Témoin d’un accident, il est maintenant possible de prendre en vidéo avec son smartphone une victime afin de montrer la gravité de la situation au secouriste tout en étant en ligne au téléphone. Révélée dans un article du Parisien, la start-up, Urgentime s’adresse principalement au Samu, et aux pompiers, afin de faciliter leurs interventions. Anthony Tabuyo, Benoit Datcharry et Jovien Chappex sont à l’origine de cette petite entreprise, dont le siège social se trouve à Montigny-le-Bretonneux.

Créée en avril 2017, son lancement a été rude. « On a connu une période difficile. On était trois, on ne gagnait pas d’argent. Ça a duré trois ans », raconte Anthony Tabuyo, âgé de 29 ans, qui a longtemps fait des missions à côté, alors qu’il lançait sa start-up. Les trois fondateurs se versent un salaire seulement depuis mai 2019. Ils ont eu du mal à convaincre les secours d’adopter leur plateforme, qui veut révolutionner les appels d’urgence. Le Samu des Yvelines a finalement donné son accord, mais les pompiers ne veulent toujours pas.

Si ce service innovant a vu le jour, ce n’était pas de manière anodine. Anthony Tabuyo a eu un grave accident de moto il y a sept-huit ans. Il s’est fait renverser par une voiture et le conducteur n’a pas su informer correctement les pompiers sur la gravité de son état. Une fois sur place, les sauveteurs ont découvert qu’il risquait d’être paralysé à vie. « Les pompiers m’ont dit que s’ils avaient su, ils seraient venus avec un équipement médicalisé. S’ils avaient pu voir, ils auraient compris », raconte le jeune cofondateur, qui a quitté Nice pour lancer son projet dans la ville lumière.

Au début, ils ont mis en place une application mobile pour déclencher la vidéo entre le particulier et le secouriste. « On s’est rendu compte que ce n’était pas la bonne méthode, raconte le cofondateur. Comment faire télécharger une application à tout le monde surtout quand on est dans un état de stress ? » Alors leur est venue l’idée du SMS. « Qu’est-ce que les gens maîtrisent le plus ? Le SMS », assure Anthony Tabuyo.

Désormais, il s’agit d’une page web sur laquelle le secouriste devra rentrer un mail et un mot de passe. Puis en situation d’urgence, il rentrera le numéro de l’appelant à qui il enverra un SMS. La personne au bout du fil devra cliquer sur le lien envoyé et la caméra du smartphone s’activera sans le son en moins de dix secondes, tout en ayant toujours le secouriste au téléphone. Ce dernier pourra en plus projeter sur l’écran du téléphone de l’appelant, des vidéos, des photos ou encore des documents. Et l’appelant est géolocalisé.

Cette plateforme connaîtrait un taux de réussite de 95 %, selon le cofondateur, à condition que la personne possède un smartphone et ait une connexion à internet. « Si le système plante, on garde l’appel », précise-t-il, avant d’ajouter qu’avec l’opérateur Free mobile, la connexion est plus compliquée et qu’il faut constamment être au courant des nouvelles actualités technologiques, en raison de l’arrivée de nouveaux portables et des nouvelles mises à jour.

Mais les services de secours sont difficiles à convaincre. Jusqu’à ce qu’Agnès Buzin, ministre de la santé, annonce en septembre 2019, une subvention de 15 millions d’euros pour financer la vidéo – avec les particuliers et les ambulances – pour les secouristes. « On a pris un tournant, affirme Anthony Tabuyo. C’était le dernier frein. Les secouristes ont un budget serré. Mais maintenant il n’y a plus de question de prix. »

« Deuxième tournant », le Samu des Yvelines a adopté la plateforme fin janvier 2020. Il devrait utiliser Urgentime « avant la fin de l’été », annonce Anthony Tabuyo. En revanche les pompiers n’ont toujours pas franchi le cap. Ils seront à priori bien obligés, quand on sait que la start-up a été sélectionnée, en gagnant le prix Smart Paris 2024, pour équiper tous les pompiers, le Samu, les centres de gestion de crise et la police pour les Jeux olympiques en France.

Mais en attendant que les sauveteurs du feu changent d’avis, « on s’est tournés vers le privé pour vivre et pour donner un prix plus bas aux pompiers », explique le cofondateur. Urgentime propose donc sa plateforme aux entreprises de déménagement, de maintenance, aux assurances, aux banques ou encore aux agences de voyages.

Par exemple, la SNCF prévoit d’utiliser le service pour accélérer la réparation de ses trains en cas de panne. Grâce à la vidéo, le conducteur pourra montrer directement au technicien le problème à résoudre, et il recevra une aide à distance. Ainsi, « la SNCF pense réduire de 30 % ses retards de trains », révèle le cofondateur.