Organisées en réponse au mouvement des gilets jaunes, les Réunions d’initiative locale du grand débat national se tiennent dans toute la France depuis la mi-janvier. A SQY, plusieurs d’entre elles ont déjà eu lieu. Notamment à l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) et au Palais des sports d’Élancourt, où La Gazette s’est rendue. A l’initiative des gilets jaunes des Yvelines, cette dernière a rassemblé quelques 450 personnes (soit la moitié du gymnase, Ndlr), tandis que la première a réuni environ 300 participants.

Au 28 février, on comptait quelques 190 réunions déjà programmées ou réalisées dans les Yvelines, d’après les chiffres de la préfecture. A SQY, toutes les communes y ont pris part d’une manière ou d’une autre (lire notamment notre édition du 5 février). Les quatre thématiques établies par le gouvernement ont globalement été abordées dans la plupart des réunions : transition écologique, fiscalité et dépenses publiques, démocratie et citoyenneté, et organisation de l’État et services publics.

Lors du débat organisé à l’UVSQ le 20 février, des membres du Codesqy étaient chargés de noter les propositions et les faire remonter, tandis que la soirée était animée par Alexis Constantin, professeur de droit. Au palais des sports d’Élancourt le 22 février en revanche, les sujets abordés étaient plus alternatifs, et animés par des intervenants de renom : TVA et produits de première nécessité, autour de Frédéric Farah, économiste ; l’ISF, sur lequel s’est exprimé l’homme politique Gérard Filoche (ex- PS, Ndlr) ; les avantages et privilèges des élus, avec Philippe Pascot (écrivain et homme politique) et enfin le Référendum d’initiative citoyenne (RIC), défendu par Priscilla Ludosky, une des initiatrices du mouvement des gilets jaunes.

Ces quatre protagonistes ont ensuite répondu aux questions et avis des participants, difficilement audibles en raison de l’acoustique du gymnase, mis à disposition par la mairie. « On a passé la parole à n’importe quelle personne, gilet jaune ou non, précise Alain Bouché, gilet jaune des Yvelines et Elancourtois. Globalement, on peut être satisfaits mais sur le plan personnel, j’aurais souhaité que l’on soit un peu plus nombreux et peut-être que l’on ait une meilleure sonorisation. Mais ça peut encourager à avoir ce même type d’actions ailleurs, peut-être différemment. »

Parmi les principales réactions ressortant de ces rendez-vous d’expression citoyenne figure la question de l’avenir des propositions formulées. Le flou demeure quant à la restitution des avis des habitants lors des différentes réunions. « C’est intéressant que les gens parlent, mais tout est organisé par l’exécutif », estime même Thibault, jeune juriste guyancourtois rencontré après la réunion à l’UVSQ. Anne-Laure, autre Guyancourtoise présente dans l’amphithéâtre, semble partager cet avis. « On nous écoute, on nous écoute, mais on ne sait pas ce qu’ils vont en faire », estime cette trentenaire travaillant dans le marketing.

Des réactions similaires ressortaient également de la réunion des gilets jaunes d’Élancourt. « Il y a plein de thématiques différentes qui ont été abordées, on sent que les gens sont très investis et qu’ils ont envie que ça change, affirme Sylvie, venue de La Verrière. Maintenant, comment construire la suite, faire perdurer tout ça, comment est-ce que l’on va pouvoir s’organiser et qui va nous aider ? » Un élu d’une commune des Yvelines, souhaitant rester anonyme, ose lui un parallèle historique : « Ce mouvement-là [des gilets jaunes] est légitime, il faut juste que ça puisse déboucher, le grand débat national, sur quelque chose de positif, comme en mai 68. »

Pour d’autres, c’est la manière dont les débats sont organisés qui ne convient pas. « Les gens ont pu s’exprimer et dire ce qu’ils pensaient, mais c’était limité de ne faire ressortir que quatre thématiques, juge un conseiller municipal ignymontain à la sortie de la réunion de l’UVSQ. Il aurait fallu le faire en deux fois. » Ce qu’ont d’ailleurs choisi de faire d’autres communes saint-quentinoises, comme Voisins-le-Bretonneux, où chaque réunion s’articulait autour de deux thématiques, tandis que Villepreux a même organisé une réunion par thématique.

A l’UVSQ, environ 300 personnes ont pris part à la réunion du grand débat national, le 20 février.

