ce projet pour permettre aux personnes menstruées, surtout en situation de précarité, d’avoir accès gratuitement à des protections périodiques jetables bio ou réutilisables. Sachant que les protections classiques et même les cups peuvent présenter un risque grave, même s’il est rare, de choc toxique.

L’idée leur est venue alors qu’elles organisaient, dans le cadre de leur association, des commandes groupées de shampoing et de savon solide, de coton et cotons-tiges réutilisables, à des prix avantageux. Pour aller plus loin, Charlotte et Manon ont ensuite voulu proposer des commandes pour l’achat de protections périodiques lavables. Mais les étudiantes étaient plus réticentes. « Les gens intéressés n’osent pas sauter le pas. Ça reste cher pour eux. C’est ce qui les freine encore et ils ne veulent pas l’imposer à leurs parents », explique Charlotte Laurent. Selon elle, c’est une forme de précarité, même si « on se doute bien qu’on n’est pas dans le milieu le plus précaire », reconnaît-t-elle.

Cette précarité semble bien exister à l’UVSQ*. 26 % des étudiants travaillent à côté de leurs études, et 17 % sont boursiers, selon les chiffres de Fabienne Misguich. « Alors, financer des protections périodiques réutilisables, ce n’est pas leur priorité », conclut l’étudiante en médecine.

Leur sondage, mis en ligne le 23 janvier, a pu le démontrer. Sur 286 réponses au 4 février, 76 % des répondantes disent utiliser des serviettes jetables, contre 4,9 % qui affirment utiliser des lavables réutilisables. Sachant que 45 % assurent avoir des dépenses annexes liées à leurs règles, comme des visites chez le médecin, l’achat de médicaments, ou une visite chez le gynécologue. Un tiers des répondantes financent elles-mêmes leurs protections.

Pour aller plus loin, Charlotte et Manon ont ensuite voulu proposer
des commandes pour l’achat de protections périodiques lavables.
Mais les étudiantes étaient plus réticentes.

Le sondage confirme également une certaine précarité. 20 % ont déjà bricolé leur protection périodique. 9,8 % ont déjà manqué les cours en raison d’une pénurie de serviettes chez elles, ou à cause de règles trop douloureuses. Enfin 6,6 % ont déjà dû faire un choix entre l’achat de produits de première nécessité et l’achat de protections menstruelles.

Le lancement de ce sondage est donc venu appuyer leur dossier. Et le 29 janvier, Charlotte et Manon sont venues le présenter devant une commission, permettant de financer des appels à projets, appelée Contribution vie étudiante et de campus (CVEC) du Crous. Au sein de celle-ci siègent des représentants de l’UVSQ et des établissements d’enseignement supérieur ainsi que des élus étudiants comme le vice-président étudiant, Pierre-Antoine Suarez.

Sans surprise, le projet a été soutenu à l’unanimité par les deux organes. « L’objectif du Crous de Versailles est de lutter contre l’improvisation des moyens de protection, papier toilette, tissu, pouvant s’avérer dangereux pour la santé des étudiantes. […] Par ailleurs cette initiative s’inscrit dans le projet du Crous de Versailles d’installer des distributeurs de protections périodiques dans les résidences universitaires », justifie Marion Lardy, responsable CVEC.

Pierre-Antoine Suarez, le vice-président étudiant, précise aussi que l’UVSQ voulait absolument financer ce projet car « elle n’avait pas les moyens de le mettre en œuvre et qu’elle était ravie que des étudiants s’en occupent et qu’ils aient la volonté de lutter contre la précarité. » Et Charlotte Laurent confirme : « Cela faisait plusieurs mois que l’UVSQ voulait lancer un projet similaire. »

Les deux étudiantes de l’association Poemes ont donc obtenu 14 662 euros, au lieu « des 56 000 euros initialement demandés », précise Pierre-Antoine Suarez. « On a demandé une grosse somme. […] Les produits sont bio et fabriqués en France », expliquent Charlotte et Manon. Mais la commission a considéré que la somme demandée était trop importante. C’était un petit peu moins de la moitié de la somme totale réservée aux financements de projets, soit 118 000 euros, comme le raconte le vice-président étudiant. La commission aurait également été critique sur l’organisation de la distribution qu’il faudrait encore peaufiner, selon les affirmations de Pierre-Antoine Suarez.

