L’Estaca, école d’ingénieurs située à Montigny-le-Bretonneux, vient de signer le 21 janvier dernier une convention actant la mise en place d’une chaire dans le secteur des véhicules autonomes. Cette convention formalise ainsi le lancement de ce cursus mais également le partenariat entre l’école et deux grands groupes industriels basés dans les Yvelines, Renault et Bertrandt.

« Le besoin est venu en 2017, explique Seyni M’Baye, directeur international et partenariats à l’Estaca. Des grands constructeurs français et également des groupements comme la PFA (plateforme de l’automobile, Ndlr) se sont adressés aux écoles en disant : ‘’On a deux grosses problématiques dans les mois qui viennent, l’arrivée confirmée des technologies des véhicules autonomes et qu’il va falloir maîtriser, et la reconversion de salariés qui ne sont pas sur ces thématiques-là’’. Les industriels ont sollicité plusieurs écoles, et nous, on a fait une proposition, qui a été acceptée : créer un nouveau titre d’ingénieur. »

La première promotion a fait sa rentrée en septembre et compte dix apprenants. Ceux-ci sont des techniciens ou techniciens supérieurs ayant déjà dix à 15 ans d’expérience et reprenant une formation, de 1 200 heures en trois ans, sous un format alternance, 15 jours à l’école et 15 jours dans l’entreprise, qui paye intégralement la formation. « L’idée est de pouvoir les former et d’en faire des ingénieurs spécialistes du véhicule autonome et de tout ce qui l’entoure, et de les sensibiliser à toutes les nouvelles technologies liées aux véhicules autonomes », avance Seyni M’Baye.

Les futurs diplômés sont encadrés par 30 à 40 enseignants, à la fois enseignants-chercheurs de l’Estaca et ingénieurs déjà en activité au sein des partenaires de l’école d’ingénieurs ignymontaine (Renault, l’institut Vedecom…).

« Le véhicule autonome soulève encore bien des questions, déclare de son côté Frédéric Strady, directeur général du groupe Bertrandt. Pour certaines, ni les constructeurs ni les ingénieristes ne répondront seuls. Ça fait partie d’un écosystème et la formation fait partie de cet écosystème. C’est la raison pour laquelle nous nous engageons durablement avec l’Estaca dans cette chaire ». Il ajoute que l’enjeu, pour son entreprise, est de « transformer les compétences de certains de nos ingénieurs ou de nos techniciens à haut potentiel ».

Ce premier cursus en alternance dans l’histoire de l’école – qui délivre déjà un diplôme d’ingénieur classique obtenu après une formation post-bac en cinq ans – s’intègre après une sélection très stricte. Sélection par l’entreprise, dans un premier temps. L’école, elle, « analyse les dossiers » via « un jury, qui permet au salarié d’intégrer une période de remise à niveau », informe Seyni M’Baye.

Car la rentrée ne se fait en réalité pas en septembre mais au mois d’avril qui précède : pendant trois mois, jusqu’en juillet, le futur membre de la chaire suit 200 à 250 heures de remise à niveau, qui permettent à des salariés éloignés du système pédagogique depuis plus d’une décennie de « se remettre à un processus d’apprentissage intense, ce qui n’est pas évident, et pour nous, de réévaluer les compétences de maîtrise d’anglais, […] de maths, de physique, d’électrodynamique, de mécanique », d’après le directeur international et partenariats de l’Estaca.

Un nouveau jury statue à la fin de cette période sur la capacité du candidat à suivre les trois ans de formation. « Notre rôle est de dire à l’entreprise si son salarié est apte ou pas », précise Seyni M’Baye, assurant que, pour la première promotion, tous les candidats ayant suivi la remise à niveau ont pu poursuivre la formation.

Ce titre d’ingénieur doit permettre à ses futurs lauréats d’occuper après leur cursus des fonctions managériales. « Il y a une grosse partie de la formation qui est sur les sciences humaines et sociales, car c’est surtout ce que l’on va leur demander de faire une fois qu’ils seront diplômés, détaille Seyni M’Baye. Ils vont devoir gérer des gens, gérer des projets complexes […] non pas pour faire, mais faire faire. »

Les collectivités comme SQY, ainsi que les différents partenaires de l’Estaca, soutiennent financièrement la chaire. Il faut dire que son coût global est estimé à « 1,250 million d’euros pour cinq ans » et pour une entreprise, financer une formation représente « 15 000 euros par an par salarié », fait savoir Seyni M’Baye. D’autres systèmes de modules d’enseignement sur les véhicules autonomes existent en France, mais « une chaire avec des industriels et ce niveau d’enseignement, cette cible d’étudiants qui sont des salariés, ça c’est unique », assure-t-il.