Les avis qui ressortaient de ces deux réunions étaient malgré tout globalement positifs. Certains se montraient même très optimistes. « Il y a plein de choses dont j’ai conscience, mais je ne m’y connais pas plus que ça, a réagi Sandrine après la réunion à Élancourt. Donc ça fait du bien d’entendre une autre version que ce que nous sort le gouvernement. » Cette Parisienne a « infiltré » des mouvements de gilets jaunes des Yvelines via les réseaux sociaux et participe désormais à certaines de leurs assemblées générales : « Il y a vraiment plein de gens hyper intéressants, cultivés, éveillés sur plein de sujets. »

C’est d’ailleurs là l’un des espoirs de Priscilla Ludosky, figure majeure du mouvement. « Comme c’est retransmis sur les réseaux, […] ce sera partagé pour que les gens voient ce que font les gilets jaunes en dehors des manifestations », estime-t-elle. Au niveau des principaux sujets de préoccupations, ont été notamment mis sur la table, au cours de la réunion du 22 février, la réforme des retraites que prévoit le gouvernement, qui est « le pire auquel vous devez vous attendre », craint Gérard Filoche. Et l’ancien syndicaliste de marteler : « Défendons notre système de retraites par répartition tel qu’il est, refusons le système par points, exigeons le maintien des pensions de réversion intégrales, refusons qu’il y ait une indexation des retraites par rapport à l’inflation. »

Autre grand sujet abordé, le fameux RIC, qui « nous permet d’abroger des lois complètement débiles et de mettre en place plus de justice fiscale et sociale », assure Priscilla Ludosky. Elle ajoute, en réponse à une participante qui estimait que cela était trop vu comme « un coup de baguette magique », qu’il s’agit d’ « un outil qui permettrait d’accéder à [plus de] démocratie ». « Il y a plein de formules, pour changer le système, le RIC en fait partie, abonde Philippe Pascot. Mais je comprends que ces gens n’en veuillent pas, car ça remettrait totalement en cause leur façon de fonctionner, ça permet au peuple de reprendre la main. Avec un RIC, on n’a plus besoin de partis politiques, et ça ils ne veulent pas. »

à élancourt, intervenants comme participants n’ont également pas manqué de critiques envers l’Europe, certains réclamant même un Frexit. « Moi, je suis pour un Macronxit », lance Gérard Filoche, applaudi par les personnes en tribunes, certaines portant des gilets jaunes floqués des inscriptions « Macron destitution » ou « Touche pas à ma retraite ».

« L’Europe telle qu’elle est aujourd’hui, moi je dis non », affirme de son côté Philippe Pascot, jugeant qu’elle « ne correspond pas aux attentes des populations ». Frédéric Farah, lui, estime qu’« il y a déjà un premier problème, c’est la monnaie unique, qui est une monnaie inique avant d’être unique ». Un augmentation du revenu minimum a aussi été évoquée, un participant avançant même le montant de « 1 800 euros nets [par mois] », et beaucoup pointant le paradoxe entre les richesses importantes du pays et l’extrême pauvreté d’une partie de la population.

A l’UVSQ, contrairement à Élancourt, aucun référent n’était présent pour répondre aux propositions des participants, mais un grand nombre d’idées sont ressorties. Concernant la transition écologique, le développement de la permaculture, la mise en place de quotas énergétiques annuels individuels, la promotion de transports 2.0 ont notamment été préconisés. En matière fiscale, a été émise l’idée de taxer les grosses transmissions de revenu, tandis que les critiques de la flat tax (impôt à taux unique, Ndlr), considérée par beaucoup comme injuste, sont revenues à plusieurs reprises.

Sur le plan de la démocratie, certains participants ont notamment réclamé une meilleure représentativité, l’instauration du RIC, la prise en compte du vote blanc, la mise en place d’une assemblée où les citoyens seraient élus au tirage au sort par un jury populaire en remplacement du Sénat. La suppression des privilèges des anciens présidents, la simplification du nombre de niveaux administratifs ou encore la défense des services publics figuraient aussi au menu des discussions.

Ces propositions formulées, un certain nombre de participants se sont montrés optimistes, à condition de continuer la lutte. « Le mouvement des gilets jaunes ne s’essouffle pas, il évolue avec ce type de réunion, assure Priscilla Ludosky. On avance, mais on ne peut pas tout faire en quatre mois. […] Ça se travaille, ça se discute, ça se débat. On ne peut pas du jour au lendemain révolutionner tout un truc. » Elle donne « rendez-vous en mars et avril prochains » pour continuer à manifester dans les rues. D’ici là, plusieurs autres réunions du grand débat sont prévues dans l’agglomération.