Enfin, la CVEC désire que Poemes fasse plusieurs demandes de financement auprès d’autres organes. « Le Crous de Versailles encourage les associations à trouver des co-financements permettant d’inscrire leur projet dans une dynamique territoriale », indique Marion Lardy. Charlotte Laurent en est consciente. « On va chercher d’autres appels à projets comme avec le FSDIE (Fonds de solidarité et de développement des initiatives étudiantes, Ndlr) », espère-t-elle. Sachant que Marion Lardy prévoit que « lors de la prochaine commission CVEC du Crous, le 25 mars 2020, la possibilité d’un deuxième financement sera réétudiée afin de permettre la finalisation de ce projet ».

Pour l’instant, sont donc financées, 1 500 cups lavables, dont 1 000 de taille moyenne et 500 grandes, afin de s’adapter à la quantité de sang perdu pour chaque femme. Également 500 boîtes de 20 tampons bio, et 1 000 boîtes de 12 serviettes jetables bio seront financées. Manon et Charlotte prévoient aussi d’acheter trois machines à coudre avec du tissu bio, nécessaires à la confection de 600 serviettes lavables, pour environ 100 étudiantes. « Il faut environ entre six à dix serviettes lavables pour tenir un cycle », souligne Charlotte Laurent. Les deux étudiantes vont d’ailleurs organiser des ateliers de couture à l’épicerie Agorae pour les confectionner. Seules les 1 500 serviettes lavables présentes dans le projet initial n’ont pas été financées par la CVEC.

4 500 étudiantes devraient être concernées par la distribution gratuite de protections périodiques. Reste à faire la distribution, qui est à priori prévue en mai ou juin 2020, pour laquelle l’association Poemes veut privilégier les personnes les plus précaires. Elle pense aux campus isolés tels que celui de Mantes-la-Jolie, ou encore de Vélizy.

En attendant, le sondage de l’association Poemes circule encore sur les réseaux sociaux. Le 14 février, le taux de réponse était de 307. « Ce sont majoritairement des étudiantes en médecine qui ont répondu », reconnaît Charlotte Laurent, soit 82,1 %.

*Article mis à jour le 3 mars 2020 à 15h : Suite à un retour de l’UVSQ concernant une erreur dans la communication de certains chiffres, La Gazette a modifié son article. Dans son paragraphe mentionnant la précarité des étudiants à l’UVSQ, La Gazette indique que 20 % des étudiants de l’UVSQ sont dans une situation de précarité, 46 % des étudiants de l’université travaillent, et 31 % sont boursiers. Or ce sont les chiffres nationaux et non ceux de l’UVSQ. Après nous les avoir communiqués, voici les chiffres de l’université : 17 % des étudiants sont boursiers, et 26 % exercent un job étudiant. L’université ne dispose en revanche pas de chiffres sur le niveau financier des étudiants. Alors si cette précarité à l’UVSQ existe bien, c’est surtout au vue des résultats du sondage, qui a été réalisé par les deux étudiantes, et que l’on peut lire à la suite du paragraphe en question.

**Nous avons également apporté une nuance à la demande de l’UVSQ, concernant le choix pris par les étudiantes concernant le nombre de protections à distribuer. Elles ont estimé que 4 500 étudiantes auraient besoin de protection car elles seraient potentiellement en situation de précarité. Ceci est une supposition pour estimer un nombre de protections périodiques à distribuer, nous avons mentionné cette précision dans l’article.