Depuis la nuit de vendredi, les gilets jaunes des Yvelines se relaient pour tenir un barrage filtrant à proximité du dépôt pétrolier de Coignières, principal site d’approvisionnement de la région parisienne. Si les camions-citernes ne circulaient pas ce week-end, ceux-ci ont été fortement ralentis depuis la reprise de l’activité du dépôt, tôt ce lundi matin, comme le relate 78actu. Pour comprendre les revendications et la raison de cette mobilisation dans les Yvelines, La Gazette est allée à la rencontre des gilets jaunes installés à Coignières, samedi 8 décembre dans l’après-midi.

« Nous sommes là depuis minuit et demi (dans la nuit de vendredi à samedi, Ndlr) », explique Angélique, Rambolitaine de 26 ans présente dès le début sur ce barrage. Cette dernière raconte qu’après être arrivés sur place, les gilets jaunes ont décidé « de filtrer les voitures et les camions pour qu’on n’ait pas de soucis ». Pour tenir ce barrage filtrant, ils ont bloqué une partie de la route, notamment avec une barricade constituée de pneus et de palettes, qu’ils ont eux-même ramenés.

« On se prépare depuis deux semaines, souligne Angélique. On s’organise sur Telegram (messagerie chiffrée, Ndlr) et en échangeant en direct. » Une préparation nécessaire qui a permis aux gilets jaunes de tenir déjà trois nuits sur place (lors de la rédaction de cet article le 10 décembre, Ndlr). Ils ont notamment installé plusieurs braseros sur lesquels les barbecues s’enchaînent, et un petit camp de base doté d’un canapé pour se reposer, de boissons et nourriture. Des vivres dont les gilets jaunes sont régulièrement approvisionnés par des automobilistes affichant leur soutien à la mobilisation.

Ce samedi, tous s’accordaient sur l’ambiance « pacifique » et « conviviale » qui régnait sur le désormais autoproclamé « Village des gilets jaunes », y compris avec les policiers qui encadrent sans difficulté la mobilisation. « On se montre sur un point dur à garder, estime Béatrice. Le but est de tenir sur la longueur, pas d’aller à l’affrontement. » Et pour tenir, depuis vendredi soir, les gilets jaunes se relaient sur place, certains rentrant chez eux le temps d’une sieste avant de revenir.

« On se montre sur un point dur à garder, estime une gilet jaune. Le but est de tenir sur la longueur, pas d’aller à l’affrontement. »

Ils étaient par exemple une petite quarantaine ce samedi, venus principalement de la moitié Sud des Yvelines, où s’entremêlaient retraités, jeunes actifs, pères et mères de familles, certains avec enfants. Sur le barrage filtrant de Coignières, les revendications sont nombreuses mais quelques demandes sont récurrentes, comme celle d’une augmentation du Smic, plusieurs jugeant que le président de la République n’a, « pour l’instant, fait que des cadeaux pour ceux qui gagnent le plus ».

« On souhaiterait que tout le monde puisse vivre décemment de son travail, insiste un Saint-quentinois surnommé Moustique, venu avec son fils, et peu convaincu par les annonces du gouvernement depuis le début du mouvement des gilets jaunes. Je gagne 1 700 euros par mois, je vis plus ou moins bien, mais aller au cinéma ou au théâtre comme on le faisait avant, ce n’est plus possible. » Complété par un autre gilet jaune : « Aujourd’hui, on parle des fins de mois difficiles, mais moi, c’est dès le 10 que c’est difficile. »

Patricia, retraitée venue de Rambouillet, estime quant à elle « subir la baisse de la CSG de plein fouet ». Au rang de ses revendications figurent ainsi « le rétablissement de l’ISF, et l’augmentation du SMIC pour que les jeunes aient un salaire pour vivre dignement ». Une défiance vis-à-vis des élus du gouvernement est également palpable chez les gilets jaunes de Coignières.

« On ne fait plus confiance aux représentants politiques », estime Lounis, qui réclame comme beaucoup la mise en place d’une « assemblée populaire ». Ce jeune actif de 27 ans a déjà participé à des mobilisations au péage de Saint-Arnoult-en-Yvelines ainsi qu’à Paris la semaine dernière, où il n’a pas souhaité retourner cette fois-ci. « Ce n’est pas productif, on n’était pas des casseurs mais on s’est fait démonter, on s’est fait gazer, on s’est pris des flash-ball », assure-t-il. Un témoignage que l’on retrouve chez plusieurs gilets jaunes, qui ont donc préféré cette présence « pacifique » à Coignières.

Si ce week-end, le trafic n’était que légèrement ralenti, il l’était de manière beaucoup plus importante ce lundi matin avec la reprise de l’activité du dépôt pétrolier, d’après 78actu. Samedi 8 décembre, plusieurs gilets jaunes affichaient en tout cas leur détermination : « On est prêt à rester une ou deux semaines s’il faut. »