« Pérenniser les abeilles dans la durée, et utiliser des types de ruches qui soient le plus respectueux possible du fonctionnement des abeilles. » C’est ainsi qu’Antoine Thery et Gérard Bos, deux apiculteurs amateurs villepreusiens, justifient leur projet d’implanter des ruches écologiques sur les terrains du CEFP (Centre éducatif et de formation professionnelle), à Villepreux, pour sauvegarder l’abeille noire, une race d’abeille locale d’Europe occidentale, qui a souffert de l’importation de races d’autres continents.

« On importe des races étrangères, sous prétexte qu’elles sont plus productives. Sauf qu’elles ne sont pas adaptées à nos climats et du coup, elles meurent, explique Gérard Bos. On en revient donc aux races locales. [Mais] les races locales, lors de leur vol nuptial, vont s’accoupler [avec les races importées], et ça fait des hybrides, et les hybrides s’affaiblissent. »

« En plus, est arrivé le varroa (sorte de poux s’accrochant aux abeilles, Ndlr), poursuit-il. Il s’est implanté en France avec une race étrangère qui venait d’Asie et était soi-disant super productive. Là-bas, elle était adaptée au varroa. La race a été abandonnée en France car elle n’y était pas adaptée [au varroa]. Sauf que le varroa, lui, s’est adapté et infecte toutes les colonies. »

Le duo d’apiculteurs entend installer 90 à 150 ruches en implantant des colonies d’abeilles noires. « Le fait de mettre suffisamment de population du même type au même endroit va contribuer à stabiliser ces populations et à ne pas faire des mélanges avec les autres abeilles, expose Antoine Thery. [À terme], on n’a aucune garantie qu’il n’y aura pas des mélanges. Mais petit à petit, si on arrive à bien soutenir ce type d’abeille, ça va contribuer à leur pérennité. »

Les deux acolytes prévoient d’utiliser un type de ruche bien particulier et peu répandu, la ruche écologique. Fondée sur une évolution de la ruche Warré, elle régule les températures et ventile la chambre à couvain, pour faire face à l’humidité qui touchait les précédents types de ruches et provoquait des maladies chez ses occupants. « La ruche Warré, c’est le respect du mode de vie et des dimensions [des abeilles], et son amélioration, c’est cette régulation et ventilation », résume Gérard Bos, qui s’est d’ailleurs rendu fin octobre dans les Pyrénées afin de rencontrer l’un des deux apiculteurs ayant mis au point cette forme de ruche.

« Dans la ruche Dadant (classique), on fait de l’apiculture biologique mais pas écologique, confie Gérard Bos. Dans l’écologique, on respecte le mode de vie de l’abeille. Ses maladies, ses parasites, elle les gère elle-même et on lui laisse les moyens qu’elle a dans la nature pour qu’elle puisse y arriver. C’est-à-dire, simplement, son miel. […]. Dans la biologique, on va lui enlever son miel et lui donner du sucre ou des produits, des acides qui vont l’aider à compenser le manque de miel. »

Gérard Bos souhaite donc lui aussi appliquer ces méthodes, à près de 900 kilomètres de Pyrénées, sur le site du CEFP de Villepreux. Cet établissement dépendant de la mairie de Paris propose « des formations en interne » et effectue « un travail social et éducatif auprès des jeunes en difficulté », âgés de 14 à 21 ans, décrit Michèle Le Cocguen, sa chef de service du secteur formation. Le CEFP a accepté de collaborer au projet des deux apiculteurs, qui pourront donc ajouter une dimension pédagogique à leur démarche.

« Des interventions de votre part sur des moments identifiés pourraient être un point de départ, leur propose Michèle Le Cocguen. Quand ils (les jeunes, Ndlr) vont voir les premiers ruchers, il y en a forcément qui risquent de poser des questions, d’être intéressés, et je crois que c’est comme cela qu’il faut les amener à participer au projet. »

Antoine Thery et Gérard Bos ont l’intention de travailler avec les Établissements et services d’aide par le travail (Esat) de Villepreux et de Plaisir. Ce dernier, spécialisé en menuiserie, pourrait ainsi les aider à fabriquer les ruches. À cela, s’ajoute entre autres le conservatoire de l’abeille noire du Loiret, qui « est en mesure de fournir des essaims », assure Antoine Thery.

Les financements, eux, seraient apportés via des parrainages. « Les parrains feraient des dons, et en contrepartie, ils auraient leur nom inscrit sur la ruche, des informations mensuelles sur la ruche, la possibilité de visiter la ruche qu’ils auraient parrainé, et de participer à la collecte du miel s’il y avait du miel en surplus (en plus de celui dont auraient besoin les abeilles, Ndlr) », développe Antoine Thery.

Car ce projet est onéreux : comptez « 330 euros » pour une ruche, auquel s’ajoute « le kit à 45 euros », comprenant notamment un isolant et un nourrisseur, « et l’essaim à 190 euros », fait savoir Gérard Bos. Un bouclage de financement était espéré avant la fin de l’année, pour des premières implantations en mars-avril 2